Les zombies 2 PDF


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Auteur: Marie

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Les zombies
Entre les gonds de la porte, passa, un bref instant, un éclair de lumière. Eliott bondit sur son
fusil, plus alerte qu'un fauve en plein mouvement, et pressa de sa main gauche la machette qui lui
seyait la taille. Un instant, ses yeux s'arrêtèrent sur l' écusson en forme de taureau furieux qui
surmontait le levier d'une machine. Putain de hangar désaffecté, qui puait le caoutchouc en
décomposition ! Puis il se ressaisit. Toujours pas de nouvelle de Wilfried, pensa-t-il. Et personne dans
le canal, non plus . Il rapprocha le micro de sa bouche : il fallait vraiment savoir ce que faisaient ses
camarades. Mais il n'en eut pas le temps...
A nouveau l'éclair. Et la face hirsute et verdâtre qui se jeta sur lui. Ca y est, il l'avait trouvé, déniché.
Le zombie qu'ils recherchaient tous! Trop près de lui, il ne put l'abattre d'une simple slave, et lui
balança un coup de manchette en pleine tête. Le macchabée vacilla, puis s'enfuit dans l'usine
attenante.
-Zombie repéré dans le hangar, annonça Eliott dans le canal d'une voix qu'il voulait garder calme. Il
s'enfuit vers l'usine de conditionnement de flexibles.
C'est alors que tout s'accéléra. Au milieu d'une brochettes d'injures, il entendit les voix de ses
coéquipiers résonner en échos.
-Autre zombie repéré rue Victor Hugo, annonça une voix terrifiée.
-Ouaip, et deux dans l'usine répertoriée. Qui dit mieux ? Lança Wilfried.
Eliott ressentit, à distance, le vent de panique traverser leur chef.
- Euh, oui, marmonna ce dernier. Eliott, tu... tu abandonnes ton zombie, tu files vers Wilfried pour
l'aider. Jo, Romuald, vous verrouillez à l'est. Samuel, Elie et moi, on...Arggh.
-Que se passe-t-il ? hurla Jo, le petit bleu de la compagnie, complètement affolé.
-Un zombie est né ! Vive le zombie ! répondit Wilfried, sarcastique.
Eliott se mit à trembler. Le costume était trop grand pour le chef, il l'avait su dès le départ. Mais le
pauvre n'avait pas eu le choix : après tous ces décès prématurés, on le lui avait fait enfilé à grande
vitesse, à cause de ses trois jours d'ancienneté de plus. Il trembla? Après la mort d'Eric, c'était à lui de
reprendre le commandement.
- On fait comme Eric avait dit, reprit-il après en déglutissant. Jo et Romual, vers l'usine de freins
!Samuel et Elie, plein ouest sur l'hôpital psychiatrique ! Si on s'en sort, les gars je jure de baiser les
pieds de la Madone ! Et pas que les pieds d'ailleurs !
Il quitta à toute vitesse le hangar. Putain de poutres d'acier bon marché qui entravaient sa marche :
un miracle qu'elles tiennent encore debout, celles-là ! Un zombie passa sous ses yeux, un coup sec-

pan !- et la silhouette s'écrasa sous ses yeux. Il avait beau faire, il ne s'y faisait pas. On ne faisait pas
toujours ce qu'on aimait, comme le disait sa mère. Il approcha son micro de sa bouche.
-Zombie mort dans le hangar. Je répète : zombie mort dans le hangar.
-Ils sont combien, ces trucs ? paniqua Jo, à nouveau.
-Oh, rien qu'une petite centaine, répondit la voix faussement moqueuse de Wilfried. Je ne sais pas
pour vous, mais chez moi, c'est soirée partouze aujourd'hui ! Ils dévalent dans la rue comme s'ils
avaient rendez-vous au bordel de Bourlizon! Je crois que dans cinq minutes maxi, vous allez pouvoir
festoyer sur mon cadavre, les gars...
Eliott suait à grosses gouttes à présent. Il n'aimait pas ça. Et dire que ces crétins de la logistique
avaient annoncé la présence d' "un ou deux zombies à tout casser". Tu parles, il allait leur apprendre
à compter ! A coup de manches dans le cul ! En plus, Wilfried, dans son état... Il fallait vraiment qu'il
le rejoigne.

Wilfried, c'était un pote, un vrai. Un comme on n'en a pas souvent dans la vie. Il l'avait connu
quand il était entré dans les patrouilles zombicides. Au départ, son air toujours satirique et moqueur
l'avait refroidi. L'impression désagréable que ce gars se foutait de tout, et de sa propre vie au
premier chef ! Une apparence de baroudeur décomplexé qui masquait finalement assez mal une
sensible fragilité... Car à part les catins de Bourlizon, la seule femme qu'il avait eu dans sa vie était sa
mère : célibataire, elle l' avait élevé seule dans le plus grand dénuement. C'est pour elle qu'il s'était
engagé dans le corps des patrouilleurs . C'était bien payé, il avait pensé lui offrir une retraite dorée.
Une illusion sans doute, mais de toute façon, où que l'on se tourne, les possibilités d'action restent
toujours limitées.
Lui, il avait compris. Une soeur, une mère, du pareil au même tout cela ! Alors, quand la plus
jeune soeur d'Eliott s'était transformée en zombie, il avait omis de révéler certains détails...Et s'était
même assuré qu'on ne les découvre pas. C'était mal, ce qu'Eliott avait fait. Oui, très mal. Mais merde,
c'était sa soeur. Pas question que les industries alimentaires s'en taillent des parts pour la vendre
dans leurs plats réchauffés...
Cela faisait maintenant plus d'un an que les humains cohabitaient avec les zombies. Enfin, ce
n'était pas comme cela que la situation avait été présentée au départ, dans les médias. On disait
plutôt que les humains allaient "exploiter" les zombies. De toute façon, aujourd'hui, "invasion" était
le terme qui convenait le mieux. La décision n'avait pas été facile à prendre. Terrible même. Si
terrible qu'elle avait d'abord aussi effrayé ceux qui l'avaient décidé. Conscients de sa portée amorale,
ils avaient dans un premier temps laissé le problème s'enliser. Un vrai sable mouvant... A coups de
petites réformettes, ils avaient pensé que le problème disparaitrait de lui. Malheureusement, on
n'avait pas de prestidigitateur dans la salle. Et quand le problème eut bien engraissé pour écraser
lourdement la population de son poids, à ce moment seulement, on avait commencé à prendre de
tragiques décisions... Qui n'eurent d'ailleurs jamais été accepté par la population si le drame n'avait
pas atteint de telles proportions. On ne touche pas impunément à des tabous culturels séculaires.

La Terre croulait depuis une petite cinquantaine d'années sous une population devenue
trop nombreuse par rapport à ses réserves alimentaires. Les villes étaient si étendues que la planète
ne semblait être qu'une immense mégalopole aux bras acérés de béton. Les prés, les pâtures, les
animaux ? Oui, les vieux en avaient entendu parler. Dans leur jeunesse. On ne pouvait à présent plus
réduire la natalité plus qu'on ne l'avait fait : pensez, ça avait été la première initiative qu'on avait
prise, la plus facile... et vite éculée face à l'instinct viscéral de procréation des êtres humains. Alors,
pourquoi pas l'exploration spatiale, avait dit quelques demeurés ? Charmante idée, Sherlock, enfin,
on avait déjà du mal à aller au bout du système solaire, c'était pas pour s'envoyer en l'air de l'autre
côté de la galaxie. Oualors l'exploitation intensive des espèces vivantes, c'était très bien, ça aussi,
non ? Et connard, tu les cases où tes bestioles, au milieu des tuiles et du ciment ? Non, on n'avait pas
eu le choix, vraiment pas. Il avait fallu s'y résoudre : il fallait manger ses morts. Certes, ça faisait mal
au cul, et pas que là d'ailleurs. Oui, c'était complètement immoral. Mais que voulait-on : des
génocides et des pogroms géants lancés par une ethnie sur une autre ? Un Holocauste géant à vous
traumatiser les gosses, ainsi voués à leur naissance à de petites manies psychotiques ? Non, il fallait
de l'ordre là-dedans. Bouffer ses morts, c'était le moins immoral qu'on pouvait faire, et paix aux
vivants. Une subtile campagne de communication, une réforme dans la constitution approuvée par
un référendum mondial et le tour était joué. Du moins en apparence...
Car il subsistait bien comme un léger problème dans cet ingénieux tour de passe-passe. Enfin,
il y en avait plusieurs, mais pas grand monde ne les avait entrevus au départ. Ou alors, tout le monde
avait fait semblant de ne pas les voir, selon la fameuse doctrine de "ce qui ne se dit n'existe pas". Et
oui, le nombre de morts chaque année était insuffisant pour nourrir une population mondiale qui
doublait à chaque décennie ! Oh ben zut, alors ! On avait endormi la population à coup de chiffres
truqués, en lui disant que non, tout irait bien, et on retrouvait maintenant en face d'une équation
différentielle impossible à régler. Comme annoncer cela ? Dans l'urgence, on avait sorti à la hâte, le
mot magique : aspargame. Plus qu'une formule, un slogan. Non, ce n'était pas le nom d'un
théorème foireux récompensé par le dernier prix Nobel de Chimie. L'aspargame, ingurgitée
régulièrement par les vivants, décuplait la valeur nutritive de leur propre chair, sans pour autant
décupler leurs poids initial (on ne voulait pas non plus une génération d'obèses). Pour une
révolution, c'était une révolution : le progrès faisait engraisser les vivants en vue de leurs propres
morst ! S'il n'y avait pas du génie là-dedans ! Et c'était passé... Quand t'es au bout du tunnel, tu ne
réfléchis pas à s'il faut sauter dans le vide...
Et soudain, l'équation à une inconnue avait pris vingt-deux inconnues d'un coup. Car on
s'était aperçu après coup que l'aspargame pouvait faire apparaître des troubles psychiatriques
majeurs chez les patients. Si, si, si. C'était ce qu'ils avaient dit à la télé, et les hôpitaux psychiatriques
affichaient complet. "Record de fréquentation" qu'ils annonçaient d'un air penaud. Mais ça, encore,
ce n'était pas le pire, parce qu'un fou, ça se soigne ! Rien de gravissime. Non, le plus grave
c'étaient... les zombies. Simple effet corolaire. Enfin, on ne disait pas les "zombies", ce n'était pas
correct. Ca faisait trop science-fiction. Non, on disait les "vivants après la mort". Les mort-vivants,
quoi. Ca ne non plus, ça ne passait pas, dans les soirées mondaines... Le phénomène était assez
simple, en fait : le mort devenait systématiquement zombie après une demi-heure environ
d'incubation. Grâce à cette saloperie- pardon, à cette merveille- qu'était l'aspargame, les zombies
étaient devenus la raison numéro un de l'insécurité : plus besoin de caïds, plus de besoin de
meurtriers ! Le progrès, là-encre. Et attention : le zombie, ce n'était pas une nouvelle évolution de
l'espèce, ni des Einstein de l'au-delà, mais des "pseudos-vivants" animés par deux besoins hautement

métaphysiques : bouffer, survivre. Point barre. Cette histoire avait certes un peu usé les nerfs des
élites qui avaient pondu cette connerie, des têtes étaient tombés, et l'aspargame avait été, après
huit ans de procédure, purement et simplement supprimé des plats de l'industrie alimentaire. Ce
n'était pas comme si les douze milliards d'humain présents sur Terre en avaient été abreuvés
pendant tout ce temps ! Il fallait réagir, hurlait-on partout, trouver des solutions, tout de suite,
immédiatement, c'est affreux, c'est scandaleux ! Tu parles qu'on en avait trouvé ! On avait décidé de
dégommer du zombie, avant de les refourguer à la population en mode sushi ! Mais quand vous
voyez votre proche se transformer en un machin qui lui ressemble physiquement, qui gigote, et qui
semble bien vivant, ça devient assez compliqué de le refourguer à la boucherie. Cet acte de
résistance, somme toute assez humain, avait été puni de vingt ans d'emprisonnement...Eliott était
bien placé pour savoir combien les autorités étaient chatouilleuses sur ce sujet. Et Wilfried, peutêtre, s'il avait été plus bavard, aurait pu dire des choses qui n'auraient pas forcément conduit Eliott
sous le Soleil des tropiques. Mais c'était un pote, celui-là, et lui-même, avec sa mère, si le cas se
présentait... Bref, mieux valait ne pas parler de choses désagréables : le silence valait parfois pour le
meilleur des serments...
Pourtant, ils en connaissaient un rayon, tous les deux, sur les zombies. Aucune possibilité de
recevoir de l'amour, ou de la tendresse de la part de ses bestioles : plutôt compter sur leurs crocs
acérés pour perforer la chair. Motivés par des salaires attractifs, par la propagande active des
médias, et par leur naïveté juvénile, les deux cons du jour s'étaient engagés pour dix ans à repêcher
ces bestioles dans tous les coins où ils se développaient : les hospices, les maisons de retraite, les
foyers, et plus trivialement, le monde. C'est grand, oui. Vu le ridicule de la formation initiale, et le
peu de moyens dont ils disposaient relativement à la proportion qu'avait pris le phénomène, mieux
valait se dire qu'ils s'étaient engagés ad vitam eternam. Survivre, une vraie bonne raison de mettre
du coeur à la tâche. En ne se formalisant pas trop sur les "joyeusetés" du métier : les regards apeurés
des retraités et les malades quand on venait récupérer leurs amis légèrement ensauvagés, assister
aux hurlements déchirants de la famille quand on ramenait le steak sur pattes, et bien-sûr, les
réactions carnassières des zombies eux-mêmes, qui de leur côté, trouvaient la chair humaine
fraîchement appétissante ! De si parfaites conditions de travail menaient certains des patrouilleurs à
une démence certaine, avec toutes les péripéties que l'on peut imaginer : suicides, meurtres, et
butages de piétons à la kalachnikovs ! Sinon, mis à part ces quelques désanvantages, leur position
sociale était enviée par une population avide qui dénonçait leur trop haut taux de rémunération et
leurs nombreux "privilèges"...
Ce jour-là aurait pu être un jour ordinaire s'il n'avait pas eu une saveur particulière. Les
planqués du bureau avaient, comme d'habitude, recueilli des informations inquiétantes sur le
secteur Ouest de la zone à surveiller. Alors, ça, c'était étonnant, avait ironisé Wilfried ! Pensez, un
quartier entier voué à une destruction imminente, presque entièrement abandonné, avec un hôpital
psychiatre juste à côté, il n'y avait que peu de chances qu'il soit infesté! Oui, mais justement, avait
répliqué le personnel avec aplomb, il faut sécuriser les lieux pour les ouvriers avant le début des
travaux. Bon, admettons, avait pensé Eliott. Et ils sont combien vos habitants clandestins ? Les
signaux automatiques en avaient repéré un ou deux à tout casser, parole de cadres. Et combien
d'hommes envoyait-on sur place ? Sept. Le capitaine serait Eric, puisqu'il avait trois jours
d'ancienneté de plus que les autres, et que le dernier chef en date ornait à présent les rayons du
supermarché. Wilfried avait ri. Et comment se faisait qu'ils soient si peu nombreux ? Parce qu'on
n'avait pas de personnel supplémentaire, ça faisait cinq ans que les volontaires ne se bousculaient

plus au portillon : l'amour du risque, ça ne faisait plus rêver ! Logique bureaucratique. Fin de la
discussion.
Eliott avait rejoint les vestiaires en soupirant ostensiblement. Wilfried l'avait dépassé d'un
pasrapide, jusqu'à arriver vers son coffre, plus loin, placé une rangée plus haut. Et d'un ton qui se
voulait faussement neutre, il avait lancé :
- Dommage, j'avais envie de vivre aujourd'hui.
Eliott s'était arrêté net. C'était exactement le jour, l'instant, qu'il avait tant redouté ! Inquiet, il s'était
alors retourné d'un geste brusque.
- Mais c'est ce que tu vas faire, mon vieux!
Le rire cinglant de Wilfried lui offrit une parfaite introduction sur ses intentions.
-Mouais, tu n'entends pas le mélodieux chant du zombie qui m'attire telle une tendre sirène ?
"Wilfried, viens nous rejoindre dans la boîte tupperware"!
-C'est ça. Fais chialer Mémé dans son salon. Eh, reprends toi, mec. Tu penses à ta mère ?
-Ma mère...Tu sais ce que les gars disent : quand c'est la fin -putain, merde, le bouton ! eh bien, c'est
la fin, tu n'y peut rien. Au moins, ça m'évitera d'assister à une autre putain de réunion syndicale. Tu
penseras à leur réclamer de nouveaux uniformes, n'est ce pas ?
Eliott l'avait regardé s'exciter sur ses lacets miteux d'un air songeur. Oui, c'était vrai, c'était ce
qui se disait. Quand on voyait la fin arriver, c'était qu'on en approchait. Mais putain, pas Wilfried.
Non lui, il était solide, éternel. C'était peut-être pas tout à fait juste, leurs trucs de vétéran. C'était
justement parce que tu pensais que c'était la fin qu'elle arrivait, et non pas l'inverse. Enfin, c'était ce
qu'il fallait faire comprendre à Wilfried! Depuis le temps qu'ils baroudaient ensemble, il n'allait pas le
lâcher, il n'avait pas le droit ! Mais au moment où il avait voulu lui dire tout cela, Wilfried s'état
retourné, les yeux embués :
-Tu t'occuperas de ma mère, hein, s'il m'arrive quelque chose ?
Un moment trop rare pour qu'Eliott n'en eut pas saisi immédiatement la portée. Mais le bruit
étourdissant de l'alarme avait fusillé toute tentative d'argumentation improvisée. Wilfried avait fini
par en découdre avec ses chaussures, non sans avoir fini de bousiller la semelle. Eliott avait passé son
fusil par dessus son épaule, prit sa machette pour le corps à corps, et avait suivi son ami à travers le
dédale des couloirs. La caserne avait bien triste mine ce jour-là. Sa charpente d'acier et de béton,
autour de laquelle s'enroulaient de vastes pans de murs troués, sombraient dans la pénombre
angoissante d'un jour de mauvais temps. Les deux hommes avaient rejoint les autres membres de
l'équipage dans la cour, et avaient essayé leurs armes avant de monter dans l'hélicoptère qui les
attendait.
-Mon fusil ne marche pas très bien, s'était inquiété Jo, le petit nouveau. Je devrais peut-être en
changer.

- Les nouvelles armes ne sont encore pas arrivées, avait répliqué Wilfried. Si tu veux de
l'extraordinaire, inscris -toi au syndicat. Merde, il caille dans ce pays ! Si ça continue, vous allez
directement pouvoir nous mettre en surgelé !
Une petite heure plus tard à peine, l'hélicoptère avait déposé l'équipage aux quatre coins du
pâté de maison dans lequel les signaux électroniques avaient détecté des zombies. La stratégie,
établie en haut lieu dans un couloir au milieu de deux réunions, avait quelque chose de simple, voire
de simpliste : on allait encercler les zombies repérés. Ca, c'était une véritable prouesse de l'Etat
major ! C'est ainsi que l'hélicoptère avait posé Eliott au centre de la rue Jean Jaurès, juste devant une
espèce de grande roue touillée qui avait dû être le fleuron de l'art contemporain autrefois, mais qui
aujourd'hui, avait quelque chose de spectral. Preuve s'il en était qu'à l'époque déjà, on avait déjà le
sens des priorités financières... Il s'était ainsi retourné vers les bâtiments qui s'érigeaient derrière lui.
Il avait reconnu sans peine le hangar qu'on lui avait décrit, ouvert sur trois côtés, enchevêtrés dans
un bazar improbable. Derrière, Il avait deviné l'usine de flexibles de frein abandonnée. A gauche du
hangar, se trouvait une deuxième usine, plus petite, qui avait été réservé au conditionnement des
flexibles. De l'autre côté du pâté de maison, devait sans doute se trouver l'hôpital psychiatrique, mais
il ne pouvait pas le voir de là où il était. OK, s'était-il dit, pour l'instant, il arrivait encore à suivre. Estce que l'opération avait été correctement préparée cette fois-ci ? C'est qu'on se serait presque allé à
devenir croyant, si on n'y avait pas pris garde ! Avant d'entrer dans le hangar, il s'était
vigoureusement frotté les bras. Il détestait avoir la chair de poule avant une opération. Même si
celle-ci n'était due qu'au froid, il la prenait toujours comme un mauvais pressentiment. Car après
tout, la chair de poules, c'était pour les trouillards. Or, le destin des trouillards dans une patrouille se
trouvait au milieu de deux frites...
Après avoir placé son fusil en joue sur son épaule, il s'était engagé dans le hangar. Purée,
quelle odeur de chiotte ! Il avait tout de suite espéré que cela était plus lié à la poussière et à la
rouille qu'à des corps en décomposition qui se carapataient à vive allure. Il avait, bien-sûr,
soigneusement regardé autour de lui : les machines, laissées là à l'abandon, avec des toiles
d'araignées qui les reliaient les unes aux autres, donnaient l'impression de composer une ode au
cercueil qui ne demandait plus qu'à capturer son petit bonhomme dans ses mélodies. C'était taquin,
une vieille usine, avec son florilège de pièges, son bazar indescriptible... Zut, son pied s'était pris dans
des câbles grouillant comme des défroques mouvantes. Eliott s'était alors penché pour desserrer
l'étreinte de ces douloureux amants après que la solution des "grands coups de pieds au hasard", se
fût révélée insatisfaisante. Pour tenir l'équilibre, sa main s'était posée sur une sorte de grand levier,
gravé d'un taureau furieux en train de chargé. Bon sang, apparemment, même le souffle du taureau
ne suffisait pas à réchauffer la surface gelé de l'acier ! Une morsure particulièrement désagréable...Il
avait enfin réussi, après quelques efforts infructueux, à ressortir son membre meurtri, non sans
s'être fait une légère égratignure au passage. Insensible à la douleur qui l'avait légèrement picoté, il
avait remis son fusil sur son épaule. Et tout à coup, un éclair de lumière s'était rapidement glissé
entre les gonds branlants de la porte. Le fameux zombie.

A présent, Eliott avait son grade de chef, et il n'en menait pas large. L'inquiétude faisait place
à une peur incontrôlable, oppressante. Il se dirigea à toute allure vers l'usine où se trouvait Wilfried.

Pas lui, murmurait-t-il entre ses dents, tout en accélérant le pas. Putain, non, pas lui. Le visage de sa
soeur réapparaissait tantôt, mutilé et cadavérique, de grandes dents menaçantes pointées en avant.
Il n'arrivait plus à penser, ses réflexes élémentaires étaient ralentis. Il n'avait qu'une obsession :
éviter l'impensable, jouer un tour au destin.
-Arrivée vers l'allée centrale dans dix secondes, hurla-t-il dans le micro.
-Ouaip, bien reçu, ajouta la voix de Wilfried, apparemment imperturbable.
Sans réfléchir, il se glissa au milieu de l'allée grouillante de plastiques. Ces merdes de
conditionnements plastiques entravaient sa course. Cependant, de sa position, il apercevait
clairement un important groupe de zombies qui s'était réfugié au milieu de la rue Jean Jaurès, tandis
qu'un autre s'enfuyait en direction de l'hôpital psychiatre, transformé pour l'occasion en gardemanger géant. Pas bon signe pour les malades tout ça.
-Prévenez les renforts, ordonna-t-il au micro. Va y avoir du grabuge du côté de l'hôpital.
Il entra d'un pas précipité dans l'usine, chercha du regard son ami. Il l'aperçut, deux mètres plus loin,
en train de combattre deux zombies. Il esquissa un sourire, courut à son secours. Dans sa
précipitation, il glissa sur un sachet plastique, et fut projeté cinquante centimètres plus loin, tête la
première sur le bord d'une machine, qui lui fracassa la tête. Pour une mort bête, c'était une mort
bête, eut-il juste le temps de penser...

...................................................................................................................................................
Trente minutes plus tard, un zombie se réveilla dans une usine. Des odeurs de chair humaine
lui parvenaient. Il avait faim. Très faim. Se laissant guider par son odorat, il se retourna vers la source
de nourriture la plus proche qu'il sentait. Un homme le regardait, de ses grands yeux bleus embués,
une machette à la main, seul debout au milieu d'une montagne de zombies morts. L'homme lui
murmurait des bruits étranges, dont il ne saisissait que les sons : "Non, Eliott ! C'est pas vrai ! C'est
pas possible. On va te soigner, tiens bon, mon vieux ! ". Le zombie, affamé, se jeta sur lui pour le
dévorer. L'homme esquiva un vague mouvement de défense, aussi maladroit qu'hésitant. Sa
machette tremblait, son fusil était tombé à ses pieds. Le zombie l'attrapa sans mal à la gorge, et
planta ses dents dans sa chair. Au milieu d'un cri, jaillirent des étincelles de sang. Le zombie dévora le
corps de l'homme mort, en éparpillant la chair un peu partout autour. Plus rien à tirer à présent de
ce squelette. En chercher d'autres, trouver de la chair humaine. Une odeur lui flattait à présent le
nez, proche et puissante. Le zombie suivit le trace sans mal. Il enjamba des poutres enchevêtrés, se
baissa avec agilité pour passer sous de puissantes machines. De là, il observa deux hommes s'agiter.
-Tu crois qu'ils sont là ?
-Oh oui, Jo, mais on les aura avant qu'ils nous trouvent.
-Et Eliott, tu crois qu'il est...?

- Ecoute Jo. Je te donne un conseil : si tu le vois, ne te pose pas de question, et vise juste. Car lui ne te
loupera pas.
Un bruit sec, deux hurlements : un zombie qui se jetait sur ses proies. Le plus jeune resta paralysé, et
le regardait approcher sans bouger.
-Défends toi, Jo ! Jo !
Une machette sur le côté vint fendre la côte du zombie, qui s'écarta par pur instinct. Il grogna de
douleur, et se tourna vers la deuxième source de nourriture, plus agressive.
-Eliott, murmura l'homme... Non, c'est idiot, on ne parle pas à un zombie ! Allons approche, le
monstre, qu'on fasse de toi du surgelé !
La proie mit en joue son fusil, et le pointa sur le zombie. Rugissement agacé. Deux autres zombies
surgirent des pièces voisines, attirés par l'odeur nourricière. Encerclé, l'homme hurla, avant de
s'effondrer sous les coups de ses assaillants. L'autre humain, à côté, retrouva un peu de sa force,et
abattit sa machette sur l'un des assaillants. Un coup bien senti lui explosa le crâne. Festin servi !
Pourtant, une fois la chair goulument avalée, les bêtes ne furent pas rassasiées. Elles rêvaient
de sang, d'intestin et de cervelles : elles sentaient ces odeurs, pas si lointaines, toutes prêtes à être
découvertes. Les trois zombies sortirent de l'usine dans une rue dégagée, et se mêlèrent à la foule
tumultueuse de leurs congénères. Ils marchaient par instinct, simplement guidés par leur odorat, et
la puissance fédératrice de la meute. Soudain, un bâtiment se dessina plus distinctement devant eux.
La vue qui confirmait l'odorat dopa leur marche, ils se ruèrent dans le désordre vers la bâtisse aux
portes closes.
Le zombie crachait et hurlait lui-aussi devant la façade, meurtri par la pression des corps de
ses congénères, ses membres se dévidant sur la chaussée. Sur le toit, des humains hurlaient dans
des talkies-walkies :
-L'hôpital est attaqué. La police ! Vite !
Des zombies tentaient d'escalader la façade, et, perdant soudain leur prise, retombaient lourdement
sur leurs congénères, les écrasant de leurs poids, arrachant le reste de leur chair friable. D'autres
faisaient pression sur la porte, écrasés par le contact de la pierre, ou percés de part en part par la
poignée
-La fenêtre va céder, cria une voix.
-Il faut tenir, répondait l'autre. Ils vont arriver.
C'est alors que le zombie entendit un craquement énorme sur sa droite : la porte avait cédé. Une
horde hurlante et mugissante s'engouffra à l'intérieur . Pris en étau entre trois mort-vivants, le
zombie donnait force de coups de pied et de dents pour être le premier servi. Ainsi absorbé par une
marée de chair défraîchie, il s'engouffra dans le petit vestibule. Des gardes, pistolets à la main, les
menacèrent d'un geste hésitant. Les premières lignes s'effondrèrent sous les tirs. Mais une fois les
armes vidées, les autres zombies se jetèrent sur les gardes et les dévorèrent. Le zombie, un peu en
arrière, n'avait pas réussi à avoir sa part de sang. Il enjamba ceux qui mangeaient à même le sol, et

s'élança dans les couloirs de l'hôpital. Des hommes et des femmes en blouse blanche courraient de
partout, aidant les patients les plus lents à s'enfuir.
-Je vous l'avais dit, hurla l'un. Ils viennent d'ailleurs !
L'infirmière tenta d'agripper la manche, mais avant qu'elle ne puisse décider le patient terrorisé à
bouger, des dents s'agrippèrent à sa chair. A côté, un patient vidait complètement les armoires, en
marmonnant, obsédé :
-L'aspargame ! Où est l'aspargame ? Il nous faut de l'aspargame !
Une fois son corps avalé, le zombie sauta d'hommes en femmes, déchirant et avalant goulument leur
viande. Il n'entendit d'abord pas la puissance des hélices qui battaient l'air dehors. Puis, des bruits de
mitraillette retentirent, des pas puissants et assurés vinrent délivrer l'hôpital de ses assaillants. Les
zombies tentèrent de s'échapper par toutes les sorties qui se présentaient à leurs yeux. Des filets
étaient jetés à la volée sur les morts-vivants, des cages les recueillaient, des coups, des tirs pleuvaient
de partout. Le zombie, par instinct, sut que le salut viendrait du nombre, et se mélangea à la
multitude. Les morts-vivants ne faisant plus qu'une pièce, dévalaient les escaliers, sortaient par les
fenêtres et les portes à présent ouvertes, au milieu de cris stridents.
-Lâchez moi, je ne suis pas fou, hurlait quelqu'un. Vers les égouts ! C'est là qu'il faut aller ! Allez tous
vers les égoûts!
Bientôt, les zombies eurent quitté l'hôpital. Bientôt, ils eurent rejoint la rue menant à l'usine. C'est
alors que la masse s'engouffra dans les égouts, les mitrailles toujours à leur poursuite. Ils se tassaient
les uns aux autres, les nouveaux arrivants poussant les premiers arrivés. C'était comme s'ils avaient
voulu ouvrir l'espace froid et cloisonné : ils se heurtaient les murs, brisaient le sol de leurs
piétinement. Il y eut un coup, une sorte de gigantesque décharge éclectique. Elle donna le signal
d'envoi du départ, dans un ordre dispersé et chaotique. Une bonne cinquantaine de zombies
remontèrent à la surface, s'élancèrent dans une vaste plaine grouillante de végétation, de laquelle
émergeaient seulement quelques ruines d'acier et de béton Plus d'hélicoptère, plus de militaires,
plus de tirs. Juste un grand espace résonnant de silence, dans lequel l'odorat saturait sous des odeurs
inconnus. Puissantes, suantes, elles se mêlaient à celles des humains, plus aisément reconnaissables.
Les zombies, eurent un moment de déboussolement sensoriel. Puis, très vite, ils surent isoler les
informations les plus intéressantes, et les poursuivirent. Ils débusquèrent un groupe d'humains. Le
zombie entendit le bruit du combat, et le giclement du sang avant qu'il ne pût arriver sur les lieux. Il
suivit une autre piste, mais là encore, d'autres avaient été plus rapides.
L'odeur humaine se fit alors fade, comme lointaine. Par contre, une autre odeur prit ses sens
de manière invasive. Une bête poilue, marchant à quatre à pattes, dégageait un mélange âcre et
puissant. Le saut de la bête devant lui : Rapide, il l'attrapa d'un geste vif, et l'avala goulument. Pas si
mauvais que ça. Justement, une autre bête arriva sur sa droite. Il se jeta dessus de la même façon.
Puis une autre. Puis une autre. Il remonta la piste qui devait le mener vers un dédale de ruines
apocalyptiques. C'est soudain qu'il la sentit à nouveau : l'odeur doucereuse, prégnante de l'humain.
Ses bâbines se retroussèrent, ils se lança sans hésitation dans le labyrinthe. De petits animaux
surgissaient de partout, mais il les laissa filer, n'ayant plus aucun intérêt pour eux à présent. Seule
l'intéressait la piste humaine, qui tournait à gauche, qui tournait à droite, qui le perdait au milieu du

dédale qu'elle semblait si bien connaître. Il la sentait, si proche, et pourtant, si inaccessible. Et tout à
coup, elle fut là, devant lui, qui surgissait dont ne sait où. Son couteau lui transperçant le cœur.

.........................................................................................................................................................

-Ah ! Le bel endormi se réveille enfin!... Tu parles d'un prince charmant !
Eliott tenta d'ouvrir doucement les yeux. Des spasmes de douleur lui traversaient le corps. Une
douleur telle qu'il n'en avait jamais connue, puissante, impérieuse. Son regard s'arrêta horrifié sur
son corps en lambeaux, son sang ruisselant : un beau bordel tout cela ! Au moins Pearl Harbour
doublé d'Hiroshima ! Ses organes, ses intestins, son coeur, et sa cervelle, se présentaient à
découverts. A vif même. Son sang ruisselait de partout, et de son corps meurtri, suintait un pus
nauséabond. Une sensation d'écœurement le saisit. La vache, c'était vraiment pas sain, en fait, un
corps humain !
-T'as raison, t'es très moche, reprit la petite voix, mais c'est pas une raison pour capoter. J'ai investi
en toi, moi !
Eliott leva les yeux vers ce qui semblait à l'origine de la voix : une petite jeune fille agenouillée audessus lui, dans ce qui semblait être un minuscule terrier. Ses cheveux d'un roux sale retombaient en
mèches désordonnées sur son visage. Une harpie ! pensa-t-il de suite. Dans quel merdier était-il
encore aller se fourrer? Elle avait quelque chose de terrifiant dans la désinvolture qu'elle mettait à le
soigner, et son regard était porteur d'une inexplicable étrangeté.
-Putain que ça fait mal ! hurla soudain Eliott.
-Eh ! Je suis pas ton infirmière ! Alors, tu vas te remettre illico presto d'aplomb et ne pas jouer au
boulet trop longtemps. Ou je te bouffe, pigé ?
Eliott ne répondit pas. Quel âge avait donc cette petite fille qui jouait déjà aux mégères ? 16 ou 17
ans à tout casser... Elle plongea à nouveau sans ménagement ses mains dans le corps d'Eliott, qui
hurla de douleur.
-Ca fait mal, hein ? dit-elle avec un rictus de jouissance. Tu sais combien ce que tu m'as coûté,
connard ? T'as intérêt à être rentable ! Désormais, t'es mon esclave : à la vie, à la mort ! Enfin,
jusqu'à ce que tu capotes à nouveau... T'as pas l'air très solide comme gars... J'aurais dû en prendre
un autre...
Mais elle ne va pas se la fermer, la jouvencelle des tortures ? pensait Eliott en lui-même. Tout ce
qu'elle disait n'avait aucun sens pour lui. Bon, faire comme ces tarés d'employés de bureau leur
avaient recommandé dans leurs belles brochures de papier glacé : appliquer les méthodes de survie.
Premièrement : reconnaître les lieux. Pas évident... Une tanière, ça restait une tanière.
Deuxièmement : reconnaître les personnes présentes. Une crétine rousse, ça donnait quoi en
langage administratif. Enfin, LE dernier point : tenter de se souvenir de quelque chose. Même un

petit truc. Eliott s'efforça de refaire fonctionner sa mémoire... et poussa un long gémissement
lugubre.
-Mais ça va pas ? Tu veux qu'on serve d' entrée-plat-dessert ? s'énerva la rousse. Qu'est ce qui
t'arrive encore ?
-J'ai tué mon ami.
-Ce sont des choses qui arrivent, répliqua la jeune fille d'un ton neutre. Moi-même, j'ai tué ma soeur,
mon beau-frère, et mon blaireau de compagnie... Un beau blaireau que j'avais domestiqué, gentil,
propre, et tout, et tout. Remarque, lui, il ne s'était pas transformé en zombie : j'avais juste besoin de
trouver de quoi croûter.
Eliott interrompit ce qui promettait d'être un bavardage prolixe....
-Mais je suis vivant, n'est ce pas ? Je suis bien vivant ? A nouveau, je ceux dire ?
La jeune fille fut prise d'un rire sec, presque nerveux.
-Oui, enfin... Ca, ça dépend de moi...
Elle prit un air malicieux en sortant un cachet de son sac - plus une poubelle qu'un sac, d'ailleurs,
pensa Eliott.
-Tu sais ce que ça veut dire ? demanda-t-elle à Eliott en agitant le petit comprimé sous ses yeux.
-Non, et je m'en fous, la coupa net Eliott. J'ai un mal de chien, et c'est pas un petit doliprane qui va
me guérir...
-Putain, mais vous tournez à quoi, vous, les zombies, dans l'autre monde ? Ca va te guérir, crétin !
Eliott s'arrêta net.
-Vraiment ?
-Vraiment.
-Ben, donne alors.
Il tenta d'attraper le cachet, mais elle le retira en lui tapant violemment sur la tête.
-Pas si vite. Tu me donnes quoi en échange ?
-Rien.
-Tu seras mon esclave ?
-Non.
-Tu me feras découvrir des sensations inédites ?
-Des sensations inédites ? C'est-à-dire ?

Le regard malicieux de la rousse lui en dit long sur la profondeur de ses pensées.
-Jamais de la vie ! s'indigna-t-il.
-Bon, alors crève ! répliqua l'inquisitrice en jupettes.
-C'est ce que je compte faire, marmonna Eliott dans sa barbe. Je ne peux pas vivre en sachant que ce
que j'ai fait.
La phrase fit bondir la jeune fille.
-Mais ça va pas, non ! Y en a plein, des cadavres sur pattes qui voudraient se remettre à vivre ! Enfin,
s'ils pouvaient y réfléchir...Et d'ailleurs, y en a plein aussi des humains bien nés qui se damneraient
pour ce comprimé. Et toi, tu voudrais... Mourir ? Mais t'es débile ou quoi ?
-Ben laisse-moi faire ! Je te demande rien d'autres !
La jeune fille parut embarrassé.
-T'es con. J'ai misé sur toi !Tu peux pas me décevoir.
Malgré la douleur, Eliott grimaça un sourire.
-Alors, donne moi ton fichu doliprane supersonique.
La fille parut choquée du raisonnement.
-Dur, le mec, en négociations ! lâcha-t-elle seulement.
Et elle lui enfourna sans ménagement le doliprane dans la bouche.
-Au fait, l'idiot, je m'appelle Frida, lui lança-t-elle.
Eliott ne répondit pas tout de suite. Une extase délicieuse lui parcourut le corps. Une extase qu'il
n'avait jamais connu jusqu'alors, même dans ses moments les plus intimes. Celle d'organes qui se
régénèrent, de plaies qui se referment, du sang qui recommence à approvisionner le coeur. Le tout à
une vitesse vertigineuse.
-Enchanté, balbutia-t-il, fortement impressionné. Moi, c'est Eliott.
-J'avais un autre blaireau que j'avais appelé Eliott, commença Frida. Il n'a pas tenu l'hiver. En fait,
c'était un jour super froid, je savais plus comment échapper au zombie qui était en face de moi,
j'étais prise au piège, j'allais y passer quoi. Acculée contre le mur. Alors, j'ai balancé mon poto au
milieu des zombies, et je me suis enfuie. C'est dommage, c'était quand-même une brave bête. En
plus...
-Attends ! Arrête le déluge, là ?, l'arrêta Eliott. Tu viens de dire qu'il y a... des blaireaux ?
Frida hocha de la tête.
-C'est comme ça qu'on les appelle. Des bestioles à cinq pattes, toutes douces, et pas méchantes pour
deux sous. Ca sert à la fois d'ami et de garde-manger !

Eliott resta tétanisée par ce qu'elle venait dire, comme foudroyé dans le cours de ses pensées.
-Il y a des animaux... C'est ça? Mais on est où exactement ?
Frida écarquilla les yeux.
-Et merde ! Je suis tombée sur un dingue ! Une chance sur dix de me planter, et il faut que ça
m'arrive !
-Un dingue ?
La jeune fille soupira.
-Ouais, ça arrive parfois. Y en a qu'on arrive à métamorphoser à nouveau en humains, et qui
prétendent venir d'une autre planète, être arrivé par une entrée parallèle, et plein d'autres
conneries. Des allumés, quoi ! En plus, ils savent pas se débrouiller tout seuls, et vu qu'on n'a pas le
temps de s'en occuper comme il faut, ben, ils se retransforment en boustifaille sur pattes illico
presto. Arsène les aime pas, ça non ! Des "assistés", qu'il dit ! Une fois, mon ex-meilleure amie a
voulu un compagnon, elle en avait choisi un, pas trop moche, à qui elle a filé de l'aspergame. Bon, il
se trouve que depuis le temps, elle s'est fait bouffer elle aussi. Sous mes yeux. Mais je me suis pas
attardée pour voir les détails, tu penses, une horde de zombies affamés...Enfin, bref, son mec, il avait
beau être blond avec des yeux bleus jolis tout pleins, il racontait pas mal de conneries, aussi. Style, il
venait d'un "hôpital psychiatrique", ou je ne sais pas trop quoi... Qu'il y avait trop d'humains, il disait
! Tu parles si on est trop ! A peine un millier pour quelques millions de zombies ! Et puis, il disait tout
le temps "Seigneur Dieu tout puissant". Nous, ça nous faisait vachement rigoler, tu penses !
Et elle éclata d'un rire nerveux. Eliott la dévisageait comme si justement, il avait vu le Bon Dieu se
métamorphoser devant lui. Frida dut voir dans son regard l'intelligence pénétrante 'un bulot à
l'espèce éteinte depuis 20 millions d'années, car lui dit simplement :
-Bon, ben, on monte : ça te remettra les idées en place.
Eliott la suivit sans mot dire. Une fois parvenue en haut du terrier, Frida se glissa avec beaucoup
d'agilité par la trappe ouverte. Eliott voulut la suivre, mais se révéla beaucoup plus lourd, presque
pataud par rapport à son élasticité. Un tel record de lenteur fit ostensiblement soupirer Frida, qui
devait calculer le taux de rentabilisation de son "investissement". Une fois qu'il eut (enfin) atteint la
surface, Frida attrapa la machette qui lui seyait la hanche. Eliott s'aperçut alors qu'il avait laissé son
fusil et sa machette dans la précédente bataille.
-Et moi ? Réclama-t-il avec une assurance impudente.
-Toi ? Ben c'est simple ! Y a qu'à se baisser pour en ramasser : tous les modèles portés par les
zombies ! Fais ton choix.
Et elle esquissa un sourire sadique. Eliott pensa qu'elle était exactement tout ce qu'il détestait chez
les femmes : une chieuse doublée d'une garce. Et moche en plus ! Et il pensa avec un petit sourire
que la bataille la plus rude ne se déroulerait pas là maintenant, contre les zombies, mais bien plus
tard dans la nuit, à l'abri dans une tanière sans doute.

Tout à coup, un petit bruit qu'il ne connaissait pas le tira de ses réflexions. Il se retourna
brusquement... et vit une petite bête à poils qui le regardait avec des yeux doux. Quatre patte,
comme il en avait vu dans les ouvrages sur le passé de la Terre, plus une cinquième, recourbée, au
milieu du ventre, qui lui servait un peu de mandibule. Et à ce qu'il reconnaissait, des oreilles comme
les lapins, et une trompe comme un éléphant.
-Oh ! C'est un blaireau.
Frida haussa les épaules.
-Un appât dans le langage courant.
-Comme il est mignon.
-Il distrait les zombies, surtout, et si tu as le temps, tu peux le caresser et lui faire des scroutchscroutch.
Eliott caressa doucement la fourrure de l'animal, dont il sentait la respiration lente et saccadée.
C'était proprement incroyable ! Il leva les yeux, et vit s'étaler devant lui une luxuriante végétation en
friche dont il ne reconnaissait pas les espèces, même si petit, il s'était passionné pour les espèces
disparues. Quelques ruines labyrinthiques d'une ancienne civilisation.Et au loin, même une forêt... Il
sourit de béatitude: pas de doute, on était pas sur Terre.
-Dis donc, dit-il en fronçant les sourcils, c'est avec ces bêtes-là que tu m'as appâté quand j'étais
encore un zombie ?
-Ben, ça sert à ça, c'est ce que je t'ai dit. Mais il y en a pas énormément. Il y a un peu plus de chats et
de hamsters, mais ça, c'est vachement plus dangereux, et surtout, c'est interdit d'y toucher !
Eliott n'eut pas le temps de demander à quoi ressemblaient les bestioles qu'elle appelait "chat" ou
"hamster", qu'elle le coupa net dans ses pensées.
-Attention, voilà le cortège infernal !
En effet, au loin, un groupe de zombies approchait, enroulé dans un épais nuage de poussières. Frida
se sauva dans le labyrinthe en criant Eliott:
-Récupère une machette ou quelque chose de contendant, et suis-moi ! C'est là-dedans qu'on a le
plus de chances de les chasser !
Eliott grinça des dents. Quel sens aigüe de la solidarité ! pensa-t-il. Et il s'apprêta donc à affronter,
seul, la masse des zombies affamés.


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