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R
&
La lettre d’information du courant

n° 7

9 juillet 2014

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PREMIERS
ÉLÈMENTS DE
BILAN DE LA
GRÈVE DES
CHEMINOTS

ENTRETIEN
AVEC XAVIER
CHIARELLI,
POSTIER
GRÉVISTE DU 92

DÉBUT DE
COORDINATION
DES LUTTES
DANS
LA SANTÉ

LES
MOBILISATIONS
AU BRÉSIL
PENDANT LE
MONDIAL

LES
RÉVOLUTIONNAIRES
ET LES LUTTES

Le courant Anticapitalisme
& Révolution est né lors
d’une réunion nationale
constitutive tenue les 30
novembre et 1er décembre
2013. Il regroupe les
militant-e-s du NPA qui se
reconnaissent dans sa
déclaration, adoptée à
cette occasion, ainsi que
dans le texte de la
plateforme Y, « Un
parti anticapitaliste et
révolutionnaire pour
l’intervention dans la lutte
de classes », qui avait
obtenu 32 % des voix au
2ème congrès du NPA en
février 2013.

Anticapitalisme &
Révolution est également
le nom de cette lettre
d’information, où sont
publiés des prises de
position et contributions
du courant ou de ses
membres, sur différents
thèmes susceptibles
d’intéresser les
militant-e-s
anticapitalistes et
révolutionnaires.
Cette publication, diffusée
par voie électronique, est
archivée sur le blog :
anticapitalisme-etrevolution.blogspot.com
Pour nous contacter :
anticaetrevolution@
gmail.com

SNCF

Premiers élèments de bilan de la grève
Le rapport des experts désignés par la justice qui accable la SNCF et Réseau
Férré de France à propos de la catastrophe de Brétigny fait écho à la récente
mobilisation des cheminotes et cheminots. Une grève dont il faut tirer les bilans
pour préparer la prochaine bataille du rail...
Une mobilisation qui a impacté la
situation politique après les européennes

Un secteur emblématique
pour regrouper les secteurs en lutte

La grève contre la réforme du
ferroviaire a débutée le 11 juin c’est-àdire quinze jours après les résultats des
élections européennes. Ces élections
qui avaient confirmé la défiance vis-àvis du gouvernement PS et le rejet de
sa politique ainsi que la consécration
du FN qui apparaissait comme la seule
alternative efficace contre les politiques
d’austérité pour une grande partie
des classes populaires. Ces résultats
renvoyaient le mouvement ouvrier
traditionnel à sa propre incapacité
à capter et organiser la colère des
travailleurs contre la dégradation de
leurs conditions de vie et de travail.
Cette situation avait entraîné une
certaine démoralisation, y compris
au sein du NPA, ou la caractérisation
d’une nouvelle période politique dans
laquelle l’émergence d’un front social
et politique à la gauche du PS serait
la condition pour reprendre le terrain
gagné par le FN.

La mobilisation des cheminots a contribué
à modifier cette situation puisqu’elle a fait
la démonstration que l’intervention directe
des travailleurs par la lutte, par la grève était
en capacité de contester le gouvernement.
Cette mobilisation a pris d’autant plus
d’importance qu’elle a servi, comme
aurait pu le faire la grève de PSA Aulnay
en son temps, à coaguler l’ensemble des
batailles en cours pour leur donner plus
de forces. Ce qui a changé la situation et
déstabilisé encore plus le gouvernement
c’est l’alliance et la coordination de
batailles de secteurs différents au même
moment : cheminots, intermittents et
précaires, postiers essentiellement ainsi
que des frémissements chez les agents
hospitaliers ou dans l’aviation. Cette force
supérieure que représentait différents
secteurs en lutte a d’ailleurs été ressentie
assez fortement par les cheminots en grève
parce que les liens interprofessionnels
se sont tissés assez rapidement et pas
seulement sous l’impulsion de militants
Anticapitalisme & Révolution

1

La lettre d’information du courant

AG devant la gare de Metz, vote de la reconduction

d’extrême gauche comme c’est le cas habituellement
dans les mouvements.
Une combativité et l’émergence
d’une nouvelle génération
L’implication des jeunes a été un fait marquant de la
grève. Les AG et les manifestations étaient composées
d’une grande partie de jeunes qui souvent avaient
fait leurs premières expériences militantes lors
du mouvement contre le CPE. Ces jeunes étaient
emprunts d’une certaine combativité visible
notamment lors des manifestations avec l’envie d’en
découdre avec la police ou avec le gouvernement en
s’approchant au plus près de l’Assemblée nationale.
Le rôle des directions syndicales
et des militants révolutionnaires
Cette bataille était bien mal engagée par les
directions syndicales. La CGT qui avait depuis un
an déjà négocié la réforme avec la direction de la
SNCF n’était pas prête à engager une réelle bataille
malgré une base qui y poussait. Elle a tout au long
du mouvement refusé de défendre le retrait de la
réforme mais appelait à une autre réforme. Cette
position n’est pas sans rappeler celle de « réécriture »
de la réforme des rythmes scolaires prônée par la FSU.
Elle a tout de même appelé à la grève reconductible
mais sans réellement donner des perspectives pour
pouvoir gagner.
Après une semaine de reconduction, sans
perspective d’extension de la grève ou d’augmentation
du niveau de confrontation avec le gouvernement
dans les manifestations, une partie des grévistes a
repris le travail. La CGT s’est appuyée sur les premières
baisses des chiffres de grève pour appeler à la reprise
là où elle en avait la possibilité sans passer auprès des
cheminots comme capitulards ou briseurs de grève.
Dans les gares où elle n’avait pas le rapport de forces
pour appeler à la reprise, elle a laissé reconduire la
grève mais sans donner de perspectives et en laissant
peser le poids de la reprise dans les autres gares.
Même si la CGT n’a pas réellement été dépassée dans
le mouvement, elle n’a pas pu appeler à la reprise sur
le ton de la victoire. Les amendements de Chassaigne
adoptés par l’Assemblée nationale ne lui ont pas
ouvert de porte de sortie honorable. Ils ne sont pas
apparus auprès de la majorité des grévistes comme
une avancée notable.
La direction de SUD-Rail a adopté dès le début de
la mobilisation une attitude totalement suiviste visà-vis de la CGT. Elle n’a pas non plus défendu le mot
d’ordre de retrait. Elle a mis en avant la nécessité de
l’unité syndicale pour pouvoir gagner la grève et
ainsi n’a combattu aucune orientation de la CGT pour
ne pas risquer de briser cette unité. Elle a combattu
au même titre que la CGT toute émergence de
structures d’auto-organisation des grévistes : journal
de la grève à Saint-Lazare, cadre de coordination des

2

Anticapitalisme & Révolution

AG des gares parisiennes, rédaction de tracts par les
grévistes eux-mêmes…
Contrairement à d’autres mouvements, les militants
révolutionnaires et notamment du NPA ont eu la
possibilité de peser dans cette grève. Même si leur
nombre est restreint nous avions un certain nombre
de militants implantés à la SNCF et reconnu sur le
terrain qui nous a permis d’influencer quelques
orientations, notamment sur les gares parisiennes
avec la tentative de mise en place d’une coordination
des AG des gares parisiennes, embryon de ce qui
aurait pu être une direction auto-organisée du
mouvement à l’échelle de la région parisienne, ou
encore la préoccupation de pousser à l’auto-activité
des grévistes. Il est à noter que nous n’avons pas
réussi à mener cette politique en commun avec les
militants de Lutte ouvrière qui n’ont pas cherché à se
coordonner avec nous.
Une petite structuration du travail politique du NPA
en direction des salariés de la SNCF préexistante au
mouvement par le biais de la diffusion du bulletin de
branche ainsi qu’une réactivité du parti peu habituelle
autour de cette grève (impulsée par la gauche du
NPA mais qui a entraîné plus largement au final) ont
permis d’augmenter notre influence. En effet, dès
les premiers jours de la grève, des militants du NPA
se sont rendus sur les gares d’abord pour organiser
des diffusions de tracts en solidarité avec la grève
en direction des usagers mais aussi pour assister aux
AG, pour apporter leur soutien aux grévistes et se lier
à eux. Cette intervention nous a permis d’avoir une
vision plus précise de l’état d’esprit des grévistes, de
pouvoir centraliser les informations plus rapidement.
Nous avons tenté de mettre en place une équipe
de direction chargée de suivre la grève en lien avec
le secteur cheminot qui a permis de discuter des
orientations à défendre dans la grève, qui a tenté de
mobiliser le parti autour de cette mobilisation et qui
a contribué à sortir du matériel. Même si ça devrait
être la norme, ce type de dispositif est tellement
exceptionnel dans le NPA qu’il est à souligner.
Des faiblesses de la mobilisation
que nous n’avons pas réussi à surmonter
Malgré un certain nombre d’aspects très positifs
cette grève n’a pas gagné. La raison est sans aucun

N° 7 - 9 juillet 2014
doute le refus de la part des directions syndicales de
mener bataille mais aussi notre faiblesse pour pouvoir
les dépasser. Nos camarades ont bien évidemment
essayé de construire ces cadres d’auto-organisation
qui auraient pu permettre à la mobilisation de prendre
ses propres décisions. C’était notamment l’enjeu de
l’appel à « l’AG des AG » qui se voulait être un cadre
de coordination des AG des gares parisiennes. Il était
juste de tenter de construire ce cadre même s’il n’a en
rien concurrencé l’influence des directions syndicales
et n’a pas permis de contrer l’appel à la reprise.
Dans la grève, nous n’avons pas réussi à contrer
le faible niveau d’auto-activité des grévistes. La
majorité d’entre eux participaient aux AG, dans
lesquelles ils prenaient peu la parole d’ailleurs, mais
ne participaient pas aux activités de construction
de la grève : tenue des piquets de grève, passage
dans les services pour convaincre les non-grévistes
de rejoindre le mouvement, diffusion aux usagers,
écriture de tracts... Nous n’avons pas réussi à
impliquer largement les cheminots dans l’animation
quotidienne de la grève. De même la mobilisation est
restée très peu structurée à la base : peu de cortège
de gare dans la manifestation mais des cortèges des
fédérations syndicales qui empêchaient souvent les
grévistes d’une même gare de manifester ensemble,
peu de tracts rédigés par les grévistes eux-mêmes.
Il existait sans doute chez les cheminots une
illusion sur la possibilité de faire céder rapidement
le gouvernement, ils ne s’étaient sans doute pas
préparés à un conflit qui pourrait s’ancrer dans la
durée. Ainsi très peu d’AG ont discuté de la mise en
place de caisses de grève. C’est seulement au bout
de 10 jours de grève que cette question a commencé
à émerger après la reprise de collègues pour des
raisons financières. C’est sans doute un des bilans
que retiendront les grévistes les plus mobilisés. De
même, peu d’activité a été déployée pour convaincre
les grévistes de cette nécessité de tenir sur la durée,
ni pour convaincre ceux qui n’étaient pas en grève de

la rejoindre. Pourtant le fait de maintenir un taux de
grévistes assez important pour bloquer la circulation
des trains était un élément déterminant de cette
grève.
Maintenant, que faire ?
Il faut tout faire pour éviter une démoralisation
consécutive à la défaite et au contraire réussir à
pérenniser l’expérience faite par les équipes militantes
pour préparer les prochaines batailles. Pour ça, il faut
réussir à tirer les leçons de la grève avec un maximum
de grévistes. Une nouvelle AG des AG se réunira le
14 juillet, elle peut contribuer à cela, ainsi que de
maintenir les liens entre les gares qui se sont créés. Il
faut aussi trouver les moyens d’organiser des réunions
gare par gare au plus proche des collègues. Dans ces
réunions, il faut mettre en avant les éléments positifs
de la mobilisation mais aussi pointer ce qu’il aurait
fallu faire pour gagner.
Tout en pointant la responsabilité des directions
syndicales, il faut proposer à un maximum de grévistes
de se syndiquer en argumentant sur la nécessité de
s’organiser sur la durée mais aussi sur l’idée que les
salariés doivent se réapproprier les syndicats, que
c’est à eux de les contrôler.
Nous devons aussi chercher à gagner au NPA les
grévistes les plus proches de nous, ceux avec qui
nous avons mené des batailles communes dans la
grève. Il faut s’appuyer sur le caractère directement
politique de cette grève et sur les démonstrations
qu’ont pu faire les militants révolutionnaires dans le
cours de la lutte. A l’image de la réunion organisée en
région parisienne en présence d’Olivier Besancenot, il
faut multiplier des réunions ouvertes dans toutes les
gares où nous sommes intervenus.
A l’occasion de la grève, des militants du NPA extérieurs
à la SNCF ont débuté une intervention sur des gares
où nous n’avions pas d’intervention jusqu’à présent.
Il s’agit maintenant de pérenniser ces interventions.
La diffusion du bulletin
cheminot doit se faire
dans tous les lieux où nous
sommes intervenus avec
des équipes de diffuseurs
stabilisée. De même les liens
qui se sont tissés entre les
militants du secteur doivent
servir à renforcer l’activité
de branche au sein du NPA :
établir un état des lieux
précis des militants, de leurs
positions syndicales, de
leur influence, du nombre
de
sympathisants,
des
diffusions du bulletin et des
possibilités d’extension.

Anticapitalisme & Révolution

3

La lettre d’information du courant

La Poste

“La base de notre stratégie
c'est l'addition des forces”

En grève depuis plus de 160 jours, les postières et postiers du 92
poursuivent leur lutte pour faire plier la direction de La Poste.
 Entretien avec Xavier Chiarelli, guichetier gréviste,
secrétaire départemental adjoint de SUD Poste 92, militant
du NPA et membre du courant Anticapitalisme & Révolution.
Malgré les 627 millions d’euros de
profits réalisés par La Poste en 2013,
Philippe Wahl - le PDG - dit vouloir
"trouver des nouveaux leviers de
croissance et de rentabilité". Quelle
est la "stratégie d’entreprise" de
la direction et quel est son impact
sur vos conditions de travail, par
exemple dans les Hauts-de-Seine ?
Depuis le milieu des années 2000,
La Poste a déployé un vaste plan
de suppressions d’emplois et de
restructuration en profondeur
des conditions de travail dans
le secteur de la distribution
dénommé "Facteurs d’Avenir".
Cela a été un changement radical
pour une grande majorité de
facteurs, la première grande étape
de restructuration de la branche
courrier de La Poste.
Là, elle cherche à passer à
une nouvelle étape : l’un des
objectifs centraux de la politique
actuelle de La Poste, c’est de
multiplier les tâches et même les
métiers effectués par ses agents
d’exécution. C’est une évolution
qu’ont connue les guichetiers
depuis 2 ou 3 ans : on leur demande
de vendre des téléphones et
des forfaits à effectifs et salaire
constants ! La Poste mène à l’heure
actuelle une grosse offensive pour
faire en sorte que les facteurs
apportent le pain aux habitants,
fassent les constats de dégâts des
eaux… Tout cela s’accompagne de
la mise en place d’horaires "mixtes"
avec pause en milieu de journée,
c’est-à-dire la destruction d’un des
principaux acquis des facteurs :
pouvoir disposer de leurs aprèsmidi (ou de leurs matinées pour
celles et ceux qui bossent en après-

4

Anticapitalisme & Révolution

midi). Et la cerise sur le gâteau, c’est
la "sacoche", comme la direction
essaie de la mettre en place à
Epinay-sur-Orge où les facteurs
sont en grève à 100% depuis 45
jours : la direction leur propose non
seulement de passer en horaires
mixtes, mais aussi de supprimer
leur bureaux, on leur livrerait une
sacoche de courrier le matin, et
ils n’auraient plus qu’à aller le
distribuer chacun de son côté, sans
se retrouver avec les collègues en
début de journée.
Mais la direction a un gros
problème avec les postiers du 92,
car elle n’est pas parvenue à faire
entièrement passer la première
vague de restructuration, à savoir
Facteur d’Avenir. A force de grèves,
Rueil-Malmaison, le bureau d’où
est parti le mouvement actuel,
n’a pas subi de suppressions de
tournées depuis plus de 15 ans.
De manière plus générale, alors
que la Poste impose un peu
partout des restructuration tous
les 2 ans, la moyenne entre deux
restructurations dans le 92 est de
5 ans environ, suite aux conflits de
2009, 2010, 2011 et 2012, qui ont
tous impliqués plusieurs bureaux
simultanément. La tradition de
lutte qui s’est installée chez nous,
c’est que lorsqu’un bureau se met
en grève, il va informer les autres et
si l’occasion se présente, il va même
entraîner d’autres. C’est ce qui s’est
passé encore une fois en 2014 :
le mouvement est parti à Rueil
sur la question de la titularisation
de 4 précaires, et comme la
direction n’a pas voulu céder, elle
a obligé les grévistes à étendre le
mouvement à d’autres bureaux sur
des questions de réorganisations

et de suppressions d’emplois
(principalement La GarenneColombes/Bois-Colombes,
Courbevoie et Gennevilliers). Rueil
est un peu le symbole de cette
tradition de résistance : c’est le seul
bureau de France métropolitaine
où Facteur d’Avenir n’existe pas.
Les autres exceptions sont dans
les colonies, en Guadeloupe et en
Corse. Pour faire passer sa politique
de multiplication des tâches, elle
doit mettre fin à l’ « anomalie 92 »
et réussir à faire passer ses réorgs
sans encombre.
La Poste, premier employeur
français après l’État, profite
largement de la "réduction Fillon"
et des "contrats aidés" : est-ce une
des raisons des bas salaires et de la
précarité imposés aux postières et
postiers ?
A la distribution, il n’y a plus
d’embauche en CDI depuis
quasiment 3 ans. Pour être
titularisé, il faut désormais
passer par un ou plusieurs
contrats précaires : contrat pro,
contrat d’apprentissage, contrat
d’insertion, CDD… Les collègues,
en fonction de leur statut et de
leur âge gagnent parfois à peine
800 euros par mois pour faire le
même boulot que les autres, et
risquent à tout moment de se
faire virer. Et La Poste reçoit des
subventions plantureuses : 297
millions en 2013 au titre du Crédit
Impôt
Compétitivité
Emploi.
En clair : l’Etat subventionne La
Poste pour qu’elle supprime des
emplois. Concrètement, un salarié
précaire coûte entre 5 et 10 fois
moins cher qu’un CDI à La Poste,
pour faire le même travail, tout

N° 7 - 9 juillet 2014
ça grâce aux aides de l’Etat. Et
par dessus le marché, La Poste
bénéficie
également
comme
toutes les grandes entreprises
d’exonérations de cotisations
sociales. Par exemple, pour tous les
salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC,
La Poste ne paie pas une partie
des cotisations dites patronales, ce
qui représente environ 250 euros
d’économie par mois et par salarié
concerné. On imagine bien qu’avec
de tels dispositifs, La Poste n’ait pas
envie d’augmenter les salaires ni
d’embaucher en CDI : on compte
à l’heure actuelle à la distribution
environ 20 % d’effectifs précaires à
la distribution du courrier.
Comment la grève a-t-elle
démarrée et comment s’est-elle
organisée ? Quels rôles jouent le
syndicat et les grévistes eux-mêmes
dans son animation quotidienne ?

fin 2013 qui ont été mis sur la table
(Ludovic et Sylla). De manière toutà-fait inattendue pour nous, on a
eu donc affaire à une grève menée
conjointement par des salariés
avec et sans emploi : les collègues
précaires qui avaient été virés ont
pris une part active au mouvement,
en participant aux actions aux AG,
en prenant la parole et en votant à
l’égal des autres.
Et ce n’est pas un hasard si environ
un quart des grévistes (tous les
plus jeunes) sont des collègues très
récemment CDIsés qui sont tous
passés par ces contrats précaires.
Un boulot avait été fait auprès
d’eux, et ils voyaient le syndicat
comme une force sur laquelle ils
pouvaient compter.
Concernant la structuration du
mouvement, nous fonctionnons
avec une AG quotidienne qui
prend toutes les décisions
essentielles
concernant
les
revendications, la stratégie et
plus généralement la conduite du
mouvement. L’AG regroupe tous
les grévistes indépendamment
de leur bureau ou de leur service.
Cela habitue les grévistes à
penser non seulement en tant
que salarié de tel ou tel bureau
mais aussi de réfléchir en
fonction des intérêts généraux
d’un mouvement qui englobe
plusieurs bureaux. L’après-midi,
un comité de grève élu se réunit
tous les jours pour mettre en
application les décisions de l’AG.
C’est l’existence de ce comité
de grève qui permet entre
autres que toutes les tâches
de direction du mouvement
ne soient pas exercées que par
les militants habituels. L’AG et
le comité de grève permettent
que les grévistes s’approprient
leur propre mouvement, se

AG des grévistes

La grève a démarrée parce que les
collègues de Rueil ont refusé de voir
leurs collègues en contrat précaires
(contrat de professionnalisation,
contrat d’insertion, CDD, contrat
d’apprentissage) se faire virer les
uns après les autres. La grève a
commencé le 29 janvier : 87% des
factrices et facteurs de Rueil se
mettent en grève
suite au non"L’AG et le
comité de grève renouvellement
contrat
permettent que du
d’insertion
de
les grévistes
Stéphanie. Une
s’approprient
première réaction
collective avait
leur propre
mouvement, se eu lieu dès le 5
janvier, le jour
posent toutes
où Sandrine, qui
les questions
avait enchaîné
dont dépendent les CDD sur 3
ans, avait appris
l’évolution de
que son contrat
la grève."
n’avait pas été

renouvelé. A ce moment-là, les
collègues étaient tous montés
dans le bureau du directeur en
compagnie de Sandrine. Certains
étaient en pleurs lors de son
départ, elle est partie sous les
applaudissements de tous les
collègues, qui ont saisi le courrier
qu’elle avait trié au début de sa
vacation et qui l’ont jeté aux pieds
du directeur… qui s’est engagé à
renouveler le contrat de Stéphanie.
D’où la colère des collègues quand
il n’a pas tenu parole.
Si on remonte un peu plus loin
dans le temps, nous avions impulsé
un débat dans notre syndicat, SUD
Activités Postales 92, à la rentrée
2012 : en constatant que la Poste
n’embauchait des facteurs que par
le biais de contrats précaires, nous
avons proposé que le syndicat
mène une campagne contre la
précarité. Recenser les contrats
précaires dans les bureaux, se lier
avec eux, leur expliquer comment
éviter de se faire lourder, et
informer l’ensemble des collègues
des
problèmes
spécifiques
rencontrés par les collègues
précaires… La campagne a été
votée par le syndicat. Un gros travail
a été fait par Brahim, l’un de nos
permanents départemental, qui à
force de sillonner les bureaux et de
faire le tour de tous les collègues
précaires avait fini par connaître
une grande partie des collègues
précaires. Il avait chopé tous leurs
06 ! Mais le boulot n’a été fait par
les militants locaux que sur une
minorité de bureaux… dont Rueil !
Il n’y a pas de hasard.
Pour en revenir à la grève, elle
a commencé pour défendre
Stéphanie, mais très rapidement
Sandrine s’est elle aussi impliquée
dans la grève, puis ce sont aussi les
dossiers de 2 autres collègues virés

Anticapitalisme & Révolution

5

La lettre d’information du courant
posent toutes les questions
dont dépendent l’évolution de
la grève : le choix des bureaux
où intervenir le matin, la caisse
de grève, comment déjouer la
répression, l’attitude à adopter
face à la police, aux tribunaux…
On entend souvent dire que
l ’é c l a t e m e n t   d u   p r o l é t a r i a t
d’aujourd’hui – le chômage de
masse, le travail dans de petites
unités, la séparation entre métiers
et toutes les divisions entretenues
par la classe dominante – ont rendu
difficile l’action collective. Votre
mouvement est-il une preuve qu’il
est possible pour le mouvement
ouvrier de surmonter ces difficultés
et que la grève reste une arme
essentielle pour les travailleurs ?
La Poste est d’un certain point
de vue très représentative de
ce que peuvent connaître une
bonne partie des travailleuses et
travailleurs : la plupart des centres
postaux sont de petites unités
(parfois toutes petites : certains
bureaux de poste guichets sont
tenus par… une seule personne).
La Poste a connu un processus de
séparation des métiers : jusque
dans les années 80, les facteurs
et les guichetiers commençaient
souvent au même moment et sur
le même lieu de travail, en menant
certaines activités en commun (tri)
et prenaient leur pause en même
temps. Les activités de distribution
des colis constituaient un service
au sein des bureaux de Poste.
Désormais, guichetiers, facteurs
et colipostiers travaillent dans
des entités et sous les ordres de
directions différentes.
Comme dans de nombreuses
entreprises, les statuts sont très
éclatés : on a des fonctionnaires,
des CDI, des précaires, des
intérimaires, des sous-traitants…
Si les CDI et fonctionnaires
restent globalement majoritaires,
sur certains secteurs d’activités
stratégiques (livraison de colis et
de colis express par exemple), les
sous-traitants sont hégémoniques.
A partir d’une situation comme
celle-ci, on est obliger de se
demander comment faire pour

6

Anticapitalisme & Révolution

unifier les salariés. La base de
notre stratégie c’est l’addition des
forces. C’est un principe qu’on
applique depuis des années pour
agréger plusieurs bureaux d’un
même métier. Un bureau se met
en grève sur une revendication. Il
va voir d’autres bureaux, qui n’ont
pas forcément exactement les
mêmes revendications, mais l’idée
est de faire comprendre que les
revendications de chacun auront
plus de chances d’être entendues
si on les pose ensemble. Défendre
des axes revendicatifs unifiants,
comme l’opposition à toute
suppression d’emploi, est bien
sûr essentiel. Mais gagner chaque
grévistes à l’idée suivante : "mon
bureau reste en grève tant que les
revendication de l’autre bureau
ne sont pas satisfaites", est tout
aussi déterminant pour qu’un
mouvement large se développe.
Et une petite nouveauté durant
cette grève, c’est qu’on a réussi
pendant certaines phases à faire
grève à plusieurs métiers à la fois :
les guichetières de Rueil Jaurès ont
fait 2 samedis de grève en commun
avec les facteur, et il y a eu deux
semaines de grève reconductible
conjointe entre les facteurs et la
Plate-Forme Colis de Gennevilliers.
Depuis le découpage de La Poste
en métiers différents, une telle
grève reconductible inter-métier
est à notre connaissance inédite.
Cette politique de recherche de
l’extension constante de la grève,
de renverser les cloisons entre
établissements, métiers et statuts,
le virus de la généralisation de
la grève, c’est ça qui fait peur au
patronat.
La solidarité avec votre lutte estelle indispensable pour le moral
des grévistes et la poursuite du
mouvement ?
Dans une grève longue et dure, le
soutien extérieur est évidemment
quelque chose de très important
pour garder le moral et pour faire
peur à la direction. Le 21 mai,
lorsque Mohamed, Dalila, Gaël et
Brahim ont fait 10 heures de garde
à vue, voir plus de 300 personnes
se rassembler à deux reprises la

même journée pour nous soutenir,
ça a eu un gros effet sur le moral
des grévistes.
Un des outils fondamentaux pour
nous a été la caisse de grève.
Les facteurs gagnent de petits
salaires (1200 euros - 1300 euros
en moyenne pour les grévistes). Et
La Poste a pris l'habitude depuis
quelques années de "sécher" les
paies : elle ne verse à la plupart
des grévistes que l'équivalent
du RSA (entre 450 et 500 euros)
et elle a même
fait des paies à
"Cette politique
0 euros. Dans
de recherche
ces conditions,
de l’extension
ce n'est qu'en
faisait un appel
constante de
permanent à
la grève, de
la solidarité
renverser les
financière et
cloisons entre
en organisant
des collectes
établissements,
de manière
métiers et
systématique
statuts, le
qu'il est possible
virus de la
de tenir. Après
généralisation
avoir
discuté
en AG, on a
de la grève, c’est
décidé de se
ça qui fait peur
repartir chaque
au patronat."
mois la somme
c o l l e c t é e
proportionnellement au nombre
jour de grèves fait pas chacun. Pour
nous, et ce depuis des années, qui
dit grève dit caisse de grève. Sans
ça impossible de tenir sur plus de
quelques jours.
Je voudrais souligner un autre
aspect des choses. Toute grève,
pour avoir un impact sur l’extérieur,
pour ne pas être isolée et pour
susciter une large sympathie, doit
soulever un problème politique,
un problème qui concerne tout le
monde. Pour le dire brutalement,
ce n’est pas la même chose de
faire grève contre l’intégration
de la partie sécable au casier des
facteurs, ou de faire grève contre
la précarité : le premier objectif
ne concerne qu’une partie des
facteurs de France, le deuxième
concerne tout le monde 
! Au
départ, ce n’était pas du tout
calculé de notre part, mais on s’est
rapidement rendus compte avec

N° 7 - 9 juillet 2014
l’histoire des subventions pour les
contrats précaires qu’on soulevait
une question cruciale pour
l’ensemble du patronat, une source
de profits faramineuses, et aussi
un axe essentiel de la politique du
gouvernement avec son « Pacte de
responsabilité ».

Ça
va
peut-être
paraître
grandiloquent de parler de ça à
partir d’une grève d’à peine 100
personnes, mais je pense que
c’est fondamental. Si on veut que
la classe ouvrière soit réellement
perçue comme une "classe
universelle", capable de se battre
non pas simplement pour
des intérêts étroitement
corporatistes et au final
totalement
intégrables
dans la société capitaliste,
mais
pour
changer
toute la société, il faut
concevoir nos objectifs

d’une manière à ce qu’ils soient
compréhensibles par tout le monde
et à ce qu’ils concernent l’ensemble
des travailleurs et même au-delà,
l’ensemble des opprimés.
A posteriori, on peut se dire par
exemple qu’il a été d’autant plus
possible pour le gouvernement
d’isoler et de dénoncer une grève
aussi massive et dangereuse
que celle des cheminots que
les cheminots avaient formulé
leurs objectifs essentiellement
en des termes compréhensibles
uniquement par eux-mêmes…

Aidons-les à gagner !
Versez à la caisse de grève : chèques à l'ordre de SUD Poste 92, mention "solidarité grévistes"
au dos (à envoyer à SUD Poste 92 - 51 rue Jean Bonal - 92250 La Garenne-Colombes).
Participez à la fête des postiers du 92 : samedi 12 juillet à partir de 20h30 (lieu à confirmer)

Santé

Se cordonner pour préparer la riposte !
Dans le cadre des réductions budgétaires contenues dans le pacte de responsabilité, l'assurance
maladie et les établissements de santé sont les premières cibles dans le viseur du gouvernement.
Qu'ils soient privés ou publics,
que
ce
soit
d'importantes
structures en ville ou de petits
hopitaux ruraux, tous subissent
les mêmes conséquences d'une
politique de casse sociale : manque
d'effectifs, restructurations de
service, fermeture de petits
hopitaux ou de lits, suppressions
d'acquis sociaux gagnés dans le
passé... Alors que les besoins dans
la santé ne cessent d'augmenter,
on voit apparaître le chomage pour
les nouveaux diplomés qui arrivent
dans un secteur d'activité qui en
était jusqu'à maintenant presque
préservé.

Pourtant,
dans
la
santé
également, les salariés
commencent à se coordonner.
Une première coordination des
établissements de santé, en lutte
ou qui subissent des attaques, a eu
lieu à Caen le 4 avril. Depuis, deux
autres ont eu lieu dont la dernière
le 18 juin. Celle-ci a réuni plus d'une
soixantaine d'établissements avec
200 personnes. Il s'en est suivi une
manifestation de 600 personnes
contre les restructurations mais
également contre la répression
syndicale qui touche de plus en
plus les salariés et syndiqués à qui
l'idée viendrait de contester les
plans établis par
les directions.
La croissance
d e   c e t t e
coordination
démontre la
volonté des
salariés de
relever la tête
et de construire
leur p ro p re

cadre d'organisation dirigé par les
premiers concernés, qu'ils soient
syndiqués à SUD ou à la CGT.
Parce qu'en effet, on ne peut pas
dire que les directions syndicales
travaillent à cette coordination
nécessaire pour préparer un
affrontement d'ensemble contre le
gouvernement. Au contraire, elles
cherchent à empêcher que celle-ci
ait lieu.
Le rôle des militants du NPA
travaillant dans la santé est
de pousser pour que cette
coordination
soit
la
plus
représentative qu'il soit, qu'elle
permette également d'appeler
à des journées de grève et enfin,
qu'elle cherche à se coordonner
avec les autres secteurs en lutte
également,
pour
construire
un
mouvement
d'ensemble
permettant de faire reculer le
gouvernement.

Anticapitalisme & Révolution

7

La lettre d’information du courant

Brésil

"Chega de sufoco"
Mais début 2014 a surgi un
front informel, constitué entre
le Mouvement des travailleurs
sans toit (MTST, un secteur qui a
rompu avec le PT), les Comités
populaires pour la Coupe, apparus
dans les 12 villes hôtes du Mondial
et regroupant ceux qui ont
perdu leur logement du fait des
projets immobiliers lancés à cette
occasion, le Mouvement Pase
livre ("libre passage") en faveur
des transports gratuits, qui avait
lancé les grandes manifestations
de 2013 et a appelé cette année
à des rassemblements devant les
stades, le mouvement Nao vai ter
Copa (« il n'y aura pas de Coupe »),
organisé sur facebook, qui appelle
à des manifestations et divulgue
les scandales liés au Mondial,
Anonymous Brasil, le Front
indépendant populaire (FIP) basé
essentiellement à Rio et les Blacks
Blocs. Leur mot d'ordre commun
: Chega de sufoco – Assez d'être
asphyxiés !
Appelées par ces organisations,
les manifestations se sont succédé
dans les villes accueillant la
Coupe du monde. La colère de la
population a ouvert une brèche,
dans laquelle les travailleurs se
sont engouffrés.
Dans les semaines ayant précédé
l'ouverture du
Mondial, il y a
eu des grèves
des chauffeurs
de bus à São
Paulo, de la
police à Rio de
Janeiro et dans
quinze
Etats,
des travailleurs
de la santé, des
enseignants et
des personnels
de l'Université.
Le 26 mai, 1 200
travailleurs du
métro de São
Paulo décidaient
d ' e n t r e r

8

Anticapitalisme & Révolution

Lorsque l'an dernier, les mobilisations déclenchées par la hausse
des prix des transports retombèrent, tout le monde ou presque
estima que finalement, le peuple brésilien irait danser la samba
au rythme du Mondial...
en grève le 1er juin. Leurs
revendications : augmentation
des salaires, meilleures conditions
de travail, non à la privatisation
de deux lignes de métro, pour des
transports publics de qualité.
La grève a démarré et le chaos
a régné à São Paulo. La réponse
du gouverneur de l'Etat a été
brutale. A partir du cinquième
jour, il a envoyé la police militaire
réprimer les grévistes et a licencié
43 d'entre eux. Pour tenter de
terroriser les grévistes, le Tribunal
régional du travail a déclaré leur
mouvement illégal et bloqué
les fonds du syndicat afin de
percevoir une amende de 100 000
reais (32 700 euros) par jour de
grève. Et peu a importé que la
Délégation régionale du ministère
du travail lance un avertissement
à l'entreprise pour conduite
antisyndicale, ni que Lula luimême intervienne pour freiner
les licenciements. Sous pression,
les travailleurs du métro ont voté
la suspension de la grève le 10
juin. Le gouvernement de l'Etat
semblait l'avoir emporté.

Mais le jour de l'ouverture du
Mondial, ce sont les salariés des
aéroports de Rio et les postiers
qui sont à leur tour entrés en
grève. Depuis, cela n'arrête pas. Il
y a eu des grèves des conducteurs
de bus de Natal, des agents de
la circulation de Fortaleza (deux
villes du Mondial) et de trois
des six lignes de train de São
Paulo. Des manifestations contre
l'augmentation du prix des tickets,
organisées par le Mouvement
Pase livre, ont été dispersées
violemment par la police militaire,
provoquant des dénonciations
d'Amnesty International et de
l'organisme officiel de défense des
droits de l'Homme de São Paulo. Le
16 juin, toujours à São Paulo, une
assemblée
interprofessionnelle
a discuté des mesures à prendre
afin de poursuivre la lutte pour la
réintégration des travailleurs du
métro licenciés...
Pour l'équipe Brésilienne, le
Mondial se termine par une
défaite... Mais pour les travailleurs
et la population en lutte ce n'était
que l'échauffement.

N° 7 - 9 juillet 2014

Les révolutionnaires et les luttes

Les directions de LO et du NPA
face à leurs responsabilités...
Lors du débat entre Lutte Ouvrière et le NPA à la fête annuelle de LO à Presles, il a beaucoup été
question des rapports entre ces deux organisations et le Front de gauche... bien plus que du rapport
entre ces deux organisations et les luttes de la classe ouvrière !
Au-delà des reproches portant
sur la participation ou sur la
manière de participer à telle
ou telle initiative avec le Front
de gauche qu'ont pu se faire
les quatre protagonistes de
ce débat qui n'en était pas un,
et qui s'apparentaient à des
querelles de cour d'école, il y
avait un grand absent : quel rôle
peuvent et doivent jouer les
organisations révolutionnaires
dans la situation d'aujourd'hui
pour aider notre classe sociale
à reprendre confiance dans ses
propres forces et poser des jalons
solides pour la construction d'un
parti révolutionnaire. En étant
focalisés par leurs rapports avec
les réformistes, les uns pour
chercher tout ce qui peut les en
rapprocher parce qu'on "serait
dans le même camp de la gauche",
les autres pour trouver toutes les
manières de les dénoncer tout
en en les considérant comme
incontournables à certaines
occasions (y compris électorales
si on se rappelle les alliances aux
municipales de 2008 pour LO avec
des listes d'union de la gauche),
les orateurs avaient finalement
une ligne commune ! Celle de ne
pas parler des responsabilités de
leurs organisations respectives
dans une situation, certes
défavorable au monde du travail
dans ses grandes tendances,
mais recelant des possibilités
d'intervention à une échelle
nationale à l'occasion de luttes
sociales importantes (comme par
exemple la grève des cheminots
qui s'annonçait pour le mardi
suivant ou bien des conflits durs
et emblématiques dans certains
secteurs du prolétariat, comme
les postiers ou les intermittents).

Attendre que le vase déborde ?...

ouvrière pourrait à la fois peut-être
peser sur le cours et l'issue de ces
Du côté de LO, la construction d'un
bagarres... et du coup entraîner
parti communiste révolutionnaire
des sauts qualitatifs et quantitatifs
est réaffirmée comme une
vers l'émergence d'un parti. Son
nécessité absolue mais se situe
refus d'essayer de peser sur les
dans un espace-temps qui semble
orientations majoritaires du NPA,
échapper à la moindre intervention
même sur le plan électoral, ce
consciente et concrète des
qu'elle faisait du temps de la LCR,
militants révolutionnaires ici et
est justifié par le fait qu'avec la
aujourd'hui. On est suspendus à
création du NPA, celle-ci aurait
l'attente d'une irruption brutale
renoncé à la construction d'un
et massive de la classe ouvrière
parti communiste révolutionnaire.
sur le terrain politique et social
Donc on ne s'adresse plus à cette
qui résoudrait l'équation fatale :
organisation comme faisant partie
pas de grève générale, pas
du
mouvement
communiste
de prémisses d'une situation
révolutionnaire, sans pour autant
révolutionnaire = pas d'avancée
pouvoir la qualifier ouvertement
possible vers la construction d'un
de réformiste mais de fait, aucune
parti révolutionnaire. Marqué par collaboration dans l'intervention
une analyse globale des rapports dans la lutte des classes n'est
de forces nettement dégradés, possible. Cela renforce le discours
ce raisonnement de LO est par sur "on est petits, on ne peut pas
ailleurs en contradiction avec peser"... mais qui du coup, peut
les efforts volontaristes de cette amener LO à renoncer à considérer
organisation pour s'implanter pied qu'il est encore possible de prendre
à pied dans les entreprises. Efforts des initiatives pour forcer le "cours
qui montrent bien que personne naturel" des choses : les travailleurs
à LO ne croit que la manière ne se battent pas beaucoup, quand
de construire une organisation ils se battent c'est défensif et de
n'aurait non seulement aucune manière dispersée, et quand ils
d'influence sur le type de parti se battent à l'échelle nationale,
qu'on veut, mais surtout qu'il c'est compliqué de s'affronter
suffirait de "laisser faire" la classe avec les directions syndicales qui
pour qu'elle soit (parce que c'est tiennent le mouvement. La grève
son rôle historique) en capacité de des cheminots est révélatrice à cet
bousculer l'ordre capitaliste.
égard. Dans l'éditorial du journal
Cette contradiction il faut Lutte Ouvrière du jeudi 19 juin à
l'expliquer par le fait que pour propos de la grève des cheminots
Lutte Ouvrière, les pas vers la on pouvait lire : "jusqu'où les
construction d'un parti ne peuvent cheminots vont-ils pouvoir aller ? Les
être que le fruit d'une construction directions syndicales résisteront-elles
patiente autour de ses propres aux pressions gouvernementales
militants, et qu'il est inenvisageable ? Sont-elles traversées par des
de raisonner à l'échelle des divisions qui pourraient les conduire
forces actuelle de l'ensemble à négocier des arrangements contre
des militants révolutionnaires, la poursuite de la grève ? Quoi qu'il
dont l'intervention commune au en soit, il revient aux grévistes et
cœur des bagarres de la classe à eux seuls de décider de l'avenir
Anticapitalisme & Révolution

9

La lettre d’information du courant

de leur mouvement. Ils ont montré
qu'ils n'étaient impressionnés ni
par les attaques du gouvernement,
ni par celles des médias. Leur
mécontentement est profond et
suffisamment légitime pour qu'ils
tiennent bon". C'est un peu curieux
de poser de telles questions au
moment où la grève bat son
plein et qu'il s'agirait plutôt de
dire clairement quelle va être
l'attitude des directions syndicales
et que si les cheminots eux seuls
"doivent décider de l'avenir de leur
mouvement" il va falloir se doter
d'un certain nombres d'outils pour
cela... qui s'appellent des structures
d'auto - organisation et d'une
stratégie pour gagner la grève : son
extension, notamment à d'autres
secteurs du monde du travail, ceux
qui sont déjà en lutte mais pas
seulement.
Il est frappant de constater
que les tentatives de camarades
cheminots du NPA lors de la grève
pour construire ces cadres d'autoorganisation, (notamment à Paris
Saint-Lazare, avec la parution d'un
journal de grève, et à l'échelle
de Paris la tenue d'une "AG des
AG" regroupant une centaine de
cheminots grévistes le jeudi 19
juin) n'ont pas été soutenues par
les camarades de Lutte Ouvrière.

10

Anticapitalisme & Révolution

Face au rouleau compresseur
médiatique, gouvernemental,
patronal et des bureaucraties
syndicales, il aurait pourtant été vital
que les militants révolutionnaires,
relativement nombreux dans ce
secteur d'activité par rapport à
bien d'autres, unissent leurs forces
dans la bataille pour proposer une
autre politique aux grévistes. Mais
sans doute que pour franchir le
pas, pour disputer frontalement
la direction du mouvement aux
organisations syndicales, il faut
avoir autre chose comme aliment
politique permanent que les
analyses qui répètent en boucle
qu'on est dans une période de
recul et que les rapports de force
sont trop défavorables à la classe
ouvrière.
...Chercher le débouché politique ?...
Pour le NPA, la logique est autre
mais finalement complémentaire
dans l'abandon des responsabilités
qui incombent aujourd'hui aux
organisations d'extrême gauche
jugées trop petites (notamment à
l'aune de leurs résultats électoraux).
Il faut donc "une alternative
politique" et "une opposition
de gauche"... en attendant de
construire le parti révolutionnaire !
La ligne de la majorité est de
plus en plus affirmée vers la

construction d'un "front social
et politique permanent" avec des
organisations "indépendantes du
PS", qui seul pourra permettre aux
luttes de prendre corps. Avec la
direction majoritaire du NPA sans
l'existence de ce front constitué
par les organisations politiques à
la gauche du PS et une partie des
organisations syndicales (FSU,
CGT - ou des bouts de celle-ci -,
Solidaires), point de luttes car
celles-ci buteraient sur un obstacle
majeur : l'absence "de perspectives
politiques"... Et nous voilà avec un
nouveau modèle agité par notre
direction majoritaire : Podemos.
Alors que ce mouvement est une
des manifestations électorales
de la radicalité sociale existant
depuis plusieurs années dans
l'Etat espagnol, et dont le projet
réformiste ne fait aucun doute,
il serait la recette à appliquer
ici... avec un raisonnement qui
est complètement inversé :
construisons "un Podemos à la
française", et hop le tour sera
joué, on verra enfin notre classe
sociale reprendre le chemin
de l'offensive ! Or, ce n'est pas
Podemos qui a fait les luttes dans
l'Etat espagnol... ce sont les luttes
radicales, notamment celles issues
du mouvement des Indignés, qui
ont donné naissance à Podemos.

N° 7 - 9 juillet 2014
Le collectif du 12 avril est vanté
comme le cadre permettant un
tel projet. Il faudra que lors d'une
prochaine réunion unitaire de
ce collectif, les camarades du
NPA qui y assistent demandent
pourquoi Philippe Poutou n'a pas
pu s'exprimer à la tribune installée
sur l'esplanade des Invalides lors
de la manifestation des cheminots
en grève du 17 juin, ni pourquoi
des camarades postiers en grève
du 92 n'ont pu y monter... alors que
Pierre Laurent s'y est exprimé à son
gré. Privilège accordé parait-il aux
seuls partis ayant des députés à
l'Assemblée.. drôle de conception
du front unique ! Et ce n'est pas
non plus l'appel, finalement
avorté, rédigé par certaines de ces
organisations du collectif du 12 avril,
ne demandant pas l'abrogation de
la réforme ferroviaire et appelant
le gouvernement à ouvrir des
négociations "pour une autre
réforme" qui aurait pu être une
aide quelconque aux cheminots en
grève. Bien au contraire, il s'agissait
d'un renoncement à défendre
ce qui était le ciment collectif de
cette grève. Le problème est que
pour les camarades majoritaires
à la direction de l'organisation,

cet appel était une bonne chose...
permettant de créer une solidarité
autour de la grève, un élan unitaire,
indépendamment du contenu
de l'appel. Si on rajoute à cela
l'amendement Chassaigne, qui
consacre le découpage en trois EPIC
de la SNCF sous couvert "de feuille
de paie unique pour les cheminots"
et qui a été un des principaux
outils pour casser la grève, on
mesure bien l'impasse politique
de cette recherche d'alliance
ou de regroupement avec des
organisations qui sont clairement
nos ennemies lorsqu'elles sont
confrontées à l'explosion sociale. A
quoi a servi le cadre unitaire pour
renforcer la grève des cheminots ?
A rien ! Par contre, il permet à
notre direction majoritaire de
se réclamer "de la gauche" et de
réaffirmer que la construction
d'une organisation anticapitaliste
passera par des recompositions
au sein de la gauche de la
gauche, dont les réformistes sont
aujourd'hui les forces principales.
Tout cela n'est évidemment en rien
une étape allant dans le sens de
la construction, même lointaine,
d'un parti révolutionnaire... mais
bien au contraire un obstacle

de plus puisqu'il revient à servir
les plats à ceux qui se dressent
inévitablement à un moment
donné devant les travailleurs en
lutte.
... Ou défendre une politique
utile aux luttes et à la construction
d'un parti révolutionnaire ?
Il ne s'agit pas pour nous
d'observer au milieu du gué les
agissements de ces deux directions
actuelles du mouvement
révolutionnaire et de nous
contenter de distribuer les mauvais
points à l'une et à l'autre. Ou bien
d'espérer que l'une ou l'autre
change de cap, enfin. Mais plutôt
de défendre une politique qui soit
à la hauteur des responsabilités de
l'ensemble de l'extrême gauche et
d'agir, à la mesure de nos forces,
dans ce sens. Non pas que nous
ayons « la grosse tête » mais parce
que nous sommes las de voir
toutes les occasions manquées
depuis près de deux décennies
dans l'émergence d'un courant
révolutionnaire suffisamment sûr
de lui et suffisamment confiant
dans notre classe sociale.

Rendez-vous cet été...

Anticapitalisme & Révolution

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