Les secrets du cerveau des bébés PDF


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Auteur: BERNARD MONTAGNE

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Les secrets du cerveau des bébés.1. L’importance d’un soutien émotionnel fort

Le cerveau d’un enfant se d́veloppe beaucoup mieux avec de l’affection. Mais cela ne suffit
pas. Dernìres d́couvertes en direct des neurosciences.
Fin des anńes 1980 : l’́pid́mie de crack – de la cocäne trafiqúe – ravage les villes des
́tats-Unis. Ṕdiatre ńonatalogiste ̀ Philadelphie, Hallam Hurt s’inquìte des d́ĝts chez les
enfants ńs de m̀res toxicomanes. Avec ses coll̀gues, elle ́tudie des enfants de 4 ans issus
de familles ̀ bas revenus ayant ́t́ expośs ou non ̀ la drogue. Mais elle ne d́c̀le pas de
diff́rence significative. En revanche, les QI des enfants sont tr̀s inf́rieurs ̀ la moyenne dans
les deux groupes – 82 ou 83, contre 100 en moyenne, se rappelle Hurt. « C’́tait tr̀s
d́routant. »
Les chercheurs se focalisent alors sur ce qui rapproche les enfants des deux groupes plut̂t que
sur leurs diff́rences : avoir ́t́ ́lev́s dans la pauvret́. Ils se rendent dans les familles, posent
des questions aux parents : avez-vous au moins dix livres pour enfants ? Un lecteur de CD
pour ́couter des chansons ? Des jouets pour apprendre les nombres ? Ils notent si les parents
parlent aux bambins sur un ton affectueux, prennent du temps pour ŕpondre ̀ leurs questions,
se montrent affectueux…
L’enqûte montre que les enfants recevant davantage d’attention et d’encouragements ̀ la
maison ont en ǵńral un QI plus ́lev́. Les plus stimuĺs sur le plan cognitif sont meilleurs
dans les activit́s líes au langage, et ceux encouraǵs le plus chaudement ŕussissent mieux
dans les activit́s líes ̀ la ḿmoire.
Des anńes plus tard, quand ces enfants arrivent ̀ l’adolescence, on leur fait passer des IRM
du cerveau. Les donńes recueillies sont confront́es ̀ ce que l’on sait de l’attention et de
l’affection dont les enfants ont b́ńficí ̀ 4 ans et ̀ 8 ans. Une forte corŕlation apparât entre
des soins soutenus ̀ l’̂ge de 4 ans et la taille de l’hippocampe (la partie du cerveau assocíe ̀
la ḿmoire). Mais aucun lien ne ressort entre les soins rȩus ̀ 8 ans et cette ŕgion du
cerveau. Ce qui d́montre ̀ quel point un environnement offrant un soutien ́motionnel fort
est crucial ̀ un tr̀s jeune ̂ge.

Les secrets du cerveau des bébés.2.Des capacités cognitives encore peu
explorées
Publís en 2010, ces ŕsultats ont ́t́ parmi les premiers ̀ prouver que les exṕriences de
l’enfance fa̧onnent la structure du cerveau en d́veloppement.Depuis, d’autres ́tudes ont
́tabli un lien entre le statut socio-́conomique d’un b́b́ et la croissance du cerveau. Celui-ci
jouit d̀s le d́part de capacit́s prodigieuses, mais son d́veloppement d́pend tr̀s largement
des stimuli de son environnement.
En scrutant le cerveau avec de nouveaux outils d’imagerie, les scientifiques sont en passe de
saisir comment un enfant, qui voit ̀ peine ̀ la naissance, devient capable de parler, de monter
sur un tricycle, etc. Plus nous en apprenons sur la fa̧on dont les enfants acquìrent leur

aptitude au langage, au calcul et ̀ l’intelligence ́motionnelle pendant cette ṕriode, plus nous
ŕalisons que le cerveau du b́b́ est une incroyable machine ̀ apprendre.
Qu’un agŕgat de cellules devienne un ̂tre t́tant le sein de sa m̀re semble un v́ritable
miracle, tout autant que la transformation de cet enfant tanguant sur ses jambes en un bambin
capable de marcher et de parler – et de ńgocier son heure de coucher. Ce prodige, je l’ai vu
se produire alors m̂me que je ŕalisais mes recherches pour cet article. Ma fille, un
nourrisson agit́ n’utilisant qu’un unique cri peŗant pour signaler sa faim, est devenue une
effront́e de 3 ans exigeant ses lunettes de soleil d̀s qu’elle sort de la maison. La dext́rit́
avec laquelle le cerveau d’un b́b́ parvient ̀ appŕhender le monde m’a de plus en plus
stuṕfí.
Tout parent connât bien ces ́tapes. ̀ 2 ans, par exemple, ma fille en savait assez pour
ŕaliser qu’elle n’avait plus besoin de me tenir la main en marchant sur le trottoir ; elle ne me
tendait sa main que pour traverser la rue. Comment les b́b́s font-ils de si gigantesques
progr̀s ? Malgŕ l’exṕrience accumuĺe pendant des milĺnaires, nous n’en savons pas
grand-chose.
L’incroyable rapidit́ du d́veloppement lors des premìres anńes cöncide avec la formation
d’un vaste ́cheveau de circuits neuraux. Le cerveau compte pr̀s de 100 milliards de neurones
̀ la naissance – soit autant qu’̀ l’̂ge adulte. ̀ mesure que le b́b́ grandit et rȩoit un flux
constant de donńes sensorielles, les neurones se raccordent ̀ d’autres neurones. Il en ŕsulte
plusieurs centaines de milliers de milliards de connexions ̀ l’̂ge de 3 ans. Divers stimuli et
t̂ches (comme ́couter une berceuse, attraper un jouet…) aident ̀ cŕer de nouveaux ŕseaux
entre neurones.
Ces circuits se renforcent quand on les active de fa̧on ŕṕt́e. Des gaines enveloppent les
fibres nerveuses. Faites de mýline, un mat́riau protecteur, elles s’́paississent le long des
parcours souvent utiliśs, aidant les impulsions ́lectriques ̀ voyager plus vite. Mais, sur les
circuits peu sollicit́s, les connexions se rompent – c’est l’« ́lagage synaptique ». Entre 1 et 5
ans, puis au d́but de l’adolescence, le cerveau passe par des cycles de croissance et
d’optimisation. La ślection des circuits appeĺs ̀ durer repose notamment sur leur
utilisation.

Les secrets du cerveau des bébés.3.L’apprentissage miraculeux du langage
Le d́veloppement de l’aptitude au langage fournit l’exemple le plus frappant de la fa̧on dont
l’inń et l’acquis se combinent pour fa̧onner le cerveau. Qu’est-ce qui est en place d̀s la
naissance, et comment les b́b́s acquìrent-ils le reste ? Je rends visite ̀ Judit Gervain,
sṕcialiste en neurosciences cognitives ̀ l’universit́ Paris Descartes. Elle ́tudie depuis une
d́cennie les facult́s linguistiques des enfants ̂ǵs de quelques jours ̀ 3 ou 4 ans.
Nous nous rencontrons ̀ l’ĥpital Robert- Debŕ, ̀ Paris, ò elle met au point une exṕrience
sur les nouveau-ńs. Je suis Judit Gervain dans une salle sitúe au fond du hall d’entŕe de la
maternit́. Le premier patient de la matińe est ameń sur un brancard, emmaillot́ dans une
couverture, suivi de son papa. Un assistant installe sur le cuir chevelu de l’enfant une calotte
h́risśe de capteurs en forme de boutons. Le but est d’obtenir des images du cerveau du b́b́
pendant qu’on lui fera ́couter diverses śquences sonores telles que « nou-ja-ga ». Mais,

avant m̂me le d́but des observations, le b́b́ ́met une śrie de cris peŗants, pour bien
signifier qu’il ne se laissera pas faire. L’assistant retire la calotte, et le p̀re prend l’enfant
dans ses bras.
Tiffany Painter passe de tendres moments avec Taevon, son fils de 6 mois, dans leur maison
de Pittsburgh (Pennsylvanie). Apr̀s le petit d́jeuner, Taevon regardera des vid́os de
musique tandis que sa m̀re suivra des cours en ligne. Le cerveau d’un b́b́ compte autant de
neurones que celui d’un adulte, mais il reste ̀ bien les interconnecter.

Apr̀s leur d́part, Judit Gervain, elle-m̂me devenue m̀re quelques mois plus t̂t, me confie
que de tels ́checs sont assez fŕquents. Un autre nouveau-ń, ́galement accompagń par son
p̀re, est introduit dans la pìce. L’assistant suit le m̂me protocole et, cette fois, l’observation
se d́roule sans encombre. Le b́b́ dort pendant toute la duŕe de l’exṕrience.
La chercheuse et son ́quipe ont mis au point une proćdure similaire pour ́tudier la capacit́
des nouveau-ńs ̀ diff́rencier des śries de sons. Gr̂ce ̀ la spectroscopie proche infrarouge,
ils ont pris des images du cerveau de b́b́s aux- quels ils faisaient ́couter des śquences.
Dans certaines, les sons se ŕṕtaient selon le sch́ma ABB (par exemple, « mou-ba-ba ») ;
dans d’autres, selon le sch́ma ABC (« mou-ba-dji »).
Cette ́tude a montŕ que les ŕgions du cerveau responsables de la parole et du traitement des
sons sont plus ŕceptives aux śquences de type ABB. Dans une ́tude ult́rieure, l’́quipe a
constat́ que le cerveau du nouveau-ń ́tait ́galement capable de distinguer entre des
śquences de type AAB et ABB. Ces d́couvertes enthousiasment Judit Gervain. L’ordre des
sons est en effet le socle sur lequel se fondent les mots et la grammaire. « Les donńes de
position sont la cĺ du langage. Le fait qu’un mot soit au d́but ou ̀ la fin d’une phrase change
tout. “Jean a tú l’ours” est tr̀s diff́rent de : “L’ours a tú Jean.” »
Le cerveau d’un b́b́ ŕpond d̀s le premier jour ̀ une śquence dans laquelle les sons sont
dispośs de fa̧on particulìre. Cela sugg̀re que les algorithmes fondant l’apprentissage du
langage font partie du sch́ma neural dont sont dot́s les enfants d̀s la naissance. « Nous
avons longtemps eu cette conception lińaire de l’apprentissage : les b́b́s apprennent
d’abord les sons, puis ils comprennent les mots, puis les groupes de mots. Mais, souligne
Judit Gervain, de ŕcentes ́tudes ont montŕ que presque tout commence ̀ se d́velopper
depuis le d́but. Les b́b́s se mettent ̀ apprendre les r̀gles grammaticales d̀s le d́part. »
Des preuves de cette compŕhension pŕcoce sont venues d’une exṕrience sur des b́b́s de 4
mois expośs ̀ un langage qui ne leur ́tait pas familier, ̀ l’Institut Max-Planck de neurologie
et des sciences cognitives, ̀ Leipzig. L’́quipe de la neuropsychologue Angela Friederici a
fait ́couter aux enfants une śrie de phrases en italien pŕsentant deux types de construction :
« Le fr̀re sait chanter » et « La sœur chante ». Puis, au bout de trois minutes, on leur a fait
́couter une autre śrie de phrases en italien, dont certaines ́taient grammaticalement
incorrectes (« Le fr̀re est chant́ », « La sœur peut chante »).
Lors de cette phase, l’activit́ ćŕbrale des b́b́s ́tait mesuŕe par de minuscules ́lectrodes
plant́es dans leur cuir chevelu. Pendant la premìre śrie de tests, les cerveaux ŕagissaient
de la m̂me fa̧on aux phrases correctes et incorrectes. Mais, apr̀s plusieurs śries de tests, la
zone concerńe s’activait de fa̧on tr̀s diff́rente quand les b́b́s entendaient des

constructions errońes. En un quart d’heure ̀ peine, les b́b́s semblaient avoir saisi ce qui
́tait correct. « D’une manìre ou d’une autre, ils doivent l’avoir appris, m̂me s’ils ne
comprennent pas la signi fication des phrases, m’explique Friederici. ̀ ce stade, ce n’est pas
de la syntaxe. On ne peut parler que de ŕgularit́ phonologique encod́e. »
Les chercheurs ont montŕ que des enfants de 2 ans et demi peuvent corriger des fautes de
grammaire commises par des pouṕes. ̀ 3 ans, la plupart semblent mâtriser un nombre
consid́rable de r̀gles grammaticales. Leur vocabulaire s’enrichit tr̀s vite. Et ce, gr̂ce aux
nouvelles connexions qui s’́tablissent entre les neurones, permettant le traitement du langage
̀ de mul tiples niveaux : son, signification, syntaxe. Reste aux scientifiques ̀ d́terminer
pŕciśment comment le cerveau du b́b́ ́volue vers la mâtrise du langage. Ce qui est ŝr,
selon les mots d’Angela Friederici, c’est que « le mat́riel de base ne suffit pas. Il faut aussi
l’alimenter. »
Lors de mon voyage vers Leipzig, mon attention avait ́t́ attiŕe par une m̀re et son jeune
fils, ̀ l’ároport de Munich. Ils ́taient en pleine conversation, dans le bus menant vers
l’avion. « Que vois-tu l̀-bas ?, demandait la m̀re. — Je vois plein d’avions ! », s’exclamait
l’enfant, qui ne tenait pas en place sur son sìge. Assis une ranǵe devant moi pendant le vol,
ils ont poursuivi leurs ́changes avec une ́nergie inlassable. La femme a lu ̀ l’enfant
plusieurs livres d’images d’affiĺe ; elle s’arr̂tait ̀ chaque question du petit gaŗon, dont
l’enthousiasme semblait sans limites. ̀ l’atterrissage, j’ai appris que la maman, Merle
Fairhurst, ́tait une neuroscientifique cognitive ́tudiant le d́veloppement de l’enfant et la
cognition sociale.

Les secrets du cerveau des bébés.4. Parlez à vos enfants !

C’est une d́couverte surprenante qu’ont ŕaliśe voil̀ plus de vingt ans Todd Risley et Betty
Hart, ṕdopsychologues ̀ l’universit́ du Kansas ̀ Lawrence. Ils ont enregistŕ des centaines
d’heures d’interactions entre enfants et adultes de quarante deux familles issues de tous les
milieux socióconomiques. Les enfants ont ́t́ suivis de leurs 9 mois ̀ leurs 3 ans. L’́tude
des transcriptions a montŕ que, dans les familles aiśes (dont les parents avaient le plus
souvent suivi des ́tudes suṕrieures), 2 153 mots par heure en moyenne ́taient adres śs aux
enfants, contre 616 mots aux enfants de familles b́ńficiant d’aides sociales. Soit un d́ficit
cumuĺ de 30 millions de mots ̀ l’̂ge de 4 ans.
Les parents des foyers modestes avaient tendance ̀ ́mettre des commentaires plus courts et
superficiels – « Arr̂te ̧a », « Descends ». Les parents plus aiśs entretenaient des conversations plus prolonǵes et diversifíes avec leurs enfants, encourageant le d́veloppement de la
ḿmoire et de l’imagination. Or les chercheurs ont observ́ que la quantit́ de conversation
entre parents et enfants avait une grande importance. Les enfants ̀ qui l’on parlait le plus
obtenaient des ŕsultats plus ́lev́s aux tests de QI ̀ l’̂ge de 3 ans. Et ils ŕussissaient mieux
̀ l’́cole vers 10 ans.
Tiffany Painter passe de tendres moments avec Taevon, son fils de 6 mois, dans leur maison
de Pittsburgh (Pennsylvanie). Apr̀s le petit d́jeuner, Taevon regardera des vid́os de
musique tandis que sa m̀re suivra des cours en ligne. Le cerveau d’un b́b́ compte autant de
neurones que celui d’un adulte, mais il reste ̀ bien les interconnecter.

Alors, suffit-il d’exposer les enfants ̀ un plus grand nombre de mots ? A
priori, cela pourrait constituer une solution assez simple. Mais le langage fourni par la
t́ĺvision, les livres audio, l’Internet ou les smartphones – que ce soit dans un but
ṕdagogique ou non – ne semble pas faire l’affaire. C’est ce qu’une ́quipe diriǵe par
Patricia Kuhl, neuroscientifique ̀ l’universit́ de l’́tat de Washington ̀ Seattle, a constat́ sur
des enfants de 9 mois.
Son objectif ́tait de ŕsoudre l’un des grands myst̀res de l’acquisition du langage : comment
les b́b́s reconnaissent sṕcifiquement les sons phońtiques de leur langue maternelle ̀ l’̂ge
de 1 an ? Dans les premiers mois de leur vie, ils savent parfaitement faire la diff́rence entre
des sons de n’importe quelle langue, maternelle ou ́trang̀re. Mais, entre 6 mois et 1 an, ils
commencent ̀ perdre la capacit́ ̀ ́tablir de telles distinctions dans une langue ́trang̀re, tout
en aḿliorant leur aptitude ̀ diff́rencier les sons de leur langue maternelle. Les enfants
japonais, par exemple, ne sont plus capables de faire la diff́rence entre les sons « l » et « r ».
Les chercheurs ont expoś des b́b́s de 9 mois issus de familles anglophones ̀ du chinois
mandarin. Certains des enfants interagissaient avec des tuteurs de langue maternelle chinoise,
qui jouaient avec eux et leur faisaient la lecture. « Les b́b́s ́taient fascińs par ces tuteurs »,
se rappelle Patricia Kuhl. Un autre groupe d’enfants voyait et entendait le m̂me groupe de
tuteurs parlant le chinois, mais dans une pŕsentation vid́o. Et un troisìme groupe entendait
seulement la bande sonore.
Les chercheurs s’attendaient ̀ ce que les enfants ayant regard́ les vid́os soient aussi
performants que ceux ayant interagi avec les tuteurs en personne. En fait, ils ont constat́ une
́norme diff́rence. Les enfants expośs au langage via des interactions humaines faisaient la
diff́rence entre des sons chinois aussi bien que des b́b́s de langue maternelle chinoise. Mais
les autres, qu’ils aient regard́ la vid́o ou ́cout́ la bande, n’avaient absolument rien retenu. «
Nous ́tions stuṕfaits, avoue Kuhl. Cela a fondamentalement chanǵ notre regard sur le
cerveau. » Les ŕsultats de l’́tude (puis d’autres) l’ont incit́e ̀ avancer l’« hypoth̀se du
d́clenchement social » : l’id́e que l’exṕrience sociale conditionne l’acc̀s au
d́veloppement linguistique, cognitif et ́motionnel.

Les secrets du cerveau des bébés.5.L’extraordinaire malléabilité du cerveau
des enfants

Apr̀s son acc̀s au pouvoir en Roumanie, au milieu des anńes 1960, Nicolae Ceauescu
d́cida de mesures drastiques pour industrialiser le pays, encore tr̀s agricole. Des milliers de
familles rurales emḿnag̀rent en ville afin de travailler dans les usines d’́tat. Cette politique
contraignit de nombreux parents ̀ abandonner leurs nouveau- ńs, ainsi plaćs dans des
orphelinats publics. Le reste du monde ne d́couvrit les effroyables conditions de vie de ces
enfants qu’apr̀s la chute et l’ex́cution de Ceacescu, en 1989. Dans leur plus jeune ̂ge, ils
́taient laisśs dans leurs lits ̀ barreaux pendant des heures entìres. En ǵńral, leurs seuls
contacts avec des humains avaient lieu lorsque les aides-soignants, responsables chacun de
quinze ̀ vingt enfants, venaient leur donner ̀ manger ou les baigner.
Le syst̀me de soins dans ces ́tablissements fut lent ̀ changer. En 2001, des chercheurs
aḿricains ont lanć une ́tude sur 136 enfants issus de six orphelinats. Le but ́tait de
mesurer l’impact des carences dont ces enfants avaient souffert sur leur d́veloppement. Les

chercheurs ont ́t́ frapṕs par les comportements aberrants des enfants. ̂ǵs de moins de 2
ans au d́but de l’́tude, nombre d’entre eux ne manifestaient aucun attachement au personnel
soignant. Quand ils ́taient contrarís, ils ne s’adressaient pas aux infirmìres. « ̀ la place, ils
adoptaient ces comportements quasi sauvages que nous n’avions jamais vus auparavant : ils
erraient sans but, se tapant la t̂te contre le sol, ou tourbillonnaient avant de se figer sur place
», se rappelle Nathan Fox, ṕdopsychiatre ̀ l’universit́ du Maryland, codirecteur de l’́tude
avec les neuroscienti- fiques Charles Zeanah, de l’universit́ Tulane (Louisiane), et Charles
Nelson, de Harvard.
Des ́lectroenćphalogrammes ont ŕv́ĺ que les cerveaux de ces enfants ́mettaient des
ondes plus faibles que celles enregistŕes en ǵńral chez des enfants du m̂me ̂ge dans
l’ensemble de la population. « C’́tait comme si un variateur d’intensit́ commandait leur
activit́ ćŕbrale et que celui-ci restait bloqú dans la position la plus basse », explique Fox.
Avec ses coll̀gues, il a ensuite confí la moití des enfants ̀ des familles d’accueil choisies
avec l’aide de travailleurs sociaux. L’autre moití est rest́e dans les orphelinats. Les familles
d’accueil ont rȩu une ŕmuńration mensuelle, ainsi que des couches, des livres, des jouets et
d’autres outils ṕdagogiques ; les travailleurs sociaux leur rendaient visite ṕriodiquement.
Fox et ses coll̀gues ont ensuite observ́ les enfants pendant plusieurs anńes. Avec des
diff́rences spectaculaires entre les deux groupes. ̀ l’̂ge de 8 ans, les enfants plaćs dans des
familles d’accueil ̀ 2 ans, voire plus t̂t, avaient des ́lectroenćphalogrammes identiques ̀ la
moyenne des enfants de 8 ans. Mais les enfants demeuŕs dans les orphelinats ont continú ̀
pŕsenter des enćphalogrammes plus faibles.
Tous les sujets de l’́tude avaient en outre des cerveaux moins volumineux que les enfants
d’̂ge similaire dans l’ensemble de la population. Toutefois, ceux plaćs en famille
posśdaient plus de matìre blanche (les axones reliant les neurones) que ceux demeuŕs dans
un ́tablissement. Selon Nathan Fox, « cela laisse penser que davantage de connexions
neuronales se sont ́tablies » chez les enfants plaćs en famille.
La diff́rence la plus frappante entre les deux groupes d’enfants, ́vidente d̀s l’̂ge de 4 ans,
ŕsidait dans les aptitudes sociales. « Nous avons constat́ qu’un grand nombre d’enfants en
placement familial, particulìrement ceux extraits t̂t de l’orphelinat, se comportaient
d́sormais avec le personnel soignant de fa̧on normale, souligne Fox. Dans les toutes
premìres anńes, la malĺabilit́ du cerveau permet aux enfants de surmonter des exṕriences
ńgatives. »
Voil̀ qui constitue une excellente nouvelle, estime le chercheur. On peut corriger certains des
effets d́bilitants des carences subies ̀ un ̂ge pŕcoce avec des soins approprís, ̀ condition
qu’ils soient fournis assez t̂t pendant la ṕriode de d́veloppement la plus critique.

Les secrets du cerveau des bébés.6.Parents, gérez votre stress !

Une formation pour les parents a ́t́ mise sur pied ̀ cette fin. Elle est diriǵe par Helen
Neville, neuroscientifique ̀ l’universit́ de l’Oregon. Les chercheurs recrutent les participants

parmi les familles b́ńficiant du Head Start, un programme public aḿricain qui fournit un
soutien aux enfants de maternelle issus de familles ̀ faibles revenus. Parents et personnel
soignant assistent ̀ un cours hebdomadaire pendant deux mois. Lors des premiers cours, ils
apprennent ̀ ŕduire le stress ressenti quand on s’occupe chaque jour d’enfants.
Tout parent peut en t́moigner : ce stress est parfois susceptible de submerger m̂me les plus
sereins d’entre nous. Et il peut-̂tre encore plus difficilement supportable pour des parents
rencontrant des probl̀mes financiers. « On se retrouve vite ̀ bout quand la vie n’est faite que
de privations », dit Patricia Kycek, maman d’un petit Eugene et qui suit les cours.
La formation apprend aux parents ̀ insister sur les aspects positifs et ̀ f́liciter les enfants
quand ils ŕussissent ce qui leur est demand́. Sarah Burlingame, ex-instructrice pour parents,
explique : « Nous incitons les adultes ̀ remarquer tout ce que leurs enfants font de bien, au
lieu de les gronder ̀ chaque fois qu’ils font quelque chose de mal. »
Au cours des dernìres semaines, les parents apprennent ̀ stimuler leur enfant. Dans une
activit́ qu’on les encourage ̀ pratiquer ̀ la maison, il s’agit de demander ̀ l’enfant de choisir
divers objets (une cuiller, une bouteille, un crayon,…), puis de deviner lesquels flotteront et
lesquels couleront. On invite ensuite l’enfant ̀ tester chaque pŕdiction dans un seau d’eau ou
dans une baignoire.
Les enfants sont entrâńs ̀ d́velopper leur attention et ̀ mieux se contr̂ler lors d’une
śance hebdomadaire de quarante minutes. Ils s’efforcent de se concentrer sur une t̂che au
milieu de distractions – par exemple, colorier ̀ l’int́rieur des contours d’un personnage
pendant que d’autres enfants font rebondir des ballons autour d’eux. Les instructeurs les
aident ́galement ̀ mieux identifier leurs ́motions.
Au bout des huit semaines, les chercheurs ́valuent l’aptitude au langage, le QI non verbal et
la capacit́ d’attention de chaque enfant. Ils ́valuent aussi leurs progr̀s en matìre de
comportement par le biais d’un questionnaire remis aux parents. Dans un article publí en
juillet 2013, Neville et ses coll̀gues observent que les enfants de familles b́ńficiant du Head
Start et ayant suivi la formation obtenaient de bien meilleurs ŕsultats que ceux de familles ne
l’ayant pas suivie. Les parents ont indiqú qu’ils se sentaient d́sormais beaucoup moins
stresśs en s’occupant de leurs enfants.
« Quand on change le comportement des parents et que le stress diminue, note Neville, cela
d́bouche sur une meilleure gestion des ́motions et facilite l’apprentissage des enfants. »
Tana Argo, jeune m̀re de quatre enfants, a d́cid́ de suivre le programme pour ne pas leur
faire subir les carences dont elle a souffert dans sa propre enfance. « J’ai grandi avec
beaucoup de stress et de drames, raconte-t-elle. Je me suis dit : “Je m’en souviendrai pour mes
gosses. Cela ne leur arrivera pas.” » Ce que Tana Argo a appris, selon ses termes, a modifí la
« dynamique » de sa famille, en l’incitant ̀ consacrer plus de temps au jeu et ̀
l’apprentissage.
Quand je lui rends visite chez elle, un apr̀s- midi, elle me dit ̀ quel point elle s’est sentie
heureuse quelques jours plus t̂t, quand elle a vu sa petite fille de 4 ans, la plus jeune,
s’asseoir sur le tapis et commencer ̀ feuilleter une encycloṕdie junior. En partant, je
remarque l’encycloṕdie, pośe au sommet d’une pile de livres – la plupart pour enfants. Si
tout va bien, cette pile servira peut-̂tre de rempart contre l’effet domino engendŕ par la

pauvret́ et les carences au fil des ǵńrations. Et elle aidera les enfants de Tana ̀ se
construire un avenir qu’elle-m̂me n’a pu ni se forger… ni s’imaginer.
Par Yudhijit Bhattacharjee


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