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Les Versets de l'Initié (1) PDF


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Message au lecteur : Je n'ai, au commencement, qu'une seule exigence. Que la gratuité de ces
écrits demeure à jamais. S'ajoutent alors quelques espoirs. Le premier, c'est bêtement que cela
soit lu. Le second, c'est que quelqu'un, ou tout le monde, le continu. Recopiez ce que vous pensez
utile de l'être pour le partager. Ecrivez ce qui vient de vous-même et que vous pensez utile de
partager. Ecrivez ! C'est pour vous, c'est pour nous !

Le Jeu d'Eleusis
Éleusis est un jeu de cartes inventé par Robert Abbott en
1956, puis popularisé par Martin Gardner dans sa colonne «
Mathematical Games » dans Scientific American. Son nom
fait référence aux mystères d'Éleusis. Robert Abbott
améliora le jeu dans les années 1970 pour aboutir à la
version actuelle, appelée Nouvel Éleusis (New Eleusis).
Bernard Werber en explique les règles dans l'Encyclopédie
du Savoir Relatif et Absolu et a contribué à la popularisation
du jeu.
En général, il faut être quatre joueurs et avoir deux jeux de
52 cartes. Un joueur (appelé « Dieu ») détermine une règle
secrète (appelée « règle du monde ») qui définit quelles
cartes auront le droit d'être posées. Les autres joueurs
doivent essayer de la deviner en faisant des expériences,
c'est-à-dire en proposant à tour de rôle des cartes qui seront

soit acceptées soit rejetées par Dieu en suivant sa règle du
monde. Les cartes sont ensuite placées les unes à la suite
des autres pour former la séquence principale si elles sont
acceptées ou bien mises de côté si elles sont refusées. Les
deux séquences de cartes ainsi formées sont disposées de
telle sorte que l'on voie toujours les face des cartes, ce qui
permet aux joueurs de deviner la logique suivie par la règle
du monde. La chose est compliquée par un score qui tente
de donner à Dieu la motivation de trouver des règles
suffisamment

faciles

pour

être

trouvables

mais

suffisamment difficiles pour n'être pas immédiatement
apparentes, et (dans Nouvel Éleusis) par un système de
prophètes qui répondent à la place de Dieu s'ils croient avoir
compris la règle.

En effet, dans cette version, lorsqu'un joueur pense avoir
deviné la règle, il s'auto-proclame prophète. Il prend alors le
rôle de Dieu pendant 10 tours et doit dire si les cartes
proposées sont acceptées ou non. Si le prophète se trompe,
Dieu le destitue et le jeu reprend son cours. Si le prophète

ne fait pas d'erreur jusqu'au 10e tour, il énonce la règle du
monde qu'il a devinée et devient le Dieu de la partie
suivante.
J'ajoute à cela, que le destin, n'a finalement que deux
réponses possible Le choisir ou le subir.
Bon jeu.

Langoureux automne.

Frontispice de l'hiver.

J'y entends Perséphone.

Sa neige perce le mystère.

Montant au pas du loup.

dissimulé dans les arbres montagnards.

Un endroit où je m'appellerai vous

Un endroit qui ne sera pas mé-garde

La bâtisse abandonnée.

Celle que j'aurai réhabilitée

Un royaume qui surpasserait hasgard

Car des saints, il déversera sur le monde.

Sommaire
Je ne donne toujours qu'un seul conseil, qu'un seul
avis avant de dire à quelqu'un de lire ce livre. Si tu es
assez littéraire lis la première partie, elle est fictive. Si
tu es assez scientifique, commence par la deuxième,

elle est réelle, et curieusement, pourtant, elles disent
presque la même chose.

Partie 1
-Les Versets de l'Initié
-Mythologie de l'origine du Conflit
-Koan /Synthèse d'une âme

-Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
-Alors Ô chevalier, raconte-moi comment combler le vide.
-Ô Conflit... Raconte-moi la justice.
-Ô chevalier ! Raconte-moi le sexisme !
-Ô chevalier, raconte-moi un voyage vers le vide !
-Ô chevalier ! Raconte-moi l'homme et l'animal !
-Ô chevalier ! Raconte-moi l'union !
-Ô Conflit, raconte-moi la violence.
-Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.

-Les Versets de l'Initié
-Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
-Ô Conflit, raconte-moi la guerre.
-Ô chevalier ! Raconte-moi le doute !
-Ô femme, raconte-nous le regret.
-Ô chevalier ! Raconte-moi le noir !
-Ô chevalier ! Raconte-moi l'ambition !
-Ô Conflit, raconte-moi l'égoïsme.
-Ô femme, raconte-nous l'homme et la femme.
-Ô chevalier ! Raconte-moi la méditation !
-Ô chevalier ! Raconte-moi le rêve !
-Ô chevalier ! Raconte-moi la haine !
-Ô chevalier ! Raconte-moi la lettre !
-Ô chevalier ! Raconte-moi le vice !
-Ô chevalier ! Raconte-moi le roi !
-Ô chevalier ! Raconte-moi la victoire !

-Ô Tenzö, raconte-nous le langage !
-La Marche du chevalier

-Le mot du milieu...
-Au-delà du serment
-Chapitre 1 : Le rêve de Lucifer.

Partie 2
-Les Versets de l'Initié
-Mythologie de l'origine du Conflit
-Apprivoisement de soi.

-Synthèse de Thèmes vulagrisés
-Le Politiquement correct, cela n'a rien correct.
-La somme des peurs
-L'acceptation
-De l'action (selon le Tao)
-Âge de l'existence
-Agnosticisme positif
-En s'aimant soi-même
-Amour, trop vaste sujet
-Les ancêtres
-L'apparence que le monde a pour nous
-Ancrage de ses ressources
-L'Argent, bien différent d'avant

-De l'art d'aimer ?
-L'Autorité
-Le concept de "l'Autre"
-Avant-garde scientifique
-Avertissement des contes de fées
-Conan Doyle
-Bateson Gregory
-Et si l’Univers n’était qu’un hologramme
-Bêtise Humaine
-Bénéfice
-Henri Bergson
-Taj Mahal
-Bilan de vie
-Blason
-Le Blocage d'une ambition légitime
-Être bon ?
-Atteindre son but
-l'Image du but
-Le cadeau, il est beau le cadeau !
-Œdipe
-Nicolas Tesla
-La théorie du tout
-L'activation des canaux sensitifs
-Paradoxe de la progression sociale
-Cerveau
-Developper ses fonctions cognitives
-Entre Chamanisme et Néochamanisme
-Le changement
-Changer de but ?

-La chevalerie
-Chanter
-Le chao dans le Tao
-Cosmogonie Hindoue
-Cinquième discipline
-Orphée
-Notre Cocon
-La mise en cohérence cortico-cardiaque
-Origine de la Coïncidence
-Vous mettre en condition
-Apollon
-Les cinq conditions amoureuses du bonheur
-La Mise en Abyme
-Condition du bonheur
-La couleur bleue ?
-Créatifs Culturels
-La Créativité
-Coupable de se sentir couplable ?
-Joueur improbable qu'est le dauphin !
-Nos défauts peuvent nous servir
-La SUR-Superstition
-Le désir
-L'importance du détail dans la vie
-Miyamoto Musashi
-Le développement durable
-Les Dialogues avec l'Ange
-Apprivoiser son dialogue interne

-Paul Diel
-Diogène
-Le discernement
-Dyade
-Tibérius et Caïus Gracchus ayant vécu entre 164 et 121 AV JC mort l'un et l'autre lors d'une
émeute
-Ecologie
-Egoisme conséquent
-Les éléments
-EMDR (Eye movement desactivation reflex)
-Empoisonnement de l'existence
-L'Energie universelle
-Esprit Critique
-Estime de soi
-Evolution
-Conseil taoiste sur la sexualité
-Famille
-Fierté
-Séquence citation : (uniquement française)
-Cosmogonie Nordique
-De la foi
-La stratégie du gagnant/gagnant
-Le bon gouvernement d'une vie
-Hô Grâce !
-Grand Jeu
-Gratitude
-Guérison et Intention
-Habitudes

-L'origine médiéval du Hasard
-Humour
-Le danger des "Il faut"
-Danger dans l'imagination
-Exercice d'Imagination
-Incertitude
-La fierté de savoir s'incliner
-La mer Egée
-Indépendance excessive
-L'influence
-Comment gérer son inquiétude
-Intelligence émotionnelle
-L'intention
-L'intuition
-Le Jeu
-La Joie
-Jouer et créer
-Carl Gustav Jung
-Juste milieu
-Karma
-Kennedy
-Kinésiologie
-Le Labyrinthe
-Se laver
-Sa légende personnelle
-Emmanuel Lévinas
-La Loi

-MA
-La magie noire
-La main
-Le merveilleux du malheur
-Le manque
-Séquence citation
-Les mécanismes de la domination
-Mendiants d'amour
-Le mentor
-Métamorphose des petites souffrances en sept étapes
-La Mobilité
-La fausse modestie
-Les moeurs
-Apprendre à dire non
-Nos pensées créent le monde
-L'oubli de soi
-L'immensité du oui
-Outil de thérapie et de développement personnel
-Les paradoxes
-Parents toxiques
-La paresse dans l'effort
-Le passé
-Pesanteur et grâce
-Prière et guérison
-Principe de Peter
-Problèmes (conseil Tao)
-Projection paranoïque

-Projet commun
-Psychanalyse, sexe et taoïsme
-La forme du son
-La Psychogénéalogie (ou transgénérationnel)
-La pureté (selon le Tao)
-Les qualités
-La quête !
-Qui êtes-vous ?
-Un recadrage
-Relation d'aide
-La relaxation
-L'art de la rencontre
-La Resonance
-La respiration
-Le Réussite
-Ressenti
-Secret de la réussite ?
-Le rêve
-Comment interpréter les rêves ?
-Comment partager ses rêves
-Comment se souvenir de nos rêves
-Revenez sur vous-même
-Vous mettre en route
-Les rythmes biologiques
-Seuls ensemble
-Sexe et Immunologie
-Une sexualité harmonieuse

-Le sens des signes négatifs
-Les sociétés closes
-Le Soi
-La Soif du Divin
-Des solutions déjà essayées
-Souffrance inévitable
-Spiritualité
-La stratégie du dauphin
-Un stress Paralysant
-La Symbolique
-La Synchronicité
-Systémique
-Pouvoir gérer son temps
-Il y a un temps pour tout
-La tendresse
-L'art de dénouer les Tensions
-Test énergétique
-Tigre de papier
-Tir à l'arc zen
-Le paradoxe du Too Much
-Tout est possible
-Transformer sa vie
-Nos valeurs
-Se noyer dans un verre d'eau
-La vie est belle !
-Une vie réussie
-Visualiser

-Visualiser votre but accompli
-Sa Voix intérieure
-Le beau voyage
-Watzlawick Paul
-Wu weï
-Yi Jing (classique des changements)
-Le Yoga
-Le Zen
-Le Zodiaque

-

-Annexe
-Conseils de lecture
-Quelques Brouillons

Les Versets de l'Initié

Du Livre de l'Homme

Mythologie de l'origine du Conflit
Personne : J'ai un problème. J'ai écrit un livre pour commencer mon combat
contre le Conflit, mais je ne parviens pas à faire une préface qui me
satisfasse. J'ai beau écrire sans cesse, cela ne me plait jamais totalement.
Quelqu'un : Quand on ne peut plus tenir un petit objet dans la main sans le
faire tournoyer entre ses doigts, c'est que l'on fait trop d'art martiaux. Te
souviens-tu du jour où tu m'as dit cela ?
Personne : Oui bien sûr...Mais c'était juste une vanne hein...
Quelqu'un : Cela devrait faire une bonne préface...
Personne : Une amie m'a dit un jour, "la femme tombe amoureuse de ce
qu'elle entend, et l'homme de ce qu'il voit". Si je te suis, ça fera une aussi
bonne préface.
Quelqu'un : En effet. Maintenant c'est bon, tu peux y aller ! Alors monsieur
Personne, dis-nous comment s'arrête le Conflit. Quelque chose à ajouter
avant ?
Personne : Oui, par rapport à ce que m'a dit cette amie. C'est pour ça que
l'homme ment et que la femme se maquille. Parce qu'ils se veulent
mutuellement... Et quand on y pense, c'est franchement con non ?...

Quelqu'un : Autre chose ?...
Personne : Bonne chance, et merci. Et toi, une question ?
Quelqu'un : Oui, pourquoi Personne ?
Personne : Parce qu'il me paraît difficile d'entrer en conflit avec Personne...
Quelqu'un : Mais avant, aussi ! Quel est le but ?
Personne : Tu sais ce que serait un bon roi ? Un homme qui tire vers lui ce
qu'il y a en bas. Sa "bulle", elle aurait la dimension de son âme. Ce livre, c'est
les règles d'un jeu, tout bêtement. La vie ? Non ! Trop facile, ou plutôt, trop
ennuyeux.. Non, comment être un bon Dieu, voilà un jeu bien difficile, et
pourtant tellement plaisant. La première tâche, c'est simple, comprendre les
règles. J'en ai déjà trouvé pas mal ! Maintenant, j'ai besoin d'aide. Alors que
personne, ou tout le monde, ce qui dans le fond revient au même, y ajoute
ses propres et nouvelles découvertes sur ces règles. Maintenant, jouons ! Qui
va gagner ?
-Quelqu'un : Mais tu joues avec qui ?
-Personne : Bah ! Avec quelqu'un !
-Quelqu'un : Ou tout le monde ?
-Personne : Voilà...

PARTIE 1
Koan
Synthèse d'une âme
Tous les romans sont sujets à l'interprétation. Tous les sentiments, tout ce qu'il y a

d'abstrait. C'est pour cela qu'ici, dans cette première partie, il y aura toujours plus
de réponses que de questions.
Personne.
Enfonce-toi dans le méandre du sans règle. Là où le temps et la matière n'ont plus
d'emprise. Là où rien n'est impossible, et qui, pourtant, te semble si réel que tu te
sentes capable d'y croire un instant. Cet endroit, nous le connaissons tous. Cet
endroit. C'est le rêve. Mais qui rêve ? Quel est ce rêve... Décrire un rêve... Là où on
ne sait plus si les mots sont faux ou vrais. Là où l'absurde et le chaos font loi. Une
fois que vous aurez traversé cela, votre psyché n'aura plus de barrières.

"Ne te plains pas de l'obscurité. Deviens une petite lumière."
Li Van Pho (philosophe chinois du III ème siècle)

"Un être humain fait partie d'un tout que nous appelons : "L'univers" ; il demeure
limité dans le temps et l'espace. Il fait l'expérience de son être, de ses pensées et de
ses sensations comme étant séparé du reste, une sorte d'illusion d'optique de sa
conscience. Cette illusion est pour nous une prison, nous restreignant à nos désirs
personnels et à une affection réservée à nos proches. Notre tâche est de nous libérer
de cette prison en élargissant le cercle de notre compassion afin qu'il embrasse tous
les êtres vivants et la nature entière dans sa splendeur."
Albert Einstein

La "sacralité" du mot ? Le mot... Quel objet étrange. On ne le touche jamais. Mais on
l'emploie tous les jours. Pourquoi considérer le mot sacré ? Si une personne peut
répondre à cette question, je changerais mon opinion. Qu'est-ce qui n'est pas mot ?
Personne.

À chacun de ceux qui te disent ", tu n'es pas parfait", il est bien aisé de répondre par
cette simple vérité ; "C'est bien pour cela que nous sommes égaux"
Personne.

L'indifférence donne un faux air de supériorité. Un mépris calculé. On ne peut et ne
devrait y répondre que par un sourire, de l'indolence. Pour déculpabiliser le pauvre,
qui nous l'impose. Ce pauvre, qui n'a pas conscience de sa duplicité.
Personne.

Mot. Outil si passionné. Lui qui guérit et détruit. Pénètre jusqu’en l’âme de son
étrange pouvoir. C’est en te couchant sur le papier, Mot, que je fais de toi une
réalité. Mot, si comme je le crois, le son est au cœur et le papier à l’esprit. Permetmoi d’écrire avec cœur, que celui qui liera mon serment ne se découvre plus de
peur. Que ce passage éternel de moi vienne à souffler la noblesse, pour principe de
vie et chemin d’allégresses.
Personne.

La qualité est une assimilation de la quantité. À quoi bon écrire trois mille pages
pour un message qui tiendrait en trois cents pages, si ce n'est se présenter comme
un travailleur qui se glorifie de farder son œuvre ?
Personne.

Il n'y est pas de message qui ne cache une vérité derrière une autre vérité. C'est
cela, la réelle complexité du langage humain.
Personne.

L'oisiveté est l'ennemi par définition des grands projets.
Personne.

Mot savant. Mot d'ornement. Le sentiment passe et crève comme un abcès que l'on
aurait percés pour purifier les apparats de l'intellectualité. Je plaide sournoisement
contre le Conflit, dans la faveur, honnête et sincère de l'Homme. Que l'on me juge
pour ma résolution utopiste. Je préfère me noyer dans le pus de la simplicité

accessible et profonde, que dans la fange de la complexité inaccessible et vide. Le
sentiment et l'émotion seront toujours plus de preuves de ses convictions, que tous
les bons mots employés par quelques dizaines de savants qu'ils seront seuls à
comprendre.
Personne.

"C'est un roman. C'est un serment. C'est une théorie. C'est une inspiration. C'est une
idée. C'est une conviction. C'est une âme. C'est un cri et un appel. C'est une vision de
la justice. C'est un plaidoyer. C'est un jugement. Les Versets de l'Initié. C'est le
commandement d'un homme à lui-même. Qui encourage les hommes à découvrir
qui ils sont eux-mêmes. Avec l'élan chevaleresque, comme expression de la plus
digne et noble des aspirations. Pour combattre un effondrement, quel que soit, son
nom."

Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
Un homme entre dans un lieu. Il y fait le plus sombre qui soit. Il ne se sent pas. Il ne
se voit pas. Il avance, mais ne marche pas, ne court pas et ne rampe pas. Dans sa
main, il tient un livre. Deux voix s'annoncent ensuite, elles parlent enfin, entre elles,
en avançant, ces entités de maintenant.
-Comment dois-je te nommer ?
-Tu me nommeras comme tu le souhaites après notre rencontre.
-Où suis-je ?
-Dans le noir.
-Non mais dans le noir où ça ?
-Sur quoi marches-tu ?
-Je ne marche pas. Mais je sens que j'avance dans quelque chose.
-Est-ce dur ?

-Non.
-Comment est-ce alors ?
-C'est doux, j'ai l'impression d'être dans un courant d'eau, sauf qu'il n'y a pas d'eau...
-Peux-tu te toucher ?
-Non. Pourtant je me sens là. Mais je ne peux pas me toucher.
-Maintenant, dis-moi, où es-tu ?
-J'ai peur de répondre. Bêtement dans un courant noir ?
-Entends-tu ?
-Je sens le son me percer, mais je ne l'entends pas.
-Peux-tu aller en arrière ?
-Je peux. Mais c'est épuisant. Je suis entraîné vers l'avant.
-Pourtant, ne vois-tu pas la pointe blanche au bout derrière toi, elle ne t'attire pas ?
-Si, mais je préfère me laisser porter par le courant noir.
-Sais-tu pourquoi tu es ici ?
-Pour te parler.
-Me parler de quoi ?
-Du conflit. Je désire en trouver l'origine.
-Alors ne peux-tu m'appeler Conflit ? Car c'est sur moi que tu es tombé si tu
cherchais le conflit.
-Je t'appellerai donc Conflit. Puisque tu le dis.
-Et maintenant ?
-Dis-moi qui tu es.
-Alors, dis-moi qui tu es toi.
-Commence par me dire où tu es né.
-Je suis né ici.
-Je suis né ici moi aussi.
-Mensonge !

-Si je mens, toi aussi.
-Alors raconte-moi ta vie pour le prouver !
-Pendant que j'entendrai la tienne.
Soudain. Une voix féminine. Tempérance et innocence. Opposée aux voix du
paternel, l'agressif et dominant. Et du fils, l'impassible et habile.
-Et quand l'un manquera, je comblerai de la mienne.
-Pour l'Homme. Au début, la famille. Dans une famille et le père dominait. Le fils
succédait. La mère aplanissait. Mais un jour le fils voulut tuer le père. Ainsi naquit le
conflit.
-N'aurait-ce pu être deux frères ? Deux femmes ? Deux enfants ?
-Cela revient à deux parents.
-Pourquoi la famille ?
-Parce que la famille est le premier lien. Malgré tout, les familles se consolidèrent.
Formèrent les clans. C'est le second âge du conflit.
-Le conflit naquit avec l'Homme ?
-C'est le moment où il a imprégné l'Homme. Aurait-il pu naître sans que tu le vives,
ce conflit ? Du moins pour les hommes.
-Une déification du mot... Je dis que le conflit naquit de deux Hommes. C'est la seule
chose dont je peux être sûr. Du moins, pour les hommes.
-Et pour quelle raison ce conflit ?
-Pour un désir.
-Et pourquoi des hommes ?
-Parce que cela touche l'Homme.
-Et pourquoi pas les femmes ?
-L'Homme, contient également la femme. Sinon, il perd son grand H.
-Et pour quel désir.
-Un désir pour lequel ils joueraient leur vie.

-Nomme-moi ce désir.
-Une pulsion.
-Créée par quoi ?
-Le désir.
-Après la famille, les clans se sont battus entre eux. Mais les plus forts ont uni et ont
formé les nations. C'est le troisième âge du conflit.
-Les plus forts, ne sont pas les plus forts, parce qu'ils ne valent rien si l'on ne peut les
comparer à des faibles.
-Ils peuvent se comparer entre forts.
-Mais dans ce cas cela enfante des faibles.
-Alors c'est bien que les forts existent.
-Un seul fort pourrait exister, et il serait au-dessus de tout, il serait un "toutpuissant". Mais dans ce cas, pourrait-il se vaincre lui-même ? Pourrait-il créer une
pierre qu'il ne pourrait pas soulever ? Pourrait-il créer un plus fort que lui ? Car s'il
ne peut cela, c'est qu'il n'est pas le plus fort, mais s'il le peut aussi, il n'est pas le plus
fort non plus, parce qu'il passerait ainsi de fort à faible.
-Alors qui a uni les clans, si les forts ne sont pas forts ?
-Les clans se sont unis. Cela se compose de chacun des membres des clans. Ils
devaient l'accepter pour s'unir, d'une façon ou d'une autre. Sinon le libre arbitre
n'existe pas.
-Pourquoi penses-tu l'avoir, le libre arbitre ?
-Parce que c'est moi qui décide de la vitesse à laquelle je vais.
-En quoi cela influe sur le libre arbitre ?
-À par exemple, ne pas être pressé par le temps.
-Tu prétends maîtriser le temps ?
-Je prétends être insoumis au temps. Son emprise est indéfectible. Mais sa
domination résulte dans chaque instant, comme un choix qui déterminera le
suivant. Aussi je m'y emploie à prévoir ce qu'il sera le plus juste de laisser derrière
moi en passant dans le temps.
-Pourquoi fais-tu cela ?
-Pour éclairer derrière moi ici par exemple.

-Toi, maintenant que peux-tu me raconter ?
-Il te faut avant me nommer.
-Que tiens-tu dans ta main ?
-Un livre chevaleresque.

Alors Ô chevalier, raconte-moi comment combler le vide.
Épouser le rythme des saisons, de leur journée, c’est accepter parfois un profond
ennui. Ce sont les moments seuls, perdu en soi. Le temps à l’air doux, tout est calme
et paisible. Pourtant, une tension aux épaules ne tombe jamais. Les yeux sont à demi
fermés. Par un cœur frappé de plaies qui ne trouvent pas de baume pour se
refermer. C’est l’acceptation de tout. La dernière étape du deuil. En ces moments,
tout charisme que l’on croit posséder fond au soleil. Mais, qui ne connaît pas l’âme
ne saurait percevoir les maux d’un homme refermé.
En passant sous l’ombre des bâtisses marchandes du village, je n’aspirais qu’à un
peu de solitude. Besoin d’être seul pour ne pas avoir à expliquer pourquoi j’avais
envie d’être seul. Ainsi, tout le paradoxe se formait. Pas un sourire, et une démarche
lente. Je ne regardais même pas les passants et les habitants que je croisais. Eux, ne
me ne regardaient pas non plus. Qu’étais-je sans l’attirail ? Sans ma suite pour me
servir. Un homme comme tout autre, qui perdait même de sa splendeur. Il n’y a que
dans les romans que celui qui souffre est attirant. Le visage de marbre, les yeux sans
cesse en état de douleur, l’indolence du corps dans une aura perdue on ne savait où.
Tout cela en réalité ne faisait que repousser tout être qui voudrait ne serait-ce qu’un
instant s’approcher. Pourquoi vouloir percer la muraille d’un homme qui n’en
éprouvait pas le besoin ? De mémoire, loin remontait le temps où je jouissais de
tendre et d’amour.
Ainsi, un homme sans amour devient une coquille vide. Sa puissance naissant
paradoxalement de ce vide. Insaisissable, impénétrable. Intouchable.
La fatigue déteignait chaque geste et chaque regard que je portais autour de moi,
tandis que je m’enfonçais dans les allées marchandes. À l’heure du soleil rayonnant
dans un hiver qui vivait ses derniers frissons. Le froid commençait à s’estomper en
cette fin de saison et les neiges avaient quasiment achevé de fondre. Le printemps
apparaissait donc. Mais pas nécessairement aux meilleurs auspices… Il me manquait

quelque chose. Quelque chose que je cherchais depuis toujours sans avoir
conscience de quoi. Aujourd’hui ne faisait pas défaut à cette idiotie. Sur une
passerelle de maison, à quelques mètres en avant, je découvrais une scène qui
captiva mon attention. Une petite fille pleurait ou presque devant les cadavres de
petits oiseaux tombés trop tôt de leur nid. Des petits malins s’étaient sans doute
amusés à les rendre encore plus laids en les « découpant ». Jeu d’enfant qui tire la
queue du lézard… Cette petite, cependant, ne trouvait pas le même amusement à
jouir de la mort d’un être.
-Ils ne souffrent plus, tu sais.
Elle se retournait vivement sur moi. Mais sans avoir l’air surprise. Le brouhaha du
village ne permettait pas de se plonger en soi si facilement. Nous nous fixâmes
quelques secondes. Et voilà qu’elle me sourit. J’ignorais complètement pourquoi… Je
ne lui rendis pas ce sourire. Le mensonge n’était pas mon adage et me forcer à
sourire, jamais je ne le faisais. Même si, dans le fond, ce regard innocent et
compatissant m’attendrit. Elle me répondit alors, sagement et d’une voix polie.
-C’est mon père qui les a tués. Leur cuis cuis l’énervaient.
-Tu étais là à ce moment ?
-Oui.
-Cela t’a choqué ?
-Non.
-Non ?
-Leur mère les avait abandonnés. Après que je les avais caressés. Je crois qu'ils
allaient mourir de toute façon...
-Elle a senti ton odeur dans le nid. Dès lors, les oisillons n’étaient plus les siens à ses
yeux.
-Je ne savais pas.
-Chaque chose a une place. Cela vaut pour les hommes comme les oiseaux.
-Les hommes ont des places ?
-Comme les oiseaux.

-Vous n’êtes pas d’ici vous.
-Je ne suis de nulle part.
-Vous êtes venu pourquoi ?
-J’ai besoin d’un marchand bien fourni. Pour nourrir mes gens.
-Au bout de l’allée sur votre gauche, il y en a un.
-Merci.
J’allais me retourner, mais elle m’interpella de nouveau. En levant la main
légèrement avec un « monsieur, attendez ». Je me tournais à nouveau vers elle,
mais pas complètement. Portant un regard d’angle et patient à cet instant. Elle me
saisit alors vivement la main, ce qui me fit me redresser sur moi-même, parcouru
d’un étrange frisson. Elle me sourit de nouveau. Sincèrement et innocemment.
Abaissant le visage, je me demandais ce qu’elle faisait. Heureusement, elle rompue
le silence avant moi.
-Ça va aller, monsieur, vous savez.
-Qui a dit que j’allais mal ?
-Vos yeux.
Je ne pleurais pas. Je ne souriais pas. Je ne fus pas plus triste que j’en avais déjà l’air,
mais mes yeux scintillèrent. Une luminescence due à quelques flots contenus et sans
doute aussi d’instinct conservateur. Elle n’avait rien et me donnait... elle. Pourquoi
des gens si purs étaient-ils tout ce qu’il y avait de capable de sonder l’âme ? Alors
que tant d’autres, à qui l’on donnait tout, étaient incapables d’en décrypter les
nuances…
Je ne savais que répondre. Mais je pressais sa main dans la mienne. C’est elle, qui,
sans doute, voyant que je ne savais pas comment réagir face à cela continua.
-Mon père dit que le temps fait tout.
-C’est un homme sage sans doute.
-Oui.
-Je dois partir. Avant que le marchand ne ferme.

-Ou que vous ne sachiez plus quoi me répondre ?
Silence à nouveau. Un ange ou un démon ? Difficile à dire. Frappant mon être de
part en part, j’aurais saigné de tout mon corps si l’âme savait s’exprimer par le sang.
Être fort exigeait les sacrifices qui incombaient. Le premier était d’accepter la
solitude. Que ce que vous aimiez ne soit à vos côtés. Que vous ne possédiez rien
d’autre que votre foi. Si personne ne pouvait pénétrer mon cœur, c’est que je savais
que ce choix incombait aussi de souffrir plus encore que maintenant. Et cela, je
m'étais résigné à le permettre. Je me défaisais de la main de la petite fille.
Passablement. Puis me retournant, je reprenais ma marche en lui répondant de dos.
-Merci.
Ce que j’allais faire chez le marchand n’était plus seulement de commander des
vivres pour le camp. Mais d’acheter quelques oiseaux. Curieux, je l’admets de ma
part. Mais quelque chose me disait que je lui devais cette dette. Je comptais bien la
rembourser. Après tout, combler un peu le vide, ce n'était pas si déplaisant que cela.

Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
-C'est une histoire de ta vie ?
-Si je te le dis, tu penseras que oui ?
-Pas vraiment.
-Tous ces mots sont faux, tous ces mots sont aussi vrais pourtant.
-C'est impossible qu'ils soient les deux.
-Alors écoute cette histoire. Un jour où le soleil était pourtant beau, il m'était apparu
terriblement sombre au point qu'en je pensais ne jamais retrouver le rire. Je me suis
assis sur un banc, dans un parc où je me rendais petit. À ce moment, un enfant qui
n'avait pas plus de quatre ans jouait avec l'un de ces ballons de football en plastique.
Jaune, à carré noir. L'enfant vint vers moi avec son ballon dans les mains. Nous nous
regardâmes simplement un instant. Je peux dire, que cet instant ne portait pas le
moindre mensonge en lui, il était épuré de tout, pour ne garder que le plus sincère.

L'enfant me tendit alors son ballon de bon cœur... J'étais guéri. Et maintenant. Me
crois-tu ?
-Maintenant, je te crois. Mais pourquoi ? Mais comment ?
-Parce que les mots sont les reflets les uns des autres. Les rassemblant comme tu le
souhaites, tu peux faire entendre la même histoire, le même sens, la même
consistance. Sauf qu'au lieu de ne prendre que le réel, le substantiel, nous ajoutons
le goût, le raffinement, la parade, l'ornementation. C'est comme prendre une très
belle femme nue, et l'habiller des plus beaux vêtements. Elle sera toujours très belle.
Elle sera toujours elle. Mais nous l'aurons tout de même cachée sous le vêtement.
-Je ne vois pas le rapport avec le conflit et le comble du vide.
-Le conflit ne peut-il combler un vide si l'amour le peut aussi ? Telle que l'innocence
de l'enfant combla le vide de l'homme avec un amour innocent ?
-Pourquoi le pourraient-ils tous les deux ?
-Parce que l'un et l'autre sont un sentiment qui peut faire agir chacun
respectivement vers le positif ou le négatif. À toi de nous raconter une histoire.
-Quelle histoire veux-tu ?

Ô Conflit... Raconte-moi la justice.
-Je n’ai toujours pas de responsable pour le meurtre de la prostituée. Vous êtes
responsable de la discipline des hommes. Aussi j’ai décidé que tant qu’il ne sera pas
découvert. Vous subirez chacun une partie de la sentence qui lui est réservée. Maoji
s’en chargera.
Quelques regards fugaces et effrayés. Certains oubliaient facilement qu’ici,
mercenaire ou non. Il s’agissait d’un campement militaire. Une certaine rigueur
devait y régner, sans quoi nous ne serions plus que des brigands. Ce que je ne
pouvais certainement pas permettre. Il y avait une punition différente pour chaque
acte répréhensible. Je laissais tout loisir de l'appliquer à Maoji, qui y trouvait bien
plus d’inspiration que moi. Et le ciel savait bien quelle imagination il avait pour ces
choses-là. Si l’un d’eux se montrait réfractaire, les samouraïs pouvaient l’y obliger
sans mal. D’où leur présence. Autour de nous, tandis que les officiers se regardaient
en priant que l’un d’eux ait suffisamment de courage pour prendre sur lui et se

désigner lui-même, les hommes commençaient à observer autour. Chacun savait
que cela arriverait. Entre culpabilité et soulagement leur visage se tordait de crainte.
Ainsi, j’imposais une certaine autorité. Récompensant ce qui doit l’être et punissant
ce qui le doit aussi. Calme et ferme, j’insistais alors, car ne trouvant aucun écho à ma
demande.
-Et bien ?
Soudain. Un moine intervint. Il préféra prodiguer ses conseils en chargeant d'être
celui qui aurait de plus sages mesures. À vestige des temps anciens, les sages aux
barbes longues et blanches. Il prit la parole intelligemment, prudemment. Alors, je
tournais un regard bas sur ce grand homme et imposant, qui fit preuve d’autant de
délicatesse. Un regard de ma part mérité, quand je le désignais du doigt.
-Si tu connais la justice, fais-la donc.
Ordre ou conseil ? Le ton ne l’annonçait pas. Un visage surpris et apaisé sur les
officiers suivit. Les sévices de Maoji faisaient en effet pâlir d’effroi les hommes les
plus rugueux du camp. Mes proches, faciès marbré par la neutralité, firent
soudainement un grand sourire au vieillard. Telle l'estampe admirée dans les salles
d’été. Mais rien ne bougea si ce ne fut moi, qui me redressais sur les jambes. Je fis
un demi-tour sur lui, approchant au pas indolent le moine. Des suggestions, il en
possédait, mais des réponses, me les donnerait-il ?
-Peux-tu, toi, trouver l’assassin ?
Un officier s’esclaffa, pris de panique les mots lui échappèrent. Les autres se fixèrent
à lui du regard, stupéfait de son audace que Maoji appréciait d’une macabre
observation. Mais je ne me retournais pas. Car c’était là un effort bien inutile…
-Un officier ! Un officier est coupable !
-Voilà qui facilite la tâche. Si tu échoues vieil homme, c’est ma lame qui t’imposera
justice, autant à toi qu'à eux.

À la lueur du matin, dans la brise des derniers frissons de l’hiver. Le camp entendait
le rappel des règles les plus éminentes d’un campement militaire. Ho loin d’ici, à
l’Est et à l’Ouest, dormait un ennemi aguerri par neuf ans de guerre. Il n’était pas
concevable, d’imaginer vaincre un lion, si on lui opposait des brebis. Alors l’homme
du camp devait être droit, grand d’âme et de force, voué à la cause de la victoire
glorieuse, par le billet de l’argent ou de la foi. Certains devaient être employés à
juste escient de leur talent. Ceux-là, les officiers, et les "hauts" seraient les piliers de
la meute. Et de la discipline, je manquais un représentant. Celui-ci aux allures justes
donnerait peut-être justement la justesse à la justice de ce camp. C'est bien cela
qu'était la justice pour moi. La justice, c'était la justesse !

Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
-L'ancien pour justice... Pourquoi ?
-Pourquoi pas ?
-Pourquoi commencer par le "pas" ?
-N'est-il pas suggéré dans le livre que tu tiens en main que le début est "pas"?
-Parce que rien qui ne va pas ; c'est aussi bien que tout qui va...
-Alors quelle justice pour toi ?
-Quelle est la limite de la justice ?
-Tu ne peux infliger pire que la mort au corps d'un homme.
-Mais je peux infliger pire à son âme que la mort.
-Pour toi lequel est le plus précieux ?
-L'âme. Mais si je respecte l'âme. Je respecte aussi le corps. Si je respecte un livre. Je
respecte aussi sa couverture.
-Alors peux-tu tuer ?
-Tout le monde le peut.
-Mensonge !
-Il suffit de bouger les mains. Tout est arme si l'intention de l'Homme est "arme".
Tout homme, a la capacité de mourir pour quelque chose. Et celle de tuer pour une

autre. Sinon, toi-même, le Conflit, tu ne serais pas là, toi et moi ne nous parlerions
pas.
-Alors quelle justice pour toi.
-Je dis qu'un homme aux mains enchaînées ne vaut pas d'être tué. Parce que à ce
moment on ne tue plus un homme. Parce que à ce moment, en le tuant, on est plus
un homme. Il n'y a déjà plus rien à juger. Ce n'est qu'un animal que nous abattons. À
quoi bon donc...
-Alors comment les punirais-tu, si d'autres disent qu'ils doivent mourir.
-Je les soumettrai à une lutte perpétuelle pour leur survie toute leur vie. Jusqu'à ce
que les hommes jugent qu'ils auraient mérité d'être "dé-bannis."
-Bannis ?
-Le bannissement de la vie. Le paria désigné comme un criminel à vu de tous ne perd
pas son libre arbitre. Mais reconnu par certains ou tous comme méritant la mort,
alors il sera frappé de la mort avec plus de duretés que s'il ne l'avait vécu d'une
décapitation. À chacun de ses pas, il se rappellera ses fautes. À chacun de ses pas les
regards le suivront. À chacun de ses pas sa vie sera menacée. C'est bien pire que la
prison ou une exécution. Il n'aura pourtant pas perdu son libre arbitre, et n'aura
aucune chaîne que l'on puisse voir de ses yeux.
-Et qui donnerait la mort ?
-Celui qui accepterait lui-même la mort. Puisqu'il prendrait le risque de sa vie en
voulant donner la mort.
-C'est extrême comme pensée.
-Dès lors que tu crois fermement dans une pensée quelle qu'elle soit, elle devient
extrême. L'extrême n'est pas un "bout", c'est de croire envers et contre tout.
-Mensonge !
-N'est-il pas extrême de penser qu'une pensée est extrême ? Mais n'est-il pas encore
plus extrême de penser qu'il est extrême de penser qu'une pensée est extrême ? Et
ainsi de suite.
-Cette pensée n'est pas morale.
-Le conflit n'est-il pas moral aussi ?
-Bien sûr que non !
-Pourtant, je peux te voir. Je peux te connaître. Je peux te sentir. Je peux te créer. Je
peux t'apaiser. Je peux te modérer. Je peux agir sur toi et sans le demander, être

frappé de toi.
-Cela ne rend pas moral.
-La morale, c'est l'interdiction de certaines idées, si le conflit en est une interdite,
pourquoi elle existe toujours ? Cette idée.
-Saurais-tu me le dire ?
-Je peux te donner un contre-exemple de conflit. Pour le moment je ne peux rien de
plus.

Ô chevalier ! Raconte-moi le sexisme !
-Une femme ne devrait pas avoir le droit de tenir un Katana !
Le machisme du samouraï résonnait de la sorte en cette salle lugubre. Vexé d’avoir
vu une femme mener si rondement un combat, l’un des élèves s’esclaffait ainsi en
défiance de Gonza, mais surtout dans le sens d'une tradition fortement ancrée dans
notre culture. Le silence suivit. Chacun regardant et jaugeant la réaction de l’autre.
Gonza dans le fond de la pièce demeurait pour la minute, silencieux et le regard
perçant sur le bougre qui avait ainsi élevé la voix. La tête baissée, moi, je n’intervins
pas. Puis un autre, lui aussi avec virulence, fit tonner sa voix dans le dojo.
-La guerre n’exclut aucun sexe !
Aucun sexe en effet. Je redressais un regard abattu et las sur Gonza. Qui me
répondit d’un faciès au sourire à peine voilé. Je tournais ensuite le regard un bref
instant sur Yaeko, celle qui causait tant de trouble. Je lui offris le mieux que, je
pouvais durant ce petit moment. Un message de paix dans un œil vif et lumineux,
mais au regard perdu et intense. Puis retournant mon visage au vide, je me décidais
à intervenir. Sans élever le ton, il n’y avait aucune utilité à se laisser emporter ainsi
selon moi.
-La mort non plus.

-Comment !
Le premier à s’être élevé prit mal ma remarque. Gonza sur le moment ne fit
qu’apprécier le spectacle. S’en délectant aussi d’ailleurs. Je retournais après le
regard sur ce vif jeune homme. Le défi s’y ressentait aisément, mais je demeurais
calme et ne bougeais pas tandis que j’argumentais.
-La mort frappe hommes et femmes sans se soucier de leur nature. Alors pourquoi
seul l’homme pourrait donner la mort ? La mort est à tous et à personne. Si vous
croyez le contraire, si vous croyez que votre force vient uniquement de vos bras. Elle
mérite déjà plus sa place ici que vous, qui êtes bercé dans un traditionalisme bancal
et tribal.
Le samouraï se dressa subitement. Tirant sur les épaules et gonflant sa poitrine, il
me montrait ainsi le signe du défi. Je fixais immédiatement un regard pénétrant
dans le sien, sans répondre par la voix ou le geste à cette provocation. Gonza se leva
alors. Sa masse poussée hors du siège fit résonner lourdement le parquet dès qu’il y
déposa le pied.
-Nous ne sommes pas dans un marché. Nous sommes dans un dojo !
-Je demande un combat contre Fujiki !
Mon regard s’affaissa. Celui de Gonza s’illumina. Il voulait donc qu’une justice divine
tranche ce débat. Les femmes apportent bien des soucis aux hommes me suis-je dit
sur l’instant. Car d’elle, je n’avais plus cure. Mais de l'imbécillité du verbe, je ne
pouvais plus me contenter. Après une courte réflexion, je lançais mes yeux dans la
direction de Gonza. Penchant la tête sur le côté, telle preuve d’interrogations. Que
devais-je faire ?
-Il s’est montré arrogant. Tu le combattras. Mais il ne sera pas seul. Yaeko est
remise. Alors, elle ira du côté de celui qui juge inférieure une femme. Nous verrons
si elle sera un poids ou un gain dans son combat contre toi, Fujiki.
-Quoi !
-Mmmh ?

-….
Je ne saisissais pas l’intérêt de cela. Je me trouvais à devoir combattre celle de qui je
pris la défense ? Et lui à se battre à côté de celle qu’il avait descendue. Les ordres
étaient de toute façon les ordres. Je me saisissais fermement de mon böken et
tranquillement me plaçais au centre de la pièce. Pas encore en position, j’attendais
ainsi. Le visage vide. Puis quelque chose advint. Les portes coulissantes du Dojo
s’ouvrirent vivement, découvrant Iwamamoto Kögan derrière elles. Un silence suivit.
Tandis que chacun s’inclinait à sa vue, demeurant autant incliné à son passage. Il prit
alors place à côté de Gonza et une fois assis, nous pouvions enfin nous redresser. La
seule vue de cet homme inspirait les pires impressions décidément. C’est enfin qu’il
le dit.
-Mais continuez donc.

Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
-Quel est ce contre-exemple ? Je ne comprends pas...
-Le conflit a apporté un lien après une séparation.
-Tu renvoies donc le lien et la séparation au conflit.
-Se lier ou se séparer n'est-il pas un désir ?
-Tu renvoies donc le conflit au désir...
-Pourquoi lier la femme à l'homme dans l'histoire ?
-Parce que deux faibles ensembles peuvent égaler un fort. Un homme est toujours
plus fort avec une femme à côté.
-Ainsi, le fort n'est plus fort. L'union dans le conflit a égalisé les oppositions.
-Mais les deux personnes ne s'aimaient pas.
-Leurs forces n'en étaient pas moins efficaces séparément, alors additionnées, elles
valaient toujours plus qu'autant. Tu sembles croire que Gonza voulait aider celui qui
était sexiste. Alors qu'il venait de donner la victoire à Fujiki. Jamais Yaeko n'aurait
voulu faire de mal à l'homme qui croyait en elle. La mettre du côté du sexiste était

encore plus efficace que la mettre à côté de Fujiki. Ce n'était pas parce qu'ils
n'étaient pas ensemble, qu'ils n'étaient pas liés dans leur combat.
-Tu additionnes les forces ?
-Nous additionnons bien les chiffres. Ne dit-on pas que 2 est plus haut que 1 ? Mais
deux 1 valent aussi 2. Pourtant 1, reste toujours 1 dans l'addition.
-Ainsi, il est toujours plus avantageux de s'allier. Mais si l'on décide de s'allier au plus
gros chiffre ?
-Les chiffres n'ont pas de limites. Alors, nous pouvons surenchérir à l'infini, et je
resterais toujours gagnant, car mille 1, tous unis, vaudraient toujours autant que
1000, et si 1000 s'alliaient à 10000, alors je lui opposerais onze mille 1.
-Dans ton livre, tu dis que le début et la fin sont la même chose. Mais dans les
chiffres, il y a un début, il s'appelle 1. Pourtant, il n'y a pas de fin.
-Parce qu'à chaque fois que tu comptes plus de 10... Tu ne fais que recommencer.
-Mensonge !
-10-11-12-13-14-15-16-17-18-19-20-21-22-23... et...
0-1-2-3-4-5-6-7-8-9-0-1-2-3... N'oublie pas que le vrai début est 0... Mais 0, quel est-il
si ce n'est le vide ? Si ce n'est "rien" ? M'enfin...
-Alors n'est-il pas sexiste et donc conflictuel de situer la femme dans le faible ?
-Je ne me rappelle avoir dit qu'elle était faible. Car avec un homme aussi faible
qu'elle, elle égale l'Homme. Mais que je prenne trois hommes, et le conflit sur le
sexisme n'aurait pas été entendu et nous serions pourtant rendus à la même
équation. Deux faibles pour que le fort soit égal au fort. Ainsi, que l'on utilise trois
hommes, ou deux femmes et un homme. C'est toujours le même point final. Le
sexisme serait donc une idiotie pure et simple par la démonstration de cette simple
idée.
-Il y aura donc toujours une union et une séparation ?
-Il y en a toujours eu une. Et tant qu'il y aura ta présence. Cela continuera.
-Tu veux donc me tuer ?
-Si je te tuais, je devrais nier l'existence de la mort. Alors qu'elle est accompagnée
d'un conflit intérieur que l'on nomme le deuil. Et cela, je ne peux le nier.
-Alors comment faut-il m'arrêter ?
-En te bannissant.

-Et comment comptes-tu faire cela ?
-En le signant dans le temps.
-Mensonge !
-Si le temps était une page, l'Homme y serait un mot. Sa vie, un texte. Son instant,
une phrase. Quand l'un frappe d'une lame la vie d'un homme, il en signe le texte,
figeant une histoire dans la page du temps. Si je signe une idée dans une page, ce
temps, elle le traversera, je mettrai à mal la mortalité. Et à terme. Tu tomberas.
Parce que de plus en plus y croiront. C'est ainsi que l'idée se transmet. C'est ainsi
que l'on fige le temps.
-Tu n'aurais pas assez d'une vie à accomplir cela.
-Mais je peux laisser écrire ce livre plus loin que ma vie pour le faire. Et ces mots
traverseront ma vie. Mes mots, seront le prolongement de ma vie.
-Mensonge !
-Bientôt, tu le verras.
-Comment un livre peut-il battre un mot ?
-De la même façon qu'un texte détruit une idée. N'as-tu jamais lu "J'accuse" ?
-C'est celui de ta main, ce livre ?
-Ce livre est tout rempli de vide. Il est aussi rempli de tout. Rien et tout sont de toute
façon deux mêmes quantités.
-Mensonge !
-Si tu le souhaites...

Ô chevalier, raconte-moi un voyage vers le vide !
Le temps est effacé, sombre et lumineux, parsemé d'une affluente notion d'infinité.
J'y suis, enfant au ventre de sa mère, parcouru par la vie, parcouru par la mort. Sans
emprise sur le matériel, sans emprise sur l’irréel, de là, entre ciel et terre, entre le
haut et le bas, je suis au centre de l'opposition, au centre de la vie. À l'origine. Entre
le tout et le rien...
Ma conscience est élevée, mon corps est sans forme et tout mon être est envahi par

le flot des certitudes. Il est pourtant avec moi, une créature qui n'oublia pas sa
condition. Le démon des tréfonds ne dort pas... Il anime sa patience... Il me l'a
promis, nous allions sortir. Nous allions vivre. Renaître... Et si je ne vois rien, je le
sens, et si je n'entends rien, je le comprends... L'heure arrive... Tous deux silencieux.
Patientant dans la vertu et la sympathie, nous le sentons venir. Le monde... Nous la
sentons venir. La vie... Le néant s'agite, il prend des nuances amorphes, il s'élève et
se distord. Nos âmes elles aussi semblent le suivre, l'appeler de leur vœux toutpuissants. Et si nous ne pouvions sourire, nos joies transcendaient déjà l'humeur du
voyage qui nous attendait...
D'une conscience à l'autre, nous communiquions un instant, fort de cet
apprentissage forgé par les années. Fort de nos connaissances partagées. Fort de
cette amitié entre incompris des hommes et du monde. À la fois un et deux, à la fois
rien et tout... Nos consciences résonnèrent ainsi... Une voix grave, profonde et
suave, contre une voix grave, profonde et fière... Deux années entendues à
s'apprécier, à s'expliquer, à s'entendre sur le bon et le mauvais, sur le faux et le vrai
et sur le triste et l'heureux. Sur la terre des oiseaux. Pays de la liberté, le pays de
notre rencontre... C'est là même au milieu de la terre embrasée par les flammes
d'un combat entre démons que renaissait le chaos dans sa plus glorieuse
représentation...
-Cela commence....
-Oui...
En dehors, l'air est chaud, le vent soufflant, l'eau agitée, la terre frétillante... Le
monde sent... le monde appelle... il s'éclaire soudainement. C'est le retour, et le
commencement...
Voilà alors, dans l'état pur de la synergie émotionnelle. Que tout ce qui vit
comprend... Les oiseaux s'envolent, ils fuient le lieu, les cerfs et les bêtes courent au
loin, gardant la distance sécurisante pour le spectacle. De tout ce qui vit s'envole
maintenant la vie... Sans tuer, sans dérober, car cette vie n'est pas le souffle, mais
l'essence. Elle est visible. Les plantes et les bêtes sentent la chaleur apaisante,
l'union symbolique des éléments. Ce qui peut, par l'idée et la volonté même, passer
de l'illusion au réel... C'est entre la terre et le ciel que cette essence se rassemble.
Des particules scintillantes et chatoyantes pour seule représentation visuelle. Le
démon m'avait prévenu, ce serait douloureux... Car, pauvres mortels que nous
étions, aspirés du vide vers le monde, nous ne pouvions voir le vent s’engouffrer audessus du sol pour y assembler les éléments primordiaux de la création... Ce n'était
pas un passage. Ni un portail lumineux, ou une colonne de lumière... C'était la

matière à son état le plus pur. Unis par les éléments dans sa plus stricte neutralité...
Une matière informe et impropre à la description des mots. Frisant le divin tant elle
fut absoute de tout juron pour la qualifier. Voici ce qu'était le pont des Dieux, le
pont entre l'illusion et le réel... C'est ainsi, que s'ouvrit enfin, le terrible et l'interdit...
Takama-Ga-Hara...
Enfin, les particules prenaient forme. La forme de mon compagnon d'infortune...
mais elles éprouvaient des difficultés à le faire renaître, son visage commençait à
peine à apparaître, restructuré en ses coins par une luminescence aveuglante. Et ce
hurlement, glacial, bestial, tellement... puissant...
Les yeux fermés, il luttait pour aider le tout à le rapporter du rien... C'est alors une
explosion de lumières, le démon, réapparaît enfin, dans les larmes et le désespoir...
Dans la colère et la joie. Sa surprise n'était que pure supposition. Car ce jour, il
l'attendait, il l'avait prédit... Mais la lumière continuait son œuvre. Son corps
immense, peu à peu reformé, autour de lui, le vent, l'eau, la terre et le feu sont
maintenant emprisonnés par une foudre surgissant du néant. Les éclairs jaillissant
de part et d'autre sans que l'on puisse en déceler le cheminement... Enfin, aux pieds
de la bête glorieuse, renaît le dernier homme... La chevelure noire envolée et
balancée au gré des bourrasques, pourtant, si de lui, le corps apparut complet dans
l'explosion de lumières, il est inerte... Couché à plat ventre sur le sol entre les pattes
avant du démon... Soudain, son buste se soulève jusqu'à ce qu'il se redresse sur ses
genoux en préservant ses bras ballants... Un battement de cœur, unique, puissant,
telle la vie qui lui reprend le corps et l'investit... La douleur est horrible, la poitrine
semble si gonflée qu'elle est proche de l'explosion. Les poumons soudains remplis
d'air l'empêchent même de crier sa douleur. Ce n'est qu'un son macabre, étouffé,
mais symbole de sa renaissance pourtant... Cet être, c'est moi... Je sens l'oxygène
dans mon corps qui le nourrit. La vie qui me reprend, mon âme qui s'en est
emparée...
Je le sens, je suis à genoux, mes yeux fermés, j'abaisse mon visage sur mes mains
aux doigts écartés que je gigote un peu. Alors, je saisis que je ne rêve pas... Je me
vois, je suis là... Mon visage est triste... Doux, délicat... Empreint d'une honteuse
innocence et d'une improbable nostalgie. Ma tête tombe alors sur le côté, comme
un daim aux aguets. Et relevant le regard, je vois que la pluie commence à tomber.
Elle va masquer mes larmes... Celle de mon âme, car de mes yeux nulle larme ne
pourrait en réalité couler... Ma voix se fait finalement entendre... Le démon baisse
sa tête sur moi. Son museau est presque à me toucher. Nous ne pouvions désormais
que nous sourire un bref instant avant que la pluie ne frappe. Juste avant que mon
timbre passionné retentisse. Mais je restais malgré tout immobile. Choqué par
l'épreuve...

-C'est pour nous que tu pleures ?
-Peut-être pas...
-Je vois les gouttes... Leur chaleur... Cela faisait si longtemps... Le vide était si froid...
-Es-tu heureux ?
-Oui, je le suis...
-Vas-tu te relever ?
-Je le dois...

Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
-Revenir du vide n'est pas un voyage vers le vide.
-Il aura pourtant bien fallu y aller avant d'y revenir. La route sera aussi exactement la
même... Donc en revenant du vide. Je prouve autant que je suis allé vers le vide. Je
décris la même route dans l'inverse du chemin vers le vide. Quand tu te regardes
dans un miroir. Tu te vois inversé, mais n'est-ce pas pourtant toi que tu vois ?
Devant ou derrière, en fait, c'est la même chose.
-Qui est le démon ?
-Une part de toi.
-Une part de nous, donc.
-Une part de vous.
-Un mot n'a de toute façon pas ce pouvoir. Il ne vit pas. Tout cela est inutile. Tu ne
vaincras pas le Conflit avec un mot.
-Connais-tu l'abîme du mot ?
-Non.
-Si l'on recherche la consistance, la substance du mot. Sur quoi tombe-t-on ? Un mot
amène une définition, elle-même composée de mots, eux-mêmes composés d'une
définition, elle-même composée de mots et ainsi de suite jusqu'à ad vitam
aeternam. C'est ce que j'appelle l'abîme du mot. Chercher le fond du mot, c'est ne

jamais en trouver la fin. Un mot, c'est la représentation d'une idée, d'une pensée,
d'un objet. C'est le "nom" qui permet d'identifier ceux-ci. Cependant, le mot
"amour" par exemple peut représenter à la fois une profonde amitié, l'amour d'un
fils à sa mère, l'amour entre un homme et une femme et ainsi de suite. Le jeu du
mot dont nous sommes capables montre également que la langue n'est pas "figée"
dans le temps. Elle évolue avec l'Homme. Notre Français d'aujourd'hui est une
version plus moderne d'un celtique latinisé et fusionné tant au germanique que
l'anglais. Les codes de l'orthographe, eux-mêmes changent. C'est ainsi qu'avec les
siècles le "ois" est devenu "ais"; "François" (vieux français), "français". Les
encyclopédistes qui reniaient en majorité l'existence de Dieu considéraient tout de
même que le mot avait une âme parce que justement, comme pour l'âme, on ne
trouve jamais le fond d'un mot. C'est un "abîme" sans fin. N'oublions pas cette
maxime biblique "au début était le verbe". N'est-ce pas cela qu'elle voulait dire
finalement ?
-Tu compares l'âme du mot à l'âme d'un homme ?
-l'âme du mot naît de l'homme. Si l'homme n'existait pas. Le mot n'existerait pas
non plus. Comme les chiffres d'ailleurs.
-Mensonge !
-Pourtant, le seul moment où je peux rendre un mot tangible, le voir et le toucher,
ce n'est que le moment où je le pose sur le papier. C'est la naissance par l'acte. Le
mouvement. Le début de la matière, le début de la vie.
-La matière n'est pas un mouvement.
-La question est, "est-ce que l'immobilisme" existe réellement ? Si non, la matière ne
serait-elle pas qu'un mouvement ? Par exemple, en ce moment même nous nous
lisons. Nous sommes immobiles devant notre support de lecture. Pourtant, nous
sommes sur une planète tournant sur elle-même, tournant également autour d'un
soleil tournant sur lui-même, qui tourne autour de la galaxie, elle-même tournant
autour de l'univers et ainsi de suite, c'est à donner le vertige... Nous ne sommes
donc jamais immobiles, membres d'une immense horlogerie infinie. Les quatre
forces connues
>La gravitation : la force qui s'exerce entre les planètes.
>L'électromagnétisme : force qui s'exerce entre particules chargées.
>L'interaction faible : force qui régit les atomes.
>L'interaction forte : force qui régit les particules à l'intérieur des noyaux atomiques.
Découverte par la science et régissant l'équilibre de la matière sont des vecteurs qui
permettent aux particules de "bouger" entre elles pour former ce que nous appelons

la matière, c'est en quelque sorte le début "de la vie". Le seul vieillissement dû au
temps modifie les cellules et donc les fait "bouger" en les "changeant" et c'est ainsi
que nous mourrons et disparaissons. Ainsi, rien n'est absolument figé dans le temps.
Le temps qui n'est jamais qu'un large mouvement en avant (vu qu'il ne recule
jamais) serait donc en réalité ce que nous considérons comme la matière. Et aiderait
à comprendre par quel procédé le temps comble le vide de "l'espace" (espace au
sens "volume" et pas univers). La seule unité qui compte, ce n'est pas le "1", ni
même le "A", c'est le temps. Accélère quelque chose à l'infini, et il finit par
disparaître.
-Alors en tuant quelqu'un, tu l'effaces du temps. Si tu m'effaces du temps, cela
revient à me tuer.
-Non. Je ne fais que le figer dans le temps. Car si je me souviens de quelqu'un, il
existe nécessairement encore. Si ce n'était le cas, tout ce que je penserais serait
susceptible d'être faux. Ainsi, cela reviendrait à dire que je vis dans le mensonge. Ce
que nous laissons de nous dans le temps après notre mort, dès ce retour vers le vide
et le néant, ce n'est jamais qu'un souvenir. Mais quelle grande importance il a, pour
ceux qui nous succéderont, ce souvenir...
-La mémoire ne redonne pas la vie.
-Elle n'est en fait que son extension virtuelle. Pas moins présente, puisqu'elle
influence le "suivant". L'enfant qui a connu le père, ne sera-t-il plus influencé par le
père, même après la mort du père ? Sa présence demeurera donc avec son influence
grâce à la mémoire qu'il laisse.
-Et quelle preuve de l'âme du mot en cela ?
-Les mots n'ont-ils pas le pouvoir de graver la mémoire ? Peut-être même, si l'on va
plus loin, de graver partiellement une vie, comme dans le cas d'une biographie.
-Tu ne pourras tout de même vaincre le conflit.
-Pourquoi ?
-Parce que le conflit empreint tout ce qui vit. Tu empêcherais donc les bêtes de se
dévorer ? Les hommes de se disputer ? Les couples de se séparer? Les nations de se
destituer ?
-Si je pouvais ne serait-ce que le faire croire aux hommes, qu'ils le peuvent, j'aurais
déjà gagné.
-Mais ils tueront toujours des bêtes. Le conflit continuera toujours.
-Il ne continuera pas toujours à chaque instant. Un homme peut parfois s'empêcher
de tuer un animal. Peut-on être beau à chaque instant ? Peut-on être sage à chaque

instant ? Peut-on être inspiré à chaque instant ? Non, et pourtant cela n'empêche
pas de le chercher. Uniquement parce qu'on le croit possible à chaque instant.

Ô chevalier ! Raconte-moi l'homme et l'animal !
Lumière et désespoir dans un monde en proie au malheur et au renouveau. La
guerre gronde, somnolente comme le serpent de mer qui fait le mort pour attirer sa
proie. Alors, tandis que les nations se préparent avec plus ou moins d'humilité à
affronter une nouvelle épreuve, les errants, eux, errent sans but justement... Seuls
et oubliés ? Non, plutôt ignorés. Peut-on blâmer le monde de n'avoir cure de gens
sans destin et sans valeur ?
Il apparaît évident que non, car telle est la nature de l'Homme. Je me trouve
aujourd'hui, à l'aube du printemps, dans une forêt orgueilleuse frappée par les
éclats d'un soleil téméraire. Je déambule comme un manant, croulant sous le poids
d'un passé tristement commun dans une époque si sombre. Je sais ce que je cherche
pourtant dans cette longue marche ténébreuse. Rompre la solitude. Le vagabondage
perd de son romantisme quand on comprend par le temps que le bonheur ne se vit
que partagé...
Cependant, l'humeur des hommes ne me convient guère, j'ai perdu la confiance que
je portais dans le monde il y a longtemps. Qui suis-je pour juger la valeur de mes
semblables pourtant ? Un anonyme parmi tant d'autres qui ne fait que creuser son
chemin dans le sillage du destin. Aussi, je préfère aujourd’hui et de loin la
compagnie de la faune et de la flore. Eux, aussi étonnant que cela puisse paraître, ne
connaissent pas le mensonge, ils ne connaissent pas tous ces dogmes qui
pervertissent la pensée... C'est pourquoi je m’empresse avec délectation de me faire
aimer de ces créatures si simples et si honorables. La loyauté d'un animal surpassera
toujours de tout point celle d'un homme.
Mais quel animal voudrait d'un errant sans honneur comme ami. Comme
compagnon d'armes et d'existence. Question tarabiscotée et plongeant dans
l'obstination la plus désorganisée qui soit. Car le choix est large et les possibilités
moindres. C'est donc lassé de marcher que je m'installais près d'un rocher, à la
fraîcheur de son ombre. Plongé dans une réflexion aussi absurde que fainéante. Mes
yeux s'élevèrent alors vers le soleil, éblouis de cet astre éternel et lumineux, puis

redirigeant ce regard au sol, j'aperçois une créature à l'apparence tellement
insignifiante. Un scorpion. Rampant devant moi avec arrogance. D'une petitesse
telle que l'on aurait toujours peine à croire la dangerosité qu'un animal de cet ordre
puisse posséder. Pour tromper le temps, par machination ou par simple instinct,
qu'en sais-je, je m'adressais à cet animal.
-Tu as l'air tellement faible... et pourtant si heureux...
Le scorpion s'arrêta net et me répondit à ma grande stupeur. J'en restais quelques
instants muets, puis sous la force de la curiosité lui répondais-je à mon tour sans
autre forme de politesses. Un humain et un scorpion conversant sous les lueurs d'un
zénith. Cette situation cocasse méritait de voler dans les adages de ma triste
existence. Me doutais-je alors, que de cette piteuse coopération de quelques
minutes, allait s'accomplir le pacte de ma vie. Évidemment, que non. Le destin est un
chemin sinueux, qui se cache tout au long du présent pour entrevoir ses projets
alors qu'il vire dans le passé...
-Et qu'en sais-tu, si je suis heureux hein ? Et encore plus si je suis faible ? Une seule
piqûre et ta vie s'arrête ici petit insolent !
-Par mon sabre, j'ignorais que de si petites créatures pouvaient s'arroger d'un si fort
caractère et d'une voix si affirmée...
-Par mon dard, j'ignorais qu'un humain puisse se targuer d'autan d'arrogances sans
avoir à craindre le retour du bâton !
-Tu te méprends petit être, je ne cherche pas la querelle, mais à tromper l'ennui, ne
vois-tu que je suis las, trop pour combattre ne serait-ce qu'un insecte...
-Je suis scorpion,... Pas un insecte. Apprend déjà à reconnaître les espèces qui
gouvernent ce monde si tu veux converser avec elles.
-Qui gouverne ce monde ? Si j'en avais la foi, je me mettrais à rire. N'est-ce pas
l'Homme qui gouverne cette terre aujourd'hui ?
-Et qui crois-tu que la défaite emporterait, si la nature se rebellait soudainement
contre l'insolence des hommes ?
-Les hommes sans aucun doute... Mais tu prêches un convaincu le sais-tu ? Je me
suis détourné de ma race il y a de ça bien longtemps. J'aspire à la simplicité des lois
que la terre offre à ses habitants désormais...
-Voilà des paroles qui pourraient amuser plus de la moitié des animaux du monde.

Un humain qui cherche à retrouver les racines de son existence. Crois-tu que les
animaux voudraient si facilement d'un humain comme compagnon parmi eux ?
-Je ne suis pas sans connaître la difficulté que serait de se faire accepter des vôtres.
Mais me vois-tu ici réellement ? Je suis sans ami, sans possession autre que ce que je
porte sur moi, avec la force d'un démon, l'âme d'un damné, la vision d'un ange et le
cœur d'un loup. Ne suis-je pas déjà plus proche de vous que tout autre humain qui
se targue d'être proche de la nature ?
-Voilà des mots sincères, bien qu'insuffisants, et moi aussi, dans ma sombre solitude,
j'aspirais à découvrir de nouveaux horizons avec un compagnon de fortune,
comment me convaincrais-tu de te rejoindre dans ton voyage sans but ?
Voilà, la question déterminante. Celle qui allait sans aucun doute me donner
l'occasion de ne plus avoir la solitude pour seule compagne. Ce scorpion étrange
m'ouvrit sans doute consciemment une porte pour que nous puissions partager plus
que de simples mots. Je me redressais sur mes talons et lui tendis mon doigt
machinalement. Il eut alors un effet de reculs, pressentant sans doute injustement
une tentative d'agression. Cependant, et heureusement, il comprit qu'il s'agissait là
de toute autre chose. Je m'adressais de nouveau à lui, avec dans l’intonation toute la
sincérité de mes convictions et de ma proposition.
-Je t'offrirai mon corps comme réceptacle. Que puis-je te donner de plus qui ait de la
valeur à tes yeux ? Ce doigt, tu peux le piquer, et si je meurs, c'est alors que cette
union n'était pas celle que je devais entrevoir.
-Voilà un humain qui passerait autant pour les miens que les siens comme fou. Une
seule piqûre et tu es certain de trépasser sans autre forme. Dans la douleur d'une
journée et dans l’anonymat le plus total.
-N'est-ce pas déjà folie que de croire en l'union par un pacte solennel entre deux
êtres si radicalement différents ? Je ne fais que suivre mon instinct, qu'il soit bon ou
mauvais, j'éprouverai plus de honte à mourir dans le regret que dans l’honneur de
mes convictions.
Le scorpion marqua un très lent temps d'arrêt. Sa petitesse m'empêchait de déceler
s'il s'agissait de me fixer et de réfléchir. Mais je ne m'en offusquai point. Je le laissais
décider. Il n'y avait alors ni mensonge ni peur dans mon regard. La simplicité de mon
geste étant, pour preuve, de mon approche de ce que pouvait être le monde naturel
à mes yeux. L'instant demeurait néanmoins très curieux. J'en avais oublié l'étrangeté
d'avoir conversé avec un scorpion... Puis enfin, il me répondit.

-Le hasard apporte bien souvent les plus importantes rencontres qui soient. Et tu
éveilles en moi la curiosité d'une vie autre que celle qui m'était dévolue. Nous
serons ensemble une sorte de tandem à mi-chemin entre les hommes et la nature.
Voilà qui peut être intéressant. Mais une piqûre de moi et tu meurs, cela ne change
rien à ce fait.
-Alors que me proposes-tu ? Toi dont j'ignore le nom.
-Cependant, j'y émets une condition.
-Dis-moi donc laquelle, et si je puis y convenir, tu auras mon accord.
-La piqûre que je te ferai ne te tuera pas. Mais le venin que je t'injecterai fera que tu
auras toujours besoin de moi pour vivre. En somme, tu me porteras sur ta peau, et
je serai sans cesse en train de t'injecter ce produit devenu nécessaire à ta vie. Tu ne
pourras donc plus te débarrasser de moi. Et moi, je me nourrirai de ton sang, de ton
âme. Ainsi, je serai alors dans le même cas. Par ce pacte de nos "moi" profonds,
nous serons à jamais liés, dans la vie du moins.
-Y gagnerai-je autre chose que ta compagnie ?
-Sans le moindre doute, mais pour le savoir, tu dois accepter avant tout.
-Alors pique ce doigt. Et devenons liés à jamais. J'accepte ta proposition.
C'est depuis ce jour incongru, que le petit scorpion vint se loger au niveau de ma
nuque, sans cesse accroché à elle, ses pinces et son dard plantés dans ma colonne
vertébrale. J'appris alors l'étendue de l'importance du pacte que j'avais conclu en
rencontrant nombre de ses semblables, de toutes tailles et de toutes choses. J'avais
désormais un compagnon en tout temps, avec qui je ne me lassais jamais de
converser. Sans compter les avantages que ce petit stratagème me conférait. De
cette union naquit comme un nouvel être. Moitié homme moitié bête, deux entités
qui en se liant n'en formaient plus qu'une seule.
Mais ce n'était point ces nouveaux attributs qui m'étaient le plus chers. C'était
l'amitié qui d'abord naissante devint telle que nous ne pouvions nous séparer l'un de
l'autre même si ce choix nous était offert. En parfaite entente, nous étions
étrangement liés comme deux frères que rien ne rapprochaient normalement... Oui,
de ce pacte, je gagnais le plus important, l'amitié qui a rompu ma solitude. Une
liaison sacrée, avec un monde que ma race avait abandonné.

Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
-Cette histoire est fausse !
-Un homme n'a-t-il pas dressé un chien ? Monté, un cheval ? Harnaché, un bœuf.
Conduis un troupeau de moutons ?
-Bien sûr !
-Alors l'histoire est vraie. Mais si j'enlevais la piqûre, tu ne comprendrais pas que ce
ne fut possible que par un sacrifice de l'un à l'autre. D'une liberté à l'autre. L'un sans
l'autre ne vivant plus. Ils se retrouvèrent obligés de s'aimer. N'est-ce pas par
nécessité aussi que l'Homme doit s'aimer ? Parce que seul, à quoi pourrait-il bien
arriver ? Et le poison. Surtout le poison. Pense au poison.
-Le Poison du scorpion le tuerait obligatoirement !
-Mon livre de te donnerait la réponse à cette affirmation.
-Alors sors-le !
-Pas encore, pas encore. À toi de me raconter une histoire.
-Toute histoire de la vie est un conflit.
-Je peux te prouver le contraire.

Ô chevalier ! Raconte-moi l'union !
J’avais perdu pied… Je n’étais à cet instant si particulier, plus maître de moi-même.
Tremblotant toujours. Comme un petit-enfant dans le noir. L’alcool, le remède du
malin, le remède maudit, j’allais m’en abreuver lâchement. Puis une lumière vint.
Une lumière appelée femme. Si belle. En un moment tant pure que saint, je
redécouvrais mon être aimée. Pleine de douceur désormais. Pleine de bonté.
Comme un soleil à l’heure de son aube qui supplanterait la pénombre. Me voici
donc, ignorant de mes sens, soumis à sa tutelle. Par ses gestes. Me sauva-t-elle de la
boisson machiavélique. Par ses mots. M’enivra-t-elle du bonheur. Les tremblements
cessèrent incessamment. Mes mains manipulées et mon corps s’accordèrent à sa
volonté sans protestation. Car il lui apparaissait, tant à lui, ce corps, qu’à mon cœur,

que le chemin de la plénitude se trouvait désormais dans le regard de cette femme
si précieuse à mon âme. Elle me bénissait avec silence. Par ce bien inestimable
qu’était l’union de son propre symbole et du bien. Tels des amants, elle nous liait à
jamais par l’ornement dont elle disposait. Puis, sans le dire, sans l’affirmer, avec une
subtilité pourvue de la plus édulcorée des féminités. Elle me le fit entendre. Sentir
jusqu’à la chair et jusqu’à l’os. La force de notre union.
Mon visage se dresse. Je sens ma peau échapper de mon contrôle. Une main dans
les cheveux. Un baiser sur le front. Le temps d’un frisson. Le temps de l’unisson. Nos
visages entremêlés, collés l’un à l’autre se trouvaient comme une seule entité.
L’accomplissement, un nouveau récipient pour accueillir notre découverte. Celle de
l’amour… Oui. L’amour… Curieuse sensation, entre le réel et l’irréel, entre le
palpable et l’intouchable, entre la folie et la conscience. Il me fallut alors tant de
force. Tant de difficultés pour parvenir à ouvrir mes lèvres. À lui exprimer ce que je
pouvais sans savoir d’avance ce qui en était réellement. Car dans mon âme
tourmentée, elle avait placé une lueur fébrile, mais si importante. Je n’avais rien à
lui offrir. Les mots ne suffisaient pas. Alors, je les accompagnais de gestes. Pas un, je
t’aime. Mais un murmure tellement plus intense. Sans crier, je parvins à exprimer
l’ardeur. Ma joue vint à caresser la sienne. Mes mains à parcourir son visage, sa
chevelure. Comme un aveugle qui découvrait le trait de sa femme. Un soudain ballet
dansant. Des lèvres entrent effectivement en danse. Sans folie. Sans précipitation.
Avec douceur et ardeur, les faciès accompagnant le plaisir d’un contact plus prude
qu’à l’apparence pourtant si trompeuse.
Son collier. À jamais, je le porterai. Il n’était plus un ornement. Car de ma faiblesse,
elle fit naître ma désormais plus grande force. Ce collier était de moi. Autant qu’il
était d’elle. Je ne pouvais plus l'enlever. Un membre incrusté à ma chair et ma
personne. Pour que jamais je n’oublie ce moment si inouï et impensable pour des
jeunes gens comme nous. Un nouveau murmure. Simple. Naturel. Sans ordre. Il
paraissait aussi évident que le matin qui se lèverait. "Viens" lui dis-je… Et je la pris
sous les bras. Pas tel, l’objet de mes fantasmes. Mais tel, l’objet de ma rédemption.
Comme un trésor... fragile. Si précieux, qu’il m’aurait été impardonnable ne serait-ce
que de le bousculer. Je la conduisis alors, sans qu’elle ne proteste, sans délier mon
regard du sien, trouvant étoiles et merveilles en son sein. Nos lèvres étaient
aimantées, poussées par une puissance qui dépassait de loin celle du vice, jusqu’à
faire paraître cette idée tellement odieuse même. Tout cela me fit penser que ces
quelques mètres vers la chambre. Me prit le temps d’une vie tout entière. Pour cette
nuit, il n’était pas question de gâcher ce moment si important par la fusion des sens,
emplit de luxure et d’animosité primaire. Mais de pureté, de partage, de béatitude.
Une récompense autant à elle qu’à moi. L’heure, et même le ciel étoilé en

témoignaient, nous la méritions et nous devions nous y soustraire. Quand elle fut
déposée avec toute la délicatesse dont je fis preuve. Je demeurais debout à la
contempler. Comme une œuvre d’art. Éperdue, sous le joug de ma propre niaiserie.
Alors à peine conscient de la chance que j’acquisse ce jour béni, où une femme
effarouchée croisa mon chemin damné. Je restais immobile. Le visage doux et saint.
Sans sourire... harmonieux. Le voici, tel était le mot définissant tout cet instant
magique. Harmonieux…

Ô Chevalier, raconte-moi le conflit.
-Rien ne prouve que l'union demeurera toujours sans conflit, qu'elle soit charnelle
ou spirituelle.
-Je ne t'ai donné que le moment d'un instant. L'union sans conflit. Le désir sans
conflit. Un désir simplement partagé, tourné à la fois vers soi et l'autre.
-Le désir n'est donc pas le conflit !
-Le conflit naît du désir. Mais il n'est pas fondu en lui. On peut même désirer un
conflit.
-L'amour n'empêche pourtant pas les créatures de se dévorer !
-Se nourrir n'est pas un conflit. C'est une nécessité à la vie, cela peut être entendu
comme un conflit, mais dans ce cas, il est un conflit juste. Si les créatures se
dévorent, c'est pour se nourrir. Il n'y a bien que l'Homme et le tigre pour tuer par
désir et surtout par plaisir. Mais je ne suis pas un tigre, je suis un homme. J'ai le
droit, et le pouvoir surtout, désirer ne plus être soumis à cette idée.
-Alors, il n'existe pas de créature qui ne tue jamais ! Ne sais-tu pas que les fourmis
font de véritables batailles rangées entre colonies ? Que des familles de primates
bonobos se battent à mort pour leurs femelles et tuent leurs enfants ? La violence
est dans le cœur de tout ce qui vit !
-Les animaux charognards, tuent-ils ? Puisqu'ils ne se nourrissent que de mort ?
-Non.
-Et pourtant l'Homme ne saurait vivre que de charogne.
-Certains des tiens choisissent d'être végétariens. Pour être plus humains. Pour
élever leur spiritualité. Pour se montrer bon. C'est ce que tu souhaites ?

-Le cycle naturel n’inclut pas de symboliques alimentaires dans l'élévation spirituelle.
Certains animaux sont végétariens, d'autres sont carnivores, d'autres enfin sont les
deux, ce qui est le cas de l'Homme. Animal tropical. Dans le cycle de l'évolution
humaine, il a existé des espèces humanoïdes exclusivement végétariennes. Elles ont
toutes finies par disparaître. La souffrance invoquée et consentie pour l'animal à
chaque fois qu'on le mange ne peut pas être perçue comme un argument dans le
sens où il relève plus d'un problème social que spirituel. Voyons un lion à la chasse, il
dévore sa proie vivante. Il se révélera pourtant bien plus en harmonie avec la nature
que n'importe lequel d'entre nous... Précisons également que de récentes études
démontrent que les plantes (même s'il ne s'agit que d'études expérimentales
quoique proche de l'aboutissement) ressentent bien la douleur. Et même la peur.
Faut-il alors se contenter de rien ? Tels les yogis vivants reclus dans une grotte ou
bien au pied d'un arbre, qui arrivent, par leur seule spiritualité, à se suffire à euxmêmes. Et quand je dis "rien"... c'est vraiment rien. Leur comportement montre que
ces personnes ne ressentent rien non plus, ni plaisir, ni saveur, ni haine, et même
pas l'amour. C'est la renonciation du tout. Je vois mal, toute notre espèce suivre ce
chemin. La nature, qui est notre exemple, notre mère à tous, possède ses propres
règles et ses propres lois, aussi belles que monstrueuses, la plus grande des artistes.
Elle tolère de prendre la vie pour vivre. C'est ainsi que le cycle de la vie prend du
sens. Mourir pour vivre et vivre pour mourir.
Être végétarien est un choix de vie, un chemin que l'on peut suivre ou non, mais qui
n'est pas nécessairement un chemin obligatoire vers l'élévation spirituelle. Celle-ci
réside plutôt dans la compréhension de la vie en se libérant des conformités
idéologiques et sociales qui imposent une vue linéaire sur ce qui est bon et mauvais.
Se contenter du peu, du nécessaire, est bien plus utile à mon sens que de se priver
de viande. Il faut également connaître la faim pour évoquer ce sujet. Beaucoup de
livres en parlent. La faim, pour un homme, le pousse plus vers l'envie de viande que
de végétaux. Y a-t-il une notion vibratoire de la nourriture dans cet état de fait ? Je
me fonde également sur une notion plus primitive de la nourriture. Normalement,
manger de la viande, cela se mérite, nous avons de véritables usines à bestiaux, ce
qui rend cette viande mauvaise à nos yeux. Mais l'homme qui, par la force de ses
mains seules, son savoir, sa sueur et son sang, parvient à chasser une créature d'égal
à égal, est plus à même de comprendre le cycle naturel, de mériter sa pitance et
surtout de respecter l'animal à qui il a ôté la vie pour se nourrir. Car cueillir une
plante, cela revient à s'attaquer à un être sans la moindre défense. Je rappelle
également que si l'homme est ce qu'il est aujourd'hui, c'est bien aussi grâce à
l'apport de protéine résidant dans la viande qui lui a été plus facilement accessible.
J'ai lu que dans le bouddhisme l'un des animaux les plus sacrés est le vautour. Car ;
se nourrissant que de ce qui est mort, jamais il ne prend la vie. L'Homme dans sa
plus basse condition était avant tout un charognard aussi curieusement... Mais que


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