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Auteur: Marie

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Origines
La voûte céleste recouvrait le monde comme une ample couverture transparente. Percée par
endroits, brûlée à d'autres, elle laissait transparaître une lumière rougeâtre, flamboyante : celle d'un
Soleil qui, au loin, mourrait de n'avoir jamais connu la vie. Celle d'une atmosphère qui résonnait de
cris, et d'astres atrophiés qui geignaient d'une complainte stridente. Là était l'univers.
Et la terre elle-même? Un vaste terrain vague, perdu au milieu de nulle part. Et au milieu du terrain
vague, une route. Déserte, sans véhicule, ni habitant, ni âme qui vive partout ailleurs, et qui ne reliait
nulle chose et nul lieu, qui montait juste aux étoiles sans en redescendre. Et autour de cette route,
on trouvait, pêle-mêle, des colonnes antiques détruites, des pyramides qui n'étaient pas encore
construites. Et au pied de ces monuments, au milieu d'une végétation que nul ne connaissait s'il
existait quelqu'un, se trouvait un homme. Un homme brun, aux yeux noirs, au sourire candide, à la
beauté lumineuse, qui semblait dormir à même le son. Et juste sur son flanc droit, à côté de lui, un
homme blond, sublime par la clarté de son teint et la verdeur de ses yeux, qui essayait de l'étrangler.
L'Homme brun manqua s'étouffer un instant. Le monde sembla retenir sa respiration en même que
lui, et dans de ce poumon purulent un air punais s'échappa. Le jeune homme blond, qui, à côté,
respirait cet air nauséabond, commença à perdre ses couleurs. Il défaillit, soudain pris de vertige,
Alors, sa victime se réveilla, et sans mal, décrocha les mains blanches de son cou délicat. Il regarda un
instant son agresseur secoué de spasmes, et lui murmura à l'oreille :
-Où sommes-nous, mon frère ?
Ce fut comme si l'air emplissait à nouveau les poumons du jeune homme, comme si sa blondeur
retrouvait de l'éclat, et il éclata d'un rire sans joie.
-A un endroit qui ne fut jamais créé, et dont nous ne pourrons jamais nous échapper.
L'homme brun ne comprit pas. Il acquiesça quand-même. L'autre se leva, épousseta ses vêtements,
et s'exclama :
-Ca me fait une belle jambe de vivre au milieu des canards à cinq pattes et des oies bracailleuses ! Tu
les vois, là bas, qui passent, dans la mare de sang ?
Son compagnon fit oui de la tête.
-Allons, bon sang, bouge toi ! Répare moi cette anomalie, ou je ne vis pas ici. Mais où irais-je
pourtant ? Je n'irais nulle part... Ne pas penser ! Ne pas réfléchir ! Debout, nous avons à faire ! Et
arrête de sourire bêtement !
La silhouette brune se leva à son tour, et scruta les alentours de son regard transperçant, qui se
reposa bientôt sur celui qui avait tenté de l'assassiner.

-Je te connais. On ne s'est peut-être jamais vus, mais après tout, pourquoi pas ? Il faut que je puisse
t'appeler. A partir du moment où je t'appelle, c'est comme si nous étions liés. As-tu un nom, au
moins ?
L'homme blond fit non de la tête.
-Et toi non plus. Mais moi, je rêve de m'appeler Adibel. C'est cela, appelle moi, Adibel.
-Alors, appelle moi Udei, et nous serons quitte.
Adibel acquiesça. Udei lui demanda gentiment de le guider, car il semblait connaître quelques bribes
de ce monde sans queue ni tête d'où ils étaient prisonniers. Ou je suis prisonnier, rectifia Adibel,
comme s'il lisait dans ses pensées. Et viens, suis moi, lança-t-il.
L'homme brun robuste et candide suivit donc ce délicieux blond dont la magie s'échappait par
chaque pore de la peau. Oh, oui, Adibel essaya de le perdre, Udei s'y attendait, il ne le lâchait pas.
D'ailleurs, pouvait-on se perdre dans un endroit où chaque chose retournait à son point de départ?
Après un long trajet à pied -avaient-ils vraiment tourné en rond ?- Udei s'arrêta devant une vieille
bâtisse en bois affaissée au pied d'un building. Vulgaire cabane sale qui craquait de partout, et qui
ouvrit grande ses portes à leur approche.
-Et cela, comment s'appelle-t-il ? Demanda Udei à Adibel.
-Un saloon, je crois.
Sans une once d'hésitation, Adibel entra. Udei, un peu plus en retrait, voulut le suivre, quand il
aperçut, soudain, une vieille femme -une sorcière peut-être -qui filait sa laine. Et la vieille parlait,
parlait, encore et encore, sans personne pour l'écouter, sans peut-être que jamais personne ne se fût
arrêté devant elle sauf Udei. Et sa voix monocorde tissait, elle-aussi, sa laine dans l'esprit.
-Au commencement, il y eut le Big Bang, vois-tu? Tu sais ce que c'est, le Big Bang ? Le
commencement de l'Univers. Et puis il naquit la première galaxie. Et ensuite la deuxième. Et ensuite
la troisième. Avec leurs étoiles.
Udei, surpris, l'entendit énumérer savamment les noms des galaxies, avec leurs propriétés
respectives, leurs caractéristiques propres, et leur histoire aussi. Il tendait l'oreille pour bien écouter
pour ne pas perdre une once de cette voix, et pourtant, le son fuyait, crachotait parfois, comme une
radio mal réglé -si tant est que Udei savait ce qu'était une radio. Par instinct, il chercha la source de
l'interférence, et c'est alors qu'il l'aperçut. Elle. Une toute petite fille, noire comme l'ébène, qui
chantait de sa voix fluette. Une toute petite voix, si légère, si belle, qui disait :
-Au commencement, il y avait le singe. Qui devint l'homme. Qui se fit chasseur et cueilleur. Puis
agriculteur, enfin? Belle histoire que l'histoire que je chante. La connais-tu, toi qui l'écoute ?
Son regard gris s'arrêta sur Udei, qui se figea, surpris et presque tétanisé. Il se retourna pour voir s'il
n'y avait pas quelqu'un d'autre derrière lui. Mais il était seul. Seul sans connaître l'histoire de
l'Homme, ni aucune histoire d'ailleurs. Pas même la sienne. Il était vide de narration et de
chronologie, vide d'empathie aussi. Il allait se forcer à répondre à la vieille, sans envie et sans désir,
quand la tête de son compagnon apparut par la fenêtre.

-Alors ? Tu viens ? On s'amuse ici !
Udei prit une profonde inspiration, et laissa plantées là la vieille et sa fille, poussant d'un geste vif les
portes du saloon, pénétrant, incertain, au sein de l'établissement. Un bruit assourdissant l'étourdit, le
prit, le plaqua contre lui-même, le plongeant dans une transe muette et douloureuse. La stupeur.
L'angoisse aussi le saisit. Et tandis que son cœur tapait et s'emballait contre sa poitrine, il aperçut,
yeux mi-clos, son ami qui frappait des mains, joyeux, au milieu de la piste de danse. Quel rythme !
braillait-il, enjoué ! Quel swing ! Et Udei se tenait les oreilles des mains pour ne pas hurler.
Puis, petit à petit, il s'habitua à cette escarcelle de chaos, et il commença à ouvrir les yeux,
péniblement d'abord, sans pour autant parvenir à sortir de sa transe. Au milieu de ce qui ne pouvait
être qu'un rêve, il aperçut, devant lui, une bonne dizaine de danseuse, à moitié nues, qui faisaient
virevolter leurs robes légères en calquant leurs gestes sur ceux d'Adibel. Ce dernier lui fit signe
d'avancer, et Udei, titubant, chancelant, se laissa porter par cette volonté. Il se retrouva bientôt au
milieu de toutes ces créatures démoniaques, sirènes aux mouvements ensorcelants qui le retenaient
de la blancheur de leurs yeux. Des yeux, oui. Partout, dans la pièce. Qui l'observaient, qui le
scrutaient, qui le dévisageaient. Anéanti par ces regards répétés, Udei fut pris de nausée. En voulant
fixer son regard sur la chevelure dorée de son acolyte qui dansait frénétiquement dans un tapage
infernale, il fut pris au piège de leurs anneaux, de leur volupté, du désir qu'ils enfermaient. Il vomit
et, comme il tentait de se raccrocher à quelqu'un ou à quelque chose, il s'appuya du bout des doigts
sur la peau d'ivoire de son ami. Le contact le brûla comme un acier chaud. Il retira précipitamment sa
main, et le rire d'Adibel résonna, partout dans la pièce- ou peut-être n'était-ce que dans sa tête ?
Dans une excitation expiatoire, Adibel fit un geste qui fit trembler la baraque de fortune : parquet
qui craque, murs qui grincent en rythme. Les danseuses aux dents acérés regardaient Udei avec
avidité, prêtes à se jeter sur lui à la moindre occasion. Et A sa grande surprise, le plancher se mit à
pencher, la cabane pivota sur elle-même. Et elle se mit à tourner, tourner, sur elle-même ! Adibel, les
pieds solidement plantés dans le sol, continuait de danser avec fièvre, tandis que Udei roulait, roulait
contre les murs, accrochant ici une commode, là une estrade, partout les bibelots qui jonchaient les
comptoirs et les murs. Pris de vertige, il chercha à se rattraper aux battants des volets, qui, soufflés
par le rire puissant d'Adibel, s'ouvrirent sur le néant, sur l'espace des astres et de la Lune dans lequel
la maison de carton pâte se mouvait. Udei dût hurler, supplier à Adibel de l'aider, alors que la main
qui le retenait à la maison, accrochée au volet, menaçait de glisser. Il essuya un refus aussi amusé
que sadique. Il lui parut qu'il allait être anéanti dans ce brouillon mou de création, quand soudain,
retrouvant sa force, Udei se hissa sur les murs extérieurs de la maison, se mit péniblement debout, et
commença à courir en petites foulées, pour rattraper la maison qui tournait, ou du moins pour ne
pas tomber dans le vide. Et comme il s'épuisant, comme il sentait ses forces l'abandonner, il hurla
soudain, en colère : "stop ! C'est un ordre". La maison s'arrêta net, le rire d'Adibel se figea. Satisfait
de son emprise sur les choses, il sauta dans le néant, au milieu de cet espace confit d'étoiles et de
météorites prêtes à naître, ou déjà mortes peut-être.
La chute fut longue, mais il n'éprouvait aucune crainte, aucune appréhension. Il aperçut le toit d'une
maison de brique, en bas, qui l'attendait, et il pensa : "c'est bien". Il traversa le plafond sans mal, et
atterrit confortablement dans un fauteuil douillet, ce qui le réjouit. Il croisa les jambes, en signe de
satisfaction, et scruta l'intérieur de la pièce. Devant lui, à l'autre bout, se tenait une femme sans
corps, au visage outrageusement maquillé. Enfin, peut-être avait-elle bien un corps, ou en avait-t-elle

eu un, mais il n'arrivait pas à le ressentir, à l'imaginer. Il voyait juste ce visage qui dégoulinait de
larmes, et fondait de mascara noir. Alors, Udei sentit une empathie profonde monter en lui- la
première fois peut-être. Tant de désespoir et de souffrir l'emplissaient de compassion, de douceur,
de tendresse. Il se pencha lentement vers la femme, qui s'était rapproché de lui, et lui murmura :
-Pourquoi pleurez-vous, Mademoiselle ?
-Parce que j'ai mal, répondit-elle. J'ai mal dans mon corps que je n'ai plus pour tous les péchés du
monde. J'ai mal d'être sans cesse passée et repassée, pour apaiser l'univers. J'ai mal car le corps que
vous ne voyez pas, et qui est un véritable charnier ouvert sur la douleur, est perforé de l'intérieur.
Udei accueillit la confidence comme un ami, en tendant la main vers l'épaule de la jeune fille, pendue
à son regard. Il avait envie de la prendre dans ses bras. Il aurait voulu la serrer contre lui. Je vous
aime, lui murmurerait-il dans quelques secondes. Oui, je vous aime, vous êtes grande, vous êtes
belle. Ne vous inquiétez pas. Mais il n'en eut pas le temps. Trois coups frappèrent soudain à la porte
de la maison. La jeune femme, étonnée, voulut ouvrir, mais d'un geste à la fois doux et ferme, Udei la
maintint assise, par terre, devant elle.
-Parlez moi, encore, de ce monde que vous connaissez, lui demanda-t-il.
Elle soupira.
-On dit qu'il est mal. On dit qu'il est bien. Je n'en crois rien. Je crois seulement qu'un jour il sera.
A ce moment-là, par l'unique fenêtre de la pièce, une tête grimaçante apparut, un flot de cheveux
blonds hirsutes autour d'elle, comme un halo malfaisant. Que mon ami était devenu laid !, pensa
Udei. Ne lui ouvrez pas surtout, dit-il à haute voix à la femme. Et la tête parut entendre la phrase, ou
du moins la comprendre, car elle fut prise d'un accès de colère : la fenêtre fut soufflé par une
violente rafale de vent. Udei protégea le visage de la jeune femme ainsi que le sien des éclats de
verres, et quand il se retourna, il vit Adibel, plus beau qu'il ne l'avait jamais été, debout devant lui.
-Cette femme est à moi ! dit-il simplement d'un ton menaçant. Je la veux.
-Et tu ne l'auras pas.
Les deux hommes se défièrent un instant du regard, mais Adibel baissa les yeux le premier, penaud,
et murmura s :
-Embrasse-moi. J'ai froid et j'ai peur ici.
Udei ne chercha pas à comprendre, il se leva, et commença à chercher une des joues d'Adibel au
milieu des cheveux qui collaient partout à la peau.
-Pas ici, l'arrêta Udei. Sur les lèvres. Sur mes lèvres, s'il te plait.
Udei fut surpris mais il obéit. Mais alors que ses lèvres épousaient le pourpre de cette bouche
langoureuse, son ami poussa un long cri de douleur, avant de rejeter avec puissance l'étreinte que
Udei lui offrait.
-C'est trop tard, maintenant, sanglota-t-il. Je ne peux plus te toucher. Et toi non plus.

Il s'effondra lamentablement dans le fauteuil que Udei avait délaissé, et pour la première fois, pleura
d'une sincère tristesse.
-Je ne suis rien, balbutia-il entre deux hoquets frénétique. Ou si, je suis à toi. Seulement à toi, tu
comprends ce que ça signifie ? Je ne me possède pas. Je ne ressens rien de propre. Je n'existe que
par ton bon vouloir. Et tu as besoin de moi, oui, tu en auras besoin, ne le nie pas. Je suis maudit. A
tout jamais. Simple chose loqueteuse. Eternellement condamné au désamour et mal-être. Je sais ce
que tu vas me dire, tu as compris, je vois que tu as compris, et je sais ce qui m'attend. Permets moi
au moins d'avoir peur. Je n'aime pas la solitude, je n'aime pas le désamour, et tu vas me manquer.
Parce que je t'aime et que te hais en même temps. Promets-moi seulement que tu ne m'oublieras
pas...
Udei avait compris en effet. Il fit signe à Adibel de se relever, et lui murmura à l'oreille, sans le
toucher.
-Il faut beaucoup de courage pour assumer ce sort de maudit. Et crois-le, je t'aime aussi.
Adibel baissa la tête en signe de soumission. Alors Udei inspira profondément, et s'éleva, en majesté
et en puissance, pour devenir celui qu'il devait être, Dieu. Et il créa, pour de vrai, dans la réalité, le
monde qu'il avait en lui, depuis toujours : celui de l'espace galactique d'abord, et plus encore, avec
plus d'attention que jamais, la Terre des humains. Il créa, alors, parmi l'étendue des possibles, la
réalité, l'histoire de l'univers et des hommes.
Et Satan, rebelle quoique soumis, rejoignit les Enfers, enfermé dans son éternité.


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