l'homme et son environnement social PDF


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Auteur: BERNARD

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Pauline Narme,
Psychologue spécialisée en neuropsychologie, Docteur en Neurosciences
Maitre de Conférences, Equipe Neuropsychologie du Vieillissement (EA 4468)
Institut de Psychologie, Université Paris Descartes
https://sites.google.com/site/paulinenarme/

Contribution n°1 : « L’Homme et son environnement social »

« L’être humain est un être essentiellement social. Il l’est non pas suite de contingences extérieures mais par
suite d’une nécessité intime. Il l’est génétiquement » (Wallon, 1941). Dès le début de la vie, les échanges avec
nos semblables jouent un rôle crucial, les interactions sociales étant à l’origine de la construction de notre
identité (Bowlby, 1978), de notre développement (Horton-Cooley, 1926), et l’absence de tout contact social
ayant un effet néfaste pour l’individu (Spitz, 1946; Harlow & Harlow, 1965). Ce constat est prégnant dans le
champ de la psychologie sociale et du développement depuis près d’un siècle. Paradoxalement, bien que
certains auteurs tels que Darwin aient écrit sur ce thème, l’étude des émotions et des interactions sociales a
été largement négligée par les sciences cognitives et les neurosciences, et ce jusqu’à la fin du XXème siècle.
Ce fait est sans doute emprunt de l’héritage du dualisme cartésien, qui a longtemps maintenu le corps à l’écart
de l’esprit.
Toutefois, la description de certains patients a considérablement remis en cause cette tradition, le cas le plus
célèbre étant celui de Phineas Gage. Auparavant considéré comme un homme adapté, ce patient a vu modifié
son comportement émotionnel, social et personnel à la suite d’une lésion du lobe frontal (Damasio, 1995).
C’est dans ce contexte, interrogeant le lien entre cerveau et comportement social, que la neuropsychologie va
devenir une neurologie du comportement, s’intéressant aux manifestations comportementales faisant suite à
une lésion cérébrale. Finalement, avec le développement de méthodologies issues des neurosciences cognitives
et notamment celui des techniques de neuroimagerie fonctionnelle (IRMf), les circuits neuraux impliqués dans
les émotions et les interactions sociales peuvent être appréhendés de façon plus précise. Ainsi, la recherche
des corrélats neurobiologiques des processus sociaux s’est développée progressivement, jusqu’à favoriser
l’émergence d’un champ interdisciplinaire : les neurosciences sociales (Ochsner & Lieberman, 2001).
L’un des thèmes ayant connu une formidable expansion en neuropsychologie ces dernières années, est la
capacité que possède l’Homme à réaliser des traitements qui portent sur, émanent de, et/ou sont dirigés vers
Autrui. Il s’agit d’un ensemble de processus regroupés sous le terme de « cognition sociale », et c’est bien la
nature sociale des stimuli qui rend l’ensemble de traitements réalisé si spécial. Par exemple, regarder un
visage ou penser à ce que quelqu’un ressent sont deux situations sociales, tandis que regarder une pomme ou
penser au temps qu’il fait ne le sont pas (Kennedy & Adolphs, 2012). Selon une conception non unitaire, la
cognition sociale regroupe différentes capacités qui permettent à l’Homme d’appréhender son environnement
social, telles que la capacité à percevoir un visage et lui assigner une identité, à interpréter les stimuli
émotionnels (à partir des expressions faciales, vocales ou encore gestuelles) qui, combinés à la direction du
regard par exemple, vont permettre de préciser l’état émotionnel et les intentions de son interlocuteur. Ces
capacités regroupent également ce que l’on appelle la Théorie de l’Esprit qui permet à l’Homme d’attribuer à
autrui des états mentaux (c'est-à-dire lui attribuer des connaissances sur le monde, des croyances, des
intentions, ainsi que des émotions ; Brothers & Ring, 1992), mais aussi des capacités d’analyse de situations en
référence à des contraintes sociales (« scripts sociaux » ; Frith & Frith, 2003) ou encore celles de s’émouvoir
devant une situation, c'est-à-dire la capacité à comprendre et ressentir les expériences affectives d’autrui
ou Empathie (Narme et al., 2010). Ces processus spécialisés dans le traitement des stimuli sociaux
s’accompagnent également de processus non spécialisés mais pouvant néanmoins jouer un rôle dans la
cognition sociale, tels que la perception, le raisonnement, l’abstraction, la motivation ou encore la prise de
décision.
La manière dont un individu perçoit son environnement social (i.e. capacités de cognition sociale) s’avère
déterminante pour l’adéquation de son fonctionnement social. En effet, les processus sociaux préalablement
cités participent (i) au partage des émotions d’autrui (ce qui permet par exemple de fuir en cas de danger ou
de réajuster son comportement après avoir blessé autrui) et possèdent en ce sens des fonctions de
communication et de survie (Plutchik, 1987) ; (ii) aux comportements altruistes et prosociaux, facilitant le lien

social (van Baaren et al., 2009) ; (iii) à l’acquisition et au maintien de comportements répondant à une morale
ou norme sociale (Hoffman, 2000). En effet, les normes sociales – la façon dont nous devons/ ne devons pas
agir – nous sont révélées par les attitudes d’approbation ou de désapprobation d’autrui envers notre conduite.
Ainsi, une atteinte de ces processus de cognition sociale peut générer des comportements inadaptés
socialement dans la vie quotidienne.
En plus d’avoir un rôle primordial pour le comportement de l’individu en communauté, ces capacités sont
particulièrement susceptibles d’être mises à mal dans un certain nombre d’affections neurologiques, du fait de
leurs soubassements cérébraux. En effet, les capacités de cognition sociale reposent sur un large réseau de
structures cérébrales et leur connectivité (e.g. cortex préfrontal ventro-médian ; jonction temporo-pariétale ;
amygdale ; insula ; Kennedy & Adoplhs, 2012), ce qui signifie qu’un dysfonctionnement dans l’une des
structures du réseau ou une atteinte de la substance blanche gênant leur connectivité peuvent avoir des
répercussions importantes sur le comportement des patients. Comme le montre la littérature dans le domaine,
les atteintes du fonctionnement social sont particulièrement fréquentes en neurologie, faisant suite à des
lésions focales (e.g. description de la « sociopathie acquise » suite à des lésions du cortex prefrontal
ventromédian ; Blair & Cipolotti, 2000 ; « syndrome de Klüver & bucy » suite à des lésions amygdaliennes ;
Klüver & Bucy, 1997) ou dans le cadre de pathologies neurodégénératives (pour revue, voir Elamin et al, 2012),
constituant même dans certains cas un point central pour le diagnostic (e.g. démence fronto-temporale ;
Rascovsky et al., 2011). Nous aurons l’occasion de préciser ultérieurement les atteintes de cognition sociale
également objectivées dans différentes pathologies neurodégénératives.
Il semble donc primordial de pouvoir évaluer les capacités de nos malades à explorer et interpréter les signaux
de leur environnement social. Pour autant, bien que nous disposions d’un grand nombre d’épreuves en
neuropsychologie permettant de rendre compte du fonctionnement cognitif des patients, évaluer leurs
capacités de cognition sociale – il faut bien l’avouer – est une pratique quasi inexistante en routine clinique. Il
est vrai que, jusqu’à très récemment, il n’existait aucun outil normalisé et validé en langue française. Ces
outils – désormais en cours de développement (e.g. Ehrlé et al., 2011 ; Funkiewiez et al., 2011) – vont
certainement contribuer à modifier nos pratiques face à certaines pathologies. Nous verrons effectivement les
intérêts majeurs que l’évaluation de ces capacités comportent tant d’un point de vue de la compréhension des
mécanismes, que d’un point de vue diagnostic précoce/différentiel (en particulier dans le cas de la
dégénérescence lobaire fronto-temporale dans son expression comportementale) et enfin dans l’approche des
troubles du comportement (Narme et al., 2012). En effet, la cognition sociale pourrait participer à réécrire la
neuropsychologie du comportement puisque des altérations de ces capacités pourraient être en lien avec
l’apparition de certains troubles comportementaux de nos malades (e.g. Narme et al., sous presse).

Références
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