lettre tentative 2 3700303 (1) PDF


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8 NOVEMBRE 2011 : Cette date marquera à jamais la sauvagerie inouïe qui s’est
abattu sur Yves, Angèle et Carla Serena MANUNTA.
Il est 18H40, ils rentrent tous les trois dans le parking à bord d’une 308 de location.
Mon père est au volant, ma petite soeur derrière lui, et ma mère côté passager.
Mon père entame un créneau pour se garer sous le lampadaire. Un premier choc
retenti. Il pense taper contre le mur.
Il se tourne sur sa gauche et voit dans un premier temps un homme à la démarche
robotique, fusil à l’épaule, faire feu dans sa direction. Un second tireur prend
rapidement part à la fusillade, et l’un d’eux se déporte au niveau de la vitre arrière
gauche du véhicule. Kalachnikov et fusil à pompe en main il font pleuvoir un déluge de
projectiles sur la voiture. Des cris de panique résonnent : “Arrêtez, il y a la petite !”
Au milieu de ce torrent de balles, et sans en prendre une seule, mon père, vif comme
l’éclair, s’extirpe du véhicule. Il passe sur les genoux de ma mère, et sort de son côté.
Elle, est pétrifiée et perd du temps car elle ne parvient pas à défaire sa ceinture de
sécurité. Les détonations sont terrifiantes et les rafales percent la voiture comme du
papier. Ma mère est blessée à plusieurs reprises. Elle touche sa cuisse et regarde sa
main qui est déjà entièrement recouverte de sang. La douleur est abominable.
Ma soeur se fait toute petite. Avec ses bras, elle se bouche les oreilles et protège sa
tête. Elle voit à 3 mètres d’elle un tireur, les yeux dans les yeux. Il cesse de tirer à
l’avant du véhicule, la met en joue et lui tire dessus. La cruauté est à son paroxysme.
Ils sont venu pour assassiner tout le monde et faire un massacre qui marque les esprits.
Cet effroyable assaut militaire est interminable :
Plus de cartouche dans le fusil à pompe ? On sort un pistolet 9 mm.
Yves n’est plus dans la voiture ? On tire quand même. Tout le monde doit mourir !
Au milieu du fracas des balles, des vitres brisés et de la voiture éventrée, une famille
est en train d’agoniser. A l’arrière de la voiture il y a des plombs avec des touffes de
cheveux de ma mère et de ma soeur. Leurs hurlements et leurs pleurs auraient arrêté
une armée entière. Elles endurent péniblement les interminables dernières secondes de
cette catastrophe, avant l’arrivée des secours. Elles baignent dans leur sang.
Et Yves ? Ou est-il ? On ne sait pas ce qui lui est arrivé. Pas encore…

Ce procès, on a tendance à l'oublier, n'est pas seulement celui de la tentative
d'assassinat sur Angèle et Carla Serena, mais également celui d'Yves, mon père.
En plus de l'avoir tué physiquement, on l'a enterré judiciairement, et presque oublié
comme s’il n'était que spectateur passif du crime du 8 novembre 2011.
Ce procès est celui de la torture judiciaire, sociale, physique, morale et psychologique.
A l'heure où je vous parle, j'aurais pu être tout seul. Sans mère, sans ma petite soeur et
sans père, mais ça je le suis.

En 1996, la guerre nationaliste plombe la Corse et lorsque j'avais 7 ans, mon père a
échappé à une fusillade d'une rare intensité devant la préfecture d'Ajaccio où 98
douilles seront retrouvées sur place. La voiture ressemblait à une passoire et mon père
sera touché à la tête, aux deux jambes et au talon. Il survivra à ses blessures et
refusera de livrer à la police le nom des tireurs qui étaient à visage découverts.
Un mois plus tard il faisait des randonnées en montagne comme si de rien n'était.
On l'appelait Robocop. Un trompe la mort dur comme la pierre. C’était un quelqu’un de
simple issu d’un milieu très modeste. Un sportif, franc, ami fidèle, élevé à l’ancienne.
Depuis cette époque, je savais que la mort pouvait frapper à tout moment, et que la vie
ne tenait qu'à un fil. Mais d'un autre côté, son instinct de survie et sa résistance
physique étaient tellement puissants, qu'après avoir traversé cette épreuve, et d'autres
encore, je me disais que la mort ne voudra jamais de lui.
C'était sans connaître l'interminable supplice qui nous attendait.
A lui, à ma petite soeur, à ma mère, et à moi.
Comment en sommes-nous arrivé au carnage du 8 novembre 2011 ?

En l'an 2000, mon père et son ami de l'époque Antoine NIVAGGIONI fondèrent
ensemble la SMS, une société de sécurité privée. La même année, ma petite soeur vint
au monde. Nous étions vraiment heureux. La SMS connaît une ascension fulgurante et
les tensions de la guerre nationaliste des années 90 sont retombées. Mon père n'a pas
un seul ennemi. Ils avaient tout pour être heureux.
En 2002 et 2003 mon père constate que le bureau d’Antoine NIVAGGIONI devient le
repère borderline des voyous et des policiers des renseignements généraux, avec qui il
s’enferme à double tour. Pour parler de quoi ? Du boulot répondait-il, peu convaincant.

En 2004 et 2005, la SMS est une des plus grosse société de Corse. Antoine
NIVAGGIONI a la folie des grandeurs, roule en Audi A6 blindée, s’offre des nuits dans
des palaces, monte régulièrement vider les bijouteries de la place Vendôme pour
combler ses maîtresses. Mon père, lui, reste ce qu’il a toujours été : un homme simple,
modestement habillé qui roule en Mégane, proche de ses employé et qui veille au grain.
Après plusieurs mois de suspicion, mon père prend Antoine NIVAGGIONI la main dans
le sac en train de voler la SMS, et se met à éplucher tous les comptes et découvre un
vol astronomique. Mon père est furieux et lui demande de rendre tous les sous.
Cette trahison va sérieusement compliquer sa relation avec Antoine NIVAGGIONI.
En 2006 Paul GIACOMONI, le meilleur ami de mon père, est assassiné. Il est
catégorique : derrière cet acte il y a Antoine NIVAGGIONI. Ce dernier et ses amis
commencent à préparer l’isolement de mon père. Ils le font passer pour un électron
libre incontrôlable. Mis à l'écart, il apprend tout de même que dans certaines réunions
on parle de son élimination physique, car il s'est juré de venger son ami Paul
GIACOMONI. “Je travaille tous les jours avec celui qui a fait tuer mon ami” disait-il.
En 2007 mon père claque la porte de la SMS et fonde sa propre entreprise, la SSM.
En fin d’année un vaste coup de filet est lancé dans une affaire d'escroquerie entre la
société SMS et la Chambre de Commerce et d'Industrie de Corse-du-Sud, où 3 millions
d'euros seront détournés. Les acteurs principaux qui sont entre autres Antoine
NIVAGGIONI et Francis PANTALACCI sont introuvables car prévenus de l'opération de
police qui se montait contre eux. Ces deux-là ont toujours un coup d’avance, comment
est-ce possible ? Mon père, lui, sera incarcéré à la prison des Baumettes.
Il est fou de rage car en plus d'être volé, il a été sali et emprisonné à tort.
Que les choses soient claires : à cet instant, il en voulait à mort à Antoine NIVAGGIONI.
En Janvier 2009 Antoine NIVAGGIONI est arrêté et les tensions ne vont faire que
monter. Mon père a des retours d’informations de réunions secrètes organisée par les
amis d’Antoine NIVAGGIONI dans lesquelles il est dit " Yves MANUNTA on va le ronger
économiquement", "on va tout lui prendre", "il faut d'abord l'isoler".
Plusieurs personnalités prennent part à ces réunions parmi lesquelles l’incontournable
Francis PANTALACCI, un des patrons officieux de la Chambre de Commerce, qui est
un notable influent et un franc-maçon de la Grande Loge Nationale de France.
Col blanc par excellence, il aura un rôle stratégique et central dans cette affaire.
Il y a avec lui d'autres personnes, dont certaines sont décédées aujourd'hui, et par
respect je ne mêlerai pas leurs noms à cette affaire. On va tout lui prendre, et après ?

Comme par magie, notre société perd subitement tous les marchés de la Chambre de
Commerce, et on ne parvient plus à récupérer des dizaines de milliers d'euros qui y
sont gelés. Mon père rencontre Francis PANTALACCI au magasin de Jacques NACER,
et le met en garde. La discussion est houleuse, l’ambiance est électrique :
YM - Vous me connaissez alors arrêtez de me piquer, vous savez très bien que je vais
réagir ! J’ai un problème avec Antoine et je vais le régler, alors ne vous en mêlez pas.
FP - Ò Yves ! On a quand même le droit de prendre les patins de qui on veut ? Non ?
YM - Donc vous me sortez le pain de la bouche ? Alors je te préviens, il va y en avoir
pour tout le monde, et pour toi aussi !
C'est une véritable fracture à Ajaccio. Mon père le sait, à tous moments il peut être
fauché par un tireur embusqué, doublé par une équipe à moto ou stoppé par un
commando en fourgonnette. Durant l’année 2009 la pression est accrue. Le malheur
frappe tout le monde. Les escrocs, les travailleurs, les innocents comme les voyous.
Mon père voulait seulement protéger sa société et son honneur, mais le redoutable
front qui s’est monté contre lui l’a catapulté de fait dans l’arène de la violence. Tous les
prétextes sont bons pour le faire tomber, le discréditer, lui attribuer des crimes, le faire
arrêter, ou le faire tuer.
Comprenez bien, Yves MANUNTA était un travailleur qui voulait absolument être sur le
terrain, risquant sa vie pour sauver sa société et ses salariés. Il n’a jamais eu d’intérêts
dans des affaires illégales. Sa société n’a jamais eu un seul euro de dette et il n’a
jamais volé ou détourné quoi que ce soit, il est mort à 50 ans avec un casier judiciaire
vierge, et n’avait pas pour habitude de se laisser marcher sur les pieds. Ses
préoccupations ? Sa famille, ses employés, la santé de sa société, et celle de ses amis.
Fin août 2009 un certain Jean Bernard LECA est interpellé lourdement armé à proximité
du domicile de Francis PANTALACCI, et on retrouvera l'ADN de mon père dans le
casque qu'il portait. C’est normal, c'est son casque que Jean Bernard LECA lui avait
demandé la veille pour éviter de prendre l’embouteillage, et qu'il était censé lui laisser à
la paillote du Neptune le lendemain. C’est officiel et aujourd’hui judiciairement avéré.
3 semaines plus tard, Antoine NIVAGGIONI sera libéré de prison. Il va profiter de cette
affaire d'ADN et de son influence pour mettre en alerte ses proches et les convaincre
qu’il faut s’occuper du cas MANUNTA. Commerçants, élus, francs-maçons ajacciens,
voyous, et indicateurs de police, ses contacts épousent aveuglément sa cause.

Antoine NIVAGGIONI était très rusé et n'affrontait pas seul mon père. Il mettait en avant
tout son réseau pour se sécuriser. Francis PANTALACCI est une pièce maîtresse de ce
réseau. Mon père est attaqué sur tous les fronts : Socialement, professionnellement et
financièrement. La mécanique est enclenchée, le piège se referme lentement.
Là encore, que les choses soient claires, mon père n'est pas resté les bras croisés en
attendant de se faire tirer comme un lapin. Il prenait de plus en plus de précautions,
cherchait des informations sur les uns sur les autres, essayait de savoir ce qui se
préparait contre lui, et n'allait reculer devant rien. Même seul, même à découvert.
Nous sommes en 2010, et c’est à cette période qu’Yves MANUNTA va apprendre
qu’Antoine NIVAGGIONI, son ex-ami de 20 ans, soi-disant nationaliste corse, est en fait
un indicateur de police protégé par le secret défense depuis 2002 qui travaille pour
l’Etat. Il a rendu de nombreux services à Bernard SQUARCINI. Une trahison de plus.
C'est officiel, une vérité incontestable, signée de la main de la ministre de la Justice en
personne Michèle ALLIOT MARIE le 18 mai 2009. J’en ai conservé une copie.
La toute puissance, elle venait de là. Ils se servaient de leurs relations truands /
policiers / Etat pour régler leurs comptes et s'assurer d'avoir impunité et pouvoir.
Des intouchables qui naviguent entre nationalisme, affairisme et banditisme.
« Je suis un moustique dans un nid de frelons, mais un moustique très énervé » me
disait mon père conscient de son infériorité. Il est imperturbable, téméraire, prêt à tout,
retranché dans son impasse. Il affronte quasiment seul cette organisation mafieuse.
Durant plusieurs mois, et bien souvent à cause de dénonciations anonymes, mon père
sera placé en garde à vue dans des dossiers criminels. On lui fera porter le chapeau de
plusieurs assassinats et tentatives, ce qui donnera du grain à moudre à la rumeur qui
enfle en ville "MANUNTA a perdu la tête, il va tous nous tuer". L’air est irrespirable.
Mon père ne sera jamais inquiété judiciairement dans aucun de ces dossiers, mais sa
haine à l'encontre de ce réseau ne va faire que croître. Parallèlement ceux qui
échouaient à le mettre au tapis financièrement, professionnellement, socialement ou
judiciairement commencèrent à songer à de nouvelles méthodes...
« Yves MANUNTA, maintenant il faut le tuer ». Une chape de plomb pèse sur nous.
Mon père est asphyxié. Des pressions sont exercées sur ses proches et beaucoup de
gens s’écartent de lui pour ne pas avoir de problèmes. Il est isolé au plus haut point. De
potentiels associés se désistent, on l’évite un maximum. A la maison, nous sommes
tous très angoissés. Mon père passe des journées sur son fauteuil à fixer un carreau du
sol dans son salon. Son téléphone ne sonne plus parfois pendant des jours.

Contre toute attente, en octobre 2010, Antoine NIVAGGIONI sera tué par balles.
Toutes les investigations mèneront à des gens qui n'ont rien à voir avec mon père,
selon l'accusation pour des raisons qui ne concernent pas la SMS. Pour ce crime ils ont
été condamnés, ont interjeté appel de ce verdict, et sont donc tous toujours présumés
innocents. Mon père, lui, ne sera jamais inquiété dans ce dossier, ni de près, ni de loin.
Après l'assassinat d'Antoine NIVAGGIONI, mon père est persuadé que la pression allait
redescendre tout doucement et que ceux qui ont pris parti contre lui vont tranquillement
retourner à leurs affaires. Antoine NIVAGGIONI étant mort, et sa mort ne le concernant
pas, il n'y avait pas de raisons que les tensions reprennent. Il s'est trompé.

Francis PANTALACCI a trois fils, dont deux jumeaux que je connais très bien. Les
inséparables MARC et DOMINIQUE. J'ai grandi avec eux. On restait très souvent
ensemble chez José à la table 14, au Casone, j'ai joué à la belote une grande partie de
ma jeunesse avec ces deux-là au Café de Paris, on mangeait au Texas Café et à Holly
Burger, on jouait au foot à la plage au Neptune, on sortait en boîte à l'Entracte.
Dominique est plus extraverti, tout le temps dehors, plus footeux, plus sorties. Marc est
plus sérieux, plus casanier et discret, plus joueur de cartes, mais pas moins déplaisant.
Ils étaient polis et toujours bien habillés. Deux garçons populaires, mais surtout deux
boules de nerfs au sang chaud. Ils étaient un peu turbulents c'est vrai : L'un et l'autre
bagarreur. L'un fasciné par Antonio Ferrara, truand ex-ennemi public n°1 ; l'autre par
Tommy Recco, un serial killer corse qui a tué des hommes, des femmes et une enfant...
Ils montaient chez moi, il connaissait toute ma famille. Ma mère leur portait énormément
d'affection, ils le savent très bien. On fréquentait les mêmes endroits toute l'année,
matin, midi et soir. Ma situation de l'époque était assez gênante. Mon père était très mal
avec des gens et moi je restais avec les enfants. C’est un peu le problème de la Corse.
Mais je sais faire la part des choses. Eux, ils ne m'avaient rien fait. Je n'avais pas de
problèmes avec eux. S’ils avaient un souci avec moi, ils n'avaient qu'à m'en parler.
Les histoires de mon père je veux les connaître mais je n'ai pas à m'en mêler.
Durant l'été 2010 je sentais monter chez les jumeaux une vague irrépressible de
violence. Les problèmes se multipliaient, à la plage au Neptune, sur la route avec un
dépanneur, en boite de nuit à Porto-Vecchio, des bagarres partout. Ils sont armés,
calibre à la ceinture en permanence. Jusqu'à en arriver à la terrible fusillade du SUN.

Ce soir-là j'aurais largement pu être avec eux. Le week-end précédent j'avais rejoint
Dominique PANTALACCI au même endroit. À la suite d’un différend avec un videur, ils
ont tiré sur toute la foule de la discothèque à visages découverts et ont blessé du
monde. Certains blessés que je connais ont encore des séquelles aujourd’hui. Ils se
sont mi en cavale pendant 1 mois, puis se sont rendu. Durant leurs détentions j'ai écrit
une fois à l'un, une fois à l'autre. Sans réponse. J'ai demandé à les joindre par
téléphone. Sans succès. L’hiver passe et je n’ai toujours pas eu de leurs nouvelles.
Ce silence est de plus en plus pesant, et le lien entre nos parents va se fracturer net :
En mars 2011, le procès de la SMS s'ouvre sous haute tension. D'un côté mon père,
seul, travailleur dupé et escroqué ; de l’autre une vingtaine d'accusés parmi lesquels
Francis PANTALACCI, des voyous, des hommes politiques, des hommes d’affaires,
des personnalités influentes de la Chambre de Commerce, des anciens nationalistes et
des proches de feu Antoine NIVAGGIONI. Un véritable système mafieux est exposé au
grand jour : Détournement, favoritisme, abus de biens sociaux, blanchiment, la totale.
Usant de toutes les bassesses possibles, l'avocat Me Antoine SOLLACARO, défenseur
de Francis PANTALACCI, va lors de sa plaidoirie accuser mon père d'être responsable
de l'enquête policière et judiciaire de la SMS. Mais pas seulement : Il lui colle sur le dos
les assassinats de Noël ANDREANI et d'Antoine NIVAGGIONI ainsi que le projet
criminel avorté sur Francis PANTALACCI. Il n’a même plus le respect de sa profession.
Il le fait en diffamant, et en trahissant le principe de présomption d'innocence et celui du
secret de l'instruction, car il révèlera des éléments d'autres dossiers en cours sur
lesquels mon père s'était déjà expliqué, et pour lesquels il n'avait pas été poursuivi, car
les explications fournies étaient cohérentes et sont aujourd'hui judiciairement avérées.
En Juin 2011 mon père sera acquitté de ce procès, et les voleurs de poules seront
logiquement condamnés. Le procès a atteint un rare niveau de violence verbale.
Par un torrent de délations, de haine et de mensonges, Me Antoine SOLLACARO vient
d’acter publiquement une déclaration de guerre entre Yves MANUNTA et Francis
PANTALACCI. C’est officiel, nous sommes en danger de mort. La terre tremble sous
nos pieds, et je me demande sérieusement comment je vais faire quand les jumeaux
vont sortir. Mon père va-t-il réussir à survivre jusqu’à la fin de l’année ?
C’est comme si on avait transformé Yves MANUNTA en un disque de ball trap orange
fluo et qu'on l'avait envoyé devant une lignée d'hommes armés. "PULL !".

Les conséquences sont immédiates. Quelques semaines plus tard en Août 2011, une
figure du MPA, un ex-mouvement nationaliste corse, fera parvenir à Yves MANUNTA
un précieux renseignement : Un guet-apens lui a été tendu sur la route de Capo di
Feno, là où il devait se rendre pour superviser la sécurité d'une soirée blanche.
Mon père a eu un bon instinct, il n’y était pas allé, mais la mise en place à quand même
eu lieu. Ceux qui ont voulu lui tendre cette embuscade sont trois fidèles de Francis
PANTALACCI et de feu Antoine NIVAGGIONI qui gravitent autour de la Chambre de
Commerce. L'atmosphère est volcanique, et ce n'est pas fini.

Le 1er Octobre 2011 les jumeaux Marc et Dominique PANTALACCI sortent de prison
après seulement 1 an de détention préventive. J'ai contacté la compagne de Marc
PANTALACCI par Facebook et lui ai demandé des nouvelles, et d'organiser un
rendez-vous en lui laissant mon numéro de téléphone. Elle a lu le message, et ne m'a
pas répondu. Plus le temps passe sans réponse de leur part, plus on a l’impression
qu’une bombe à fragmentations ne va pas tarder à exploser. C’est peu de le dire.
Le 16 octobre 2011 mon grand-père décède brutalement avant un repas de famille.
Tous mes amis se manifestent d'une manière ou d'une autre. Tous, sauf les
PANTALACCI. Je ne sais plus quoi penser, jusqu'à ce que tout s'éclaircisse :
Un jeune homme ayant quitté la prison d'Ajaccio, et qui a bien fréquenté les jumeaux en
détention viendra en personne à la morgue nous faire passer un message des plus
prémonitoire "Il faut que Yves et son fils mettent le gilet pare-balles. Entre les
MANUNTA et les PANTALACCI ça va déraper copieux, les jumeaux vont leurs monter
dessus rapidement, qu'ils fassent très attention". J'étais assommé.
Et mon père, lui, ne voulait rien savoir : "Ce sont des merdeux, qu'est-ce tu crois qu'ils
vont faire ? A leur place j'y réfléchirais à deux fois. Ils n'ont pas assez d'ennuis ?"
Il faut croire que non, ils ne devaient pas en avoir assez.
Ceux qui parviennent à voir les jumeaux sont unanimes. Quelque chose a changé chez
eux. Leur regard est vide, ils font peur. Les moments passés avec eux sont parfois
gênants, ce n’est plus comme avant. Marc ressemble à un monstre froid. Dominique
raconte entre deux ricanements à voix basse, pour que leur mère n’entende pas, le
“bain de sang” qu'ils ont fait à la boîte du SUN. Quand on lui demande pourquoi il est
tout le temps armé il répond, arborant son 9 mm “Mon père n’a pas que des amis”.
Ils ont goûté au sang, à la prison et à l'impunité ; ils sont armés, et virulents :
C'est une frénésie meurtrière qui s'annonce, et tout le monde en a bien conscience.

A cette période mon père avait vu Alexandre PANTALACCI sortir d'une route juste
au-dessus de notre residence Balestrino et sous la résidence Aiglon. Ils sont arrivés
simultanément au croisement, Alexandre l'a laissé passer. Sa présence ici l'intriguait.
Il m'en a fait part, et me demanda de noter sur un papier toutes les fois où je voyais un
véhicule de la famille PANTALACCI tourner dans le quartier ou dans ses environs.

Nous sommes le 8 novembre 2011. Avec Jenni ma compagne, cela fait 1 an jour pour
jour que nous sommes ensemble, et je suis monté la voir à Corté en plein centre de la
Corse. Je lui fais la surprise et rentre dans son appartement d'étudiante. Elle sourit.
Il est 18H40 je pose mon sac et je la serre dans mes bras. Au même moment, les
soldats de Satan surgissent des ténèbres et arrivent sur le parking de chez moi.
C’est irréversible, à partir de cet instant précis, plus rien ne sera jamais comme avant.
Mon portable sonne, ma mère hurle au bout du fil avant même qu'on ne se parle
« Appelez une ambulance ! A l'aide ! ». Son souffle est court.
Je lui demande ce qu'il se passe, elle me répond affolée « Sté ! Mon Dieu on vient de
se faire tirer dessus, j'ai pris des balles partout, la petite aussi est blessée ».
Ma réaction fut de sauter à pieds joints par terre, frustré de ne pouvoir rien faire, étant à
80 km d'eux. C’était hallucinant.
"Comment ça vous êtes blessées ? Vous allez vous en sortir ? Et papa ? Il est où ?"
"Entre les voitures quelque part là-bas..."
Je compris qu'il était mort et lui ai juste demandé dans quel état il était pour savoir si sa
tête était touchée. Je voulais le revoir avant de l’enterrer.
Elle me répondit en un râle mortifère "Je sais pas mon fils. Je saigne beaucoup Carla
Serena est dans mes bras, on attend".

Alors que le silence règne, les yeux dans le ciel et en état de choc, elle dit à voix basse
"Seigneur je t'en supplie ne me la prend pas", pendant que sa fille dans ses bras est
terrorisée à l'idée d'être achevée par des coups de grâce.
En plus de perdre mon père je m'imaginais arriver trop tard pour les serrer dans mes
bras avant qu'elles ne meurent d'hémorragie. Je voyais déjà les trois draps blancs
recouvrant leurs cadavres froids. J'avais la sensation que la mort m'aspirait par le sol.
Sur la route, mon portable sonne malgré le mauvais réseau. Un voisin me parle :
« Maman je suis avec elle, elle saigne mais ça va. La petite aussi elle est blessée au
bras elle va peut-être le perdre. Les organes vitaux n’ont pas l’air touchés ».

J'étais comme anesthésié. J'entendais ces mots tous plus surréalistes les uns que les
autres, je me disais que j'allais me réveiller...
« Et papa dans quel état il est ? »
« Papa ? il est là, je te le passe ! »
Je n'en revenais pas. Il me parla une ou deux minutes. Il était très essoufflé :
"J'ai sauté le muret, j'ai pas pris une balle ! Ils se sont acharnés sur maman et la gosse,
moi j'ai les chevilles en miettes, j'ai rien ça va aller".
Durant ce trajet qui fait presque 1h je me suis demandé une centaine de fois comment
des gens, si cruels soient-ils, ont pu tirer sur une gamine et une mère de famille.
Je n'étais pas au bout de mes surprises.
Après le fracas des coups de feu, le silence règne sur la scène de crime qui est
épouvantable. Voitures et murs sont troués, l'odeur de la poudre et du sang se répand
dans toute la résidence. Un tsunami de violence dévastateur ravage ma famille entière.
J'arrive à l'hôpital d'Ajaccio je vois une immense foule. J'entre aux urgences, dans la
chambre de mon père et le pris dans mes bras. Il me dit "C'est le manège que j’ai vu
sous l'Aiglon, c’est eux !". Je comprends tout de suite. Je lui demande comment ça s'est
passé en deux mots. Il est survolté, et ne cesse de prononcer toutes sortes d’insultes.
Constatant qu'il n'a quasiment rien, je rejoins ma mère qui, elle, est dans un sal état.
La hanche est percée de part en part. La cuisse ouverte en deux sur presque 20 cm. Le
bras gauche troué. Il manque des morceaux de chair, elle a des éclats et des ricochets
partout. Sur son crâne comme sur son genou, il y a des éraflures de plomb. Il y a du
sang partout. Elle me dit d'un ton très fatigué "Ma jambe, je ne sens plus ma jambe".
Essayant de la rassurer je lui dis que c'est le choc et que ça allait revenir. Je me penche
pour l'embrasser sur le front et je lui pince discrètement le genou de toutes mes forces.
Aucune réaction...
Ma petite soeur je n'ai même pas pu la voir, elle est restée en pédiatrie, et ma mère est
restée aux urgences. On me dit que la petite est consciente et qu'elle ne pleure pas.
Une vraie guerrière, comme son père.
Sur place je constate la présence d'un nombre incalculable d'amis, de proches, de
connaissances, ils sont tous là. Tous, sauf les PANTALACCI. Eux étaient dans toutes
les bouches. C’était l'effervescence, tout l'hôpital parlait d'eux. « La petite a reconnu »,
« Ton père hurlait leurs noms », “C’est incroyable, ils ont recommencé”.
Le nom PANTALACCI résonne dans le hall traversant de l'hôpital toute la soirée durant.

On raccompagne mon père à la maison, on doit être une vingtaine. Plusieurs personnes
attendent au portail, dans la cage d'escalier, sur le parking, dans la maison.
Je rentre quasiment le dernier et vois mon père dans son canapé, une trentaine
d'hommes autour de lui. Des amis, des gens de son village, d’anciens nationalistes, des
relations de travail, des gens qui ne voulaient pas se montrer avec lui en ville.
Je claque la porte et je l'entends pester devant tout le monde "La gosse a tout vu, c'est
les PANTALACCI, elle a reconnu MARC !". Je passe les propos d'insultes et de tortures
prononcé par mon père à leur encontre. Ses phrases étaient ponctuées par "Je vais
attaquer leur maison. Je m'en fous pas mal des caméras, des cagoules, de l'ADN et du
reste. Je me gare devant, je rentre, et j'en ressortirai quand elle sera en cendres".
Il regarde un ami et lui demande avec le plus grand sérieux " Tu peux pas me trouver
vite un lance flammes ? Je ne vais même pas leur laisser les yeux pour pleurer".
Mon père est immobilisé, ses deux chevilles sont gonflées comme des melons.
Heureusement, des amis s'occupent de lui pour les soins, les déplacements, à boire, à
manger. On a veillé jusqu'à 6h. Personne ne réalisait ce qui venait de se passer.
Il parlait beaucoup : "J'ai reconnu la cadence de tir de la Kalash. C'est comme dans les
films, tu vois des flammes, tu entends les balles siffler, taper le mur, le choc des ogives
qui ricochent dans la voiture, tu entends les douilles tomber... et moi en courant
j'entendais les hurlements de Maman". Il avait les larmes aux yeux, et disait qu'il aurait
dû se sacrifier pour pas qu'elles ne soient blessées. Puis il s'est piqué une énième crise
de nerfs en hurlant "Mais comment je pouvais savoir aussi ? Comment je pouvais savoir
que ces putains de crapules allaient s'en prendre à elles ?" Tout le monde a sursauté.
Ce n'est pas sa faute, on aurait tous couru, c’est l’instinct de survie. En revanche on ne
s'en serait pas tous sortis.
Il nous expliquait la scène en détails, ce qu'il a vu et ce que ma mère et ma soeur lui ont
dit, puisque lui n'est pas resté longtemps dans la voiture.
Cela a dû leur faire bizarre aux PANTALACCI, d'arriver pour tuer un homme, qu'il
disparaisse à l'autre bout du parking en une fraction de seconde, qu’il saute un mur de
5 ou 6 mètres et volatilise dans la nuit avec les 2 chevilles mortes. Il faut le savoir, mon
père, des PANTALACCI il en avait un dans chaque jambe. La preuve.
Le lendemain, je l'entends s’énerver dans le couloir, il n'arrivait pas à marcher, il avait
deux béquilles et ne pouvait pas poser un seul pied par terre. "Regarde-moi ça je peux
même pas aller pisser !". Le pauvre, il me faisait vraiment de la peine.
On a su que le bras de ma petite soeur était sauvé. Ma mère avait été opéré et mise
dans une chambre. Mon père ne tenait plus en place. « Je veux monter les voir ».

Environ une semaine plus tard il arrive à peine à se reposer sur une des deux jambes,
qu'il me demande de sortir la voiture devant le portail. On est monté à l'hôpital à une
dizaine. Dans le hall, on appelle l'ascenseur pour monter au 4ème étage, et là, par
hasard Carla Serena en sort, haute comme trois pommes, le bras maintenu par de gros
fixateurs externes. Ces yeux bleus pétillaient de vie, on avait le souffle coupé.
Mon père a laissé tomber ses béquilles, s'est mis à genoux et l'a prise au bras en
pleurant. C'est elle qui le réconfortait en tapotant sur son gilet pare-balles :
CS - Allez stop Papa ne pleure plus, c’est fini... Tu veux que moi aussi je pleure ?
Y - Non ma chérie, non. Ne t'inquiète pas, tu vas voir ce qu'il va leur faire Papa...
J'ai toujours été impressionné par le courage de ma petite soeur dans cette épreuve.
A 10 ans et demi, elle a été victime d'une tentative d'assassinat à l'arme de guerre et au
fusil de chasse, elle a été blessée à plusieurs reprises, elle a cru que pendant plusieurs
minutes son père était mort, elle courait en se tenant le bras sur le parking pour voir si il
ne s'était pas caché dans une voiture, elle réconfortait tout le monde.
Le soir de la fusillade des amis étaient arrivé en quelques minutes sur place, ils m'ont
dit qu'elle était dans le fourgon des pompiers et qu'elle leur souriait, elle disait
"Calmez-vous, je suis vivante ça va aller" en faisant coucou de son autre main.
Une AK-47 ça perse du blindage B4 comme du beurre, alors imaginez-vous sur les os
d’une petite de 10 ans les terribles dégâts que cela peut causer.
Ma mère, elle a morflé la pauvre. C'est la personne la plus touchée. La Kalachnikov à
bout portant ça ne pardonne pas, c'est conçu pour faire des dégâts. Quand je l’ai vu le
soir de la fusillade sur son lit d’hôpital, toute pâle, les cheveux défaits, la voix d’une
perdue, sa jambe morte, le drap qui la couvrait était gorgé de sang, je me demandais
quand est-ce que j’allais sortir de ce cauchemar.
Nous arrivons donc par surprise avec mon père dans sa chambre, elle nous sourit on
se prend tous au bras. Les visiteurs sortent de la pièce. L’émotion est intense, on
s’embrasse tous, et on profite les uns des autres. J’ai devant moi mes parents vivants,
ils sont beaux. Ils parlent tous les deux et se remémorent les images de la fusillade.
“Ça a duré une éternité, on n’en voyait plus la fin”, “Tu sais quand j’ai vu mon téléphone
sonné et que j’ai entendu sa voix j’en revenais pas. On est tous vivant !” me disait elle.
Ma mère ne manque pas de courage. Elle a fait avec son corps une sorte de carapace
sur sa fille pour prendre les balles à sa place. C’est simplement héroïque.

Ce qui m'a le plus choqué, c'est la dernière balle qu'elle prend. Elle sort de la voiture sur
un pied, prend ma petite soeur aux bras. Un tireur s'est approché de son côté, la mise
en joue et a fait feu en tir tendu. Elle a fait un geste de protection pour cacher la tête de
ma soeur, et c'est là qu'elle est touchée au bras. C’est à en faire rougir le Diable.
Qui peut-on être pour essayer de fusiller deux innocentes sous prétexte qu'on a raté sa
cible ? Une pourriture forcément.
Mon père prendra un énorme risque en dénonçant ces horribles faits et leurs auteurs
dans une interview d'Europe 1 intitulée "Ils ont tiré sur mon bébé de 10 ans". J'invite les
membres de la Cour à réécouter chez eux ce témoignage qui est toujours sur internet.
Mon père y livre son ultime testament. Dans ce climat de morgues, d’urgences, de
sirènes de véhicules de police, de balles qui claquent, de vendetta qui n'en finissent
plus, une voix s'élève et fend l'omertà judiciaire, médiatique, et mafieuse. Réécoutez-la.
A partir de ce moment, et jusqu'à son dernier souffle, il n'est plus question de régler ses
comptes soi même et de dire “Je n’ai rien vu, rien entendu”. Le combat devient et
restera judiciaire. Mon père y croyait dur comme fer. Les victimes parlent enfin.
La classe politique corse, elle, a brillé par son mutisme. Un silence assourdissant de
ces élus qui condamnent la violence à longueur de journée, et qui sont toujours prompts
à se mobiliser pour un chien renversé, des pompiers cailliassés, une maison plastiquée,
à juste titre d'ailleurs. Quand on voit des femmes et des enfants mitraillés en Syrie, au
Yémen, en Irak tout le monde s'indigne. Si c'est en Corse, ça dépend de qui c'est...
De toutes les affaires que j'ai vu défiler en Corse, celle-là est particulièrement
marquante puisqu'elle est l’illustration parfaite du monde cruel auquel nous sommes
confrontés.
Que faisaient-ils dehors à cette période ?
La justice a une lourde part de responsabilité dans ce qui s'est passé. Ils ont été mis en
examen pour avoir tiré dans une boite de nuit au fusil de chasse et au 11.43, en ayant
blessé cinq personnes. Ils font un an de prison jour pour jour, ils sortent, et six
semaines plus tard ils récidivent et nous mitraille au fusil d'assaut ! C’est incroyable !
Comment ont-ils pu sortir si tôt ? Il fallait qu'ils restent incarcérés, puisqu'au bout du
compte ils ont pris 7 ans pour la fusillade du SUN !
Mais les PANTALACCI, les chouchous des juges ont le bras long. C'est trop tard.

Aujourd'hui, Angèle est handicapée. Elle a le feu dans la jambe. Cela lui fait mal comme
au premier soir car le nerf sciatique est endommagé ce qui en plus lui paralyse le pied
gauche, qui est presque définitivement mort.
Elle qui était toujours en talons, très coquette, elle devra porter des chaussures plates à
lacets avec une atèle et un releveur, boiter toute sa vie et rester le plus souvent dans
son lit, la seule position acceptable pour la douleur de sa jambe. Comme si elle était
dans son cercueil de vie. Lorsqu’elle sort, elle compte les pas. Il lui manque un morceau
de muscle sur l'extérieur du bras. Elle a toujours une balle de Kalachnikov dans le
ventre, et quand elle prend l'avion, ça sonne. Elle porte en elle une partie d'eux.
Aujourd'hui Carla Serena est toujours à l'école, elle passe son bac français
actuellement. Elle doit supporter la présence quotidienne des jumeaux PANTALACCI à
la Place du Diamant, juste en face de son lycée, elle les voit à pieds, en moto BMW,
dans leurs luxueuses voitures blindées. Leurs regards se croisent parfois. Elle les voit
en terrasse rire comme si rien ne s'était passé. Ces rires stridents lui percent le coeur,
ils résonnent comme l’écho qu’il y a après la détonation d’un coup de feu.
Son épaule, son bras, ses côtes et sa cuisse gauche sont maculés de trous et de
cicatrices. Elle a une paralysie au pouce gauche, un éclat de balle ou de tôle de voiture
est coincé entre les côtes. Elle aussi, elle porte en elle un morceau du 8 novembre.
Elles avaient toutes les deux une protection policière. Ce n’est plus le cas depuis 2 ans.
Aujourd'hui Yves est mort. Son quota chance est épuisé. Il a été assassiné, seul sur
son TMAX en rentrant du bureau, achevé de 13 balles dans le dos. Il ne fallait pas qu’il
arrive vivant à ce procès pour témoigner contre les fils de Francis PANTALACCI.
Cet homme a été volé, trahi, emprisonné à tort, sali, isolé, ciblé, et enfin assassiné. Je
le répète, la horde de rats est venue à bout du loup solitaire. Qu’il repose enfin en paix.
Aujourd'hui je suis presque en cavale, puisque je ne peux pas vivre en sécurité. Je
laisse donc ma mère sans mon assistance, et ma petite soeur sans ma présence et ma
bienveillance. Je suis coupé du monde. Je m'imaginais vivre en Corse toute ma vie,
paisiblement, comme tous les miens. Je pense sincèrement qu’après ce procès je n’y
remettrai plus jamais les pieds. Plus jamais. Que cette funeste page se tourne enfin !
Ils ont fait voler nos vies en éclats et plus rien n'a de sens. On a vendu notre entreprise.
Je fais Noël loin de ma famille et je sais très bien que pendant la soirée à tour de rôle
ma mère, puis ma soeur, puis ma grand mère pleurent en cachette. Je ne peux pas
aider ma soeur pour ses devoirs, je ne peux pas aider ma mère handicapée pour les
tâches ménagères, je suis l’homme de la maison exilé de celle-ci. Je ne vois plus mes
cousines, mes oncles, plus personne. Mi-homme, mi-fantôme je m’efforce de vivre.

Et comme si les rafales ne suffisaient plus, comme si en plus d'être souillés dans les
palais de justice, il fallait que cet interminable calvaire connaisse le pire dénouement de
cette agonie judiciaire. Des acquittements en veux-tu en voilà. Tout le monde dehors.
On donne la liberté aux assassins, aux récidivistes. Quelle honte !
La fusillade s'arrêtera-t-elle un jour ? On a l'impression qu'à tour de rôle, les auteurs se
relaient pour faire durer un maximum cette épouvantable entreprise de mise à mort.
Cette barbarie ne s'arrête pas, on nous injecte dans les veines une mort aussi lente que
violente. On a la sensation d’attendre notre exécution, enchaînés les uns aux autres.

Mon père a été tué à Ajaccio, mais c’est bel et bien à la cour d'assises d'Aix en
Provence qu’il mourra, des suites de deux procès des plus scandaleux. Cet homme de
valeurs ne ressemblait à rien ni personne tant son courage restera gravé dans la
mémoire de ceux qui l’ont aimé, et même dans celle de ceux qui l’ont traqué.
Ma mère a été blessée le 08 novembre 2011, mais son handicap et ses douleurs
neuropathiques seront perpétuelles. Elle a toujours soutenu sans réserve son mari dans
ce triste parcours semé d’embûches. Jusqu’à prendre des balles. Que peut-on faire de
plus ? Fidèle, humble et vaillante, cette femme est un exemple admirable.
Ma soeur avait moins de 11 ans, elle pensera toujours à cette indélébile vision
d'horreur, un soir d'hiver, de ce bras troué, explosé en mille morceaux, sa mère
couchée sur le flanc dans une flaque d'eau en train de se vider de son sang, son père
peut être mort au fond du parking, criblé de balles. On lui a arraché sa vie.
Jusqu'à quand la société va-t-elle devoir accepter et subir les exactions extrajudiciaires
de cette bande de voyous sans foi ni loi qui sème le chaos partout où elle passe ?
J’ai su par un de leur deux complices, qu’après avoir mitraillé la foule du SUN, une fois
remontés dans la voiture, c’était le fou rire général sur le chemin du retour.
Ces barbares ont-ils également ri à gorge déployée le soir du 8 novembre 2011 ?
Ces criminels sont clairement les ennemis de la société.
Les victimes seront-elles condamnées à baisser les yeux devant le plomb et le glas ?
Sans que rien ne change ? A perpétuité ?
Pendant encore combien de temps cette équipe de malfaiteurs sanguinaires, de lâches,
d'ordures, de crapules va-t-elle recevoir les faveurs des palais de justice ?

La décision de vouloir parler, dire tout haut ces mots qui peuvent nous envoyer dans la
tombe n’a pas été prise à la légère. Cela restera ici, greffé à notre nom. Mais la
situation était tellement chaotique que nous n'avions d'autre choix que celui d'exposer
publiquement les faits. Nous l'avons fait en connaissance de causes. Nous mesurons
pleinement la portée de nos mots. Prenez-en conscience : Ils ont juré la perte d’une
famille, ils ont massacré une mère et sa petite, ils nous ont anéanti. Que nous reste-il ?

Souvenez-vous qu'une mère de famille a été criblée de balles sans discernement. Elle y
a laissé sa jambe. Comment va-t'elle se déplacer dans 10 ans ? Dans 20 ans ?
Souvenez-vous qu’un travailleur, seul, a tenu tête à une organisation criminelle en
refusant de se soumettre. Qu’ils l’ont condamné à mort. Qu’après avoir échappé par
miracle à ce tête à tête avec la faucheuse, il a dénoncé publiquement ce réseau
mafieux via les médias comme personne ne l'avait fait avant lui. Qu’il en est mort.
Souvenez-vous qu'en Corse en 2011, une fillette a failli se faire assassiner parce qu'elle
était avec son père, parce qu'elle avait vu, parce qu'il fallait supprimer le témoin gênant.
Malgré cette scène au seuil de l'Enfer, ma petite sœur, solide comme un roc, indiquera
d’une main qui ne tremblait pas, d'où les balles étaient sorties ce soir là.
Elle le fera de sa première audition policière en 2011, à son dernier témoignage à la
cour d’assises au procès de 2016, en passant par ses convocations chez le juge
d’instruction en 2011 et 2012.
Ce témoignage au procès 2016, c’est le miroir de la fusillade du 8 novembre 2011 :
Entre eux il y a seulement trois mètres, c’est impossible de se rater. Ils sont sous les
lumières, sur son côté gauche, et au moment où il y a contact, au moment de dire son
nom, elle se tourne et le voit à visage découvert, les yeux dans les yeux. C’est terrifiant.
Ce visage nu c’était une manière de nous dire “Vous allez mourir, mais d’abord vous
allez voir qui vous tue”. Ce visage qu’elle a vu, elle l’a identifié formellement. Elle le
confirme de nouveau à la barre. C’est celui de son bourreau : Marc PANTALACCI.
Celui qu’elle a vu lui tirer dessus, c’est Marc PANTALACCI. Celui qui avait un bonnet ou
une cagoule retroussée c’est Marc PANTALACCI. Elle le connaît, c’est un ami de son
frère. C’est le visage qui ne la quittera plus jamais, imprimé à perpétuité en filigranes
sur son flux visuel. Il est encore là, il la regarde dormir, danser, pleurer, parler, souffrir.

Je ne peux qu’imaginer ce qu’elles ont vécu, et ce que j’imagine me glace le sang.
Avec le recul je me demande comment ma mère et ma soeur n’ont pas mis fin à leurs
jours pour en terminer une bonne fois pour toutes avec cet interminable calvaire.
Elles ont fait le choix de se battre, de résister au trépas et d’affronter les terribles
épreuves que la vie leur impose.
Elles ne se plaignent de rien, debouts bien que blessées elles restent sans haine et
sans peur. Mon admiration pour elles est immense, elles ont tenu le choc.
Lors de son incarcération à tort, mon père me dit dans une lettre “ Avec ses raisons et
sa détermination, on peut tout affronter, tout supporter, tout endurer, et aller au bout du
monde. Le plus important, c’est de pouvoir se regarder dans une glace”.
Qu’il en soit ainsi.
Carla Serena a témoigné. Elle l’a fait car elle croyait à des valeurs, des valeurs de
justice. Elle croyait en une société, avec ses yeux d'enfants, où les personnes qui font
du mal sont punies. Une société où l'on éduque, où l'on apprend, où l'on croit à cette
vertu sacrée.
Diderot dit un jour, dans une conversation entre grands esprits : "Il n'y a qu'une seule
vertu, la justice ; un seul devoir, de se rendre heureux ; un seul corollaire, mépriser
quelquefois la vie”.
En décidant de parler, courageusement, du haut de ses 10 ans et demi et malgré le
danger supplémentaire encouru au quotidien de prendre ce risque, elle a fait honneur à
notre société, et elle a engendré par sa force une lueur d'espoir. Un espoir à prendre en
exemple, à transmettre s'il le faut, afin de convaincre notre société qu'il faut croire en
cette vertu, en la Justice.
Le courage en Corse a un nom, et un visage : C'est Carla Serena.

A vous, M. le Président, aux magistrats de la Cour, et à mesdames messieurs les
jurés j'adresse ces derniers mots : Soyez à la hauteur du nom de la vertu que porte ce
palais. La Justice, c'est ce que la société civile toute entière veut.

Justice pour Yves, justice pour Carla Serena, et justice pour Angèle.

Stefanu MANUNTA, partie civile en exil.


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