Lettre CADE 174 PDF


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La Lettre de la CADE
Coordination pour l’Afrique de Demain
Un autre regard sur l’Afrique et les Africains
Trimestriel d’information—Janvier, Février et Mars 2016 - n° 174

Conférence — débat d’octobre 2015
« Pays en développement, Afrique, face au changement

climatique : initiatives constructives des États,
entreprises, territoires et communautés locales. »

enda

É d i t or i al

« COP 21. Les peuples africains et la justice climatique :

Quels instruments et quels acteurs ? »

A

l’issue de la COP 21 et du battage médiatique qui l’a entourée, à l’heure où le vaste continent
africain ne pèse que 3 % du dégagement mondial de
gaz à effet de serre, à l’heure où les conséquences
apparentes du changement climatique se manifestent déjà lourdement sur les terres d’Afrique, quel
sort attend les peuples africains ? Leurs représentants ont défendu une « aide » financière au nom de
la « justice climatique » et ils ont été, apparemment
au moins, partiellement entendus. Il a fallu pourtant
beaucoup d’efforts pour parvenir à une contribution
financière relativement dérisoire, si l’on rapporte
les sommes citées (100 milliards de dollars) aux
populations concernées : en gros 1 milliard d’Africains (sans oublier les pays des autres continents en
situation comparable) menacés par l’évolution climatique et 3 bons milliards vivant dans les pays
développés ou fortement industrialisés (USA et Europe, Chine, Inde), soit par an et par personne 33
cents à verser au titre de la limitation des émissions
polluantes et de l’autre coté moins d’un dollar par
an et par personne au titre des opérations d’adaptation.
Un des enjeux qui découlent de cette situation est,
d’une part, d’établir quelle fraction de dollar sera
effectivement consacrée au bien-être des Africains,
qui ne seront pas seuls à bénéficier de la somme
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

mise à disposition, si tant est qu’elle le soit sans
difficultés, et d’autre part, et c’est notre souci,
d’éviter des attributions et des actions d’une pertinence contestable et des pertes en ligne. Pour ces
dernières, outre le gaspillage et les détournements
toujours possibles, à tous les niveaux, nous pensons
aux sommes relativement colossales englouties par
des organismes, publics ou privés, souvent liés aux
pays les plus pollueurs. A titre de mauvais exemple,
le décret français 2015-154 ouvre une ligne de crédit de 850 000 € à la « coordination gouvernementale (interministérielle) ».

Bien qu’il y ait eu cette année des efforts de coordination continentale, dans les négociations à venir,
notamment d’ici la COP 22, quelle devrait ou pourrait être l’attitude des États africains, de leurs socié(Suite page 20)

page 1

Compte-rendu de la conférence débat du 7 octobre 2015
« Pays en développement, Afrique, face au changement climatique :

initiatives constructives des États, entreprises, territoires
et communautés locales.»
Introduction
La lutte engagée pour limiter le réchauffement climatique est planétaire. Elle fait l’objet de la conférence internationale, dite COP 21, qui se tient à Paris en décembre 2015. Les responsabilités de chaque Etat sont engagées en vue d’obtenir des accords permettant la limitation du réchauffement de la planète à 2 °C. L’Afrique qui joue un rôle mineur
dans ce réchauffement planétaire (moins de 3 % des émissions de gaz à effet de serre) sera lourdement impactée comme le montrent déjà les inondations ou sécheresses
récurrentes dans certaines régions. Selon le PNUE, le
coût de l’adaptation de l’Afrique à ces changements est
évalué à 45 milliards $ par an à l’horizon 2050. Comment les pays africains s’engagent-ils dans ce processus de négociations et quelles initiatives prendront-ils à
l’instar du Mexique, premier pays émergent à annoncer
ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet
de serre de 25 % d’ici 2030 ? En Afrique, le Gabon a
fixé ses objectifs à 50 % d’ici 2025. Qu’en sera-t-il des
autres pays du continent qui ont leur mot à dire ?
Pour aborder certains aspects du problème, la CADE a
conçu cette conférence débat en 2 tables rondes en fai- De gauche à droite Jean-Jacques Landrot, Stéphane Gompertz, Hichen Ben Yaïche, Lucien Pambou
sant appel pour la première sur : « Gouvernance mondiale, politiques publiques nationales et territoriales ; Focus sur la gestion durable des forêts tropicales » à :
Stéphane Gompertz Ambassadeur Climat pour la COP21 en charge de l’Afrique et du Moyen-Orient, Ambassadeur de
France, Jean-Jacques Landrot, Président d’honneur de l’Association Technique Internationale des Bois Tropicaux
(ATIBT), Expert bois et forêts, Ancien membre du Comité directeur du CIAN, Lucien Pambou, économiste, universitaire.
Modérateur : Hichem Ben Yaïche, journaliste, Rédacteur en chef, African Business Magazine
Et pour la deuxième sur : « Fonds Vert pour le Climat ;
Initiatives et solutions apportées par le secteur privé et les
ONG ; Focus sur l’Atlas du Lac Tchad, » à :
Fabrice Le Saché, Président, Mécanisme de Développement Propre - Afrique ; Président d’Ecosur Afrique ,
Emile H. Malet, Directeur du Forum Mondial du Développement Durable, Directeur de Passages-Adapes, Directeur
de publication de l’Atlas du Lac Tchad et Claire Fehrenbach, Directrice Générale de OXFAM France
Modérateur : Hamed Paraiso, journaliste, Rédacteur
d’information, Télésud
De gauche à droite : Fabrice Le Saché, Hamed Paraïso, Claire Fehrenbach, Emile H. Malet

Jean-Jacques Landrot, Président d’honneur de l’Association Technique Internationale des Bois Tropicaux,
introduit le sujet. Il a 53 ans d’expérience de gestion des
La forêt tropicale : systèmes de gestion durable et forêts tropicales en Afrique, en Asie et en Amérique
de préservation de la biodiversité pour atténuer Latine. Pour lui, il faut trouver en liaison avec cherles effets du dérèglement climatique.
cheurs et ONG, des solutions techniquement et

Première table ronde

La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 2

économiquement viables en réponse à RIO 92 et au boycott des
bois tropicaux. Un court métrage
fournit les données du problème et
des bases de discussion.
Le film souligne d’abord l’importance vitale de la forêt tropicale sur
le climat de la planète, sur la biodiversité et comme ressource pour
l’homme. Une exploitation responsable et durable des forêts doit permettre de satisfaire nos besoins
sans compromettre ceux des générations futures. Le rôle des entreprises forestières est à cet égard
déterminant ; leurs interventions
doivent permettre à la forêt de se
régénérer.

rôle des forestiers était de contribuer au développement, ce qui
s’est fait, comme en Côte d’Ivoire
et au Ghana, au détriment de la
forêt. L’essor économique de la
Côte d’Ivoire a été alors extraordinaire, mais sa forêt ne représente
plus aujourd’hui que 10 % des surfaces occupées au début des années
60. Les grandes plantations ont fait
la richesse du pays, ce qui a attiré
une important immigration en provenance des pays voisins.

tolère les exportations illégales, et
d’un autre, affiche des intentions
vertueuses pour attirer des fonds
n’est pas suffisamment pris au sérieux, ce qui rend J-J. Landrot relativement pessimiste.

J-J. Landrot pose la question suivante. Il y avait en Afrique des entreprises forestières européennes.
Pourquoi ces entreprises auraientelles mal géré les forêts en Afrique
alors qu’elles les géraient bien en
Europe ? Elles ont appliqué les règles d’exploitation en vigueur en
ne retenant que des diamètres minima et des espèces sélectionnées.
Par contre, elles ont attiré des populations du fait de l’ouverture de
la forêt et celle-ci a brûlé. Le problème de cette déforestation a été
posé à RIO 92.

A l’intérieur il convient de créer
des parcs nationaux. Le Gabon a
commencé à le faire en ayant transformé 2 millions d’ha sur 15 en
parcs nationaux. Mais parallèlement, le gouvernement laisse dégrader l’importante biodiversité de
la forêt primaire comme en témoigne l’étalage de viande de brousse
sur les marchés, ou accorde des
concessions à des « voyous ».

Cela suppose une surveillance
scientifique de son état de santé
global. La gestion durable des forêts conduite par les entreprises
associe les populations locales à la
protection de l’environnement et à
l’aménagement du territoire ; en
retour ces populations, comme tous
les acteurs de la filière bois, en retirent des bénéfices en matière de
santé et de sources de revenus. Le
respect scrupuleux des règles permet la traçabilité des produits bois.
Cette traçabilité est une garantie
pour les consommateurs qui, en
définitive, détiennent la clé de la
gestion durable des forêts tropicales en achetant des produits labellisés « responsables ».

Dans les pays forestiers, le bois
tropical est souvent assimilé à la
déforestation, à la corruption, à la
mauvaise gouvernance. En fait, les
politiques des Etats africains en
matière de gestion forestière procèdent d’un double langage. D’un
côté, comme le petit film qui précède l’a montré, ils gèrent de manière
responsable, en adoptant des processus de labellisation certifiant la
bonne gestion de la forêt mais cela
ne concerne qu’une petite partie du
domaine forestier. Cette bonne gestion entraîne des surcoûts importants mais facilite les exportations
en direction de l’Europe qui a des
exigences en matière de corruption.

J.-J. Landrot enchaîne en s’appuyant sur son expérience personnelle d’exploitant forestier puis de
consultant. Il se reporte aux années
60 lorsqu’il a commencé sa carrière. A cette époque, on avait la
conception que la forêt tropicale
était infinie et indestructible. Le

D’un autre côté les États tolèrent
une concurrence déloyale, par des
entreprises locales ou étrangères à
dominante asiatique qui opèrent en
toute illégalité, avec la complicité
des gouvernements. Cette concurrence concourt à la déforestation.
Ce double langage qui, d’un côté

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Peut-on allumer des contre-feux,
ou est-ce trop tard ? J-J. Landrot
estime qu’il faut faire la part du
feu. Par exemple, en basse Côte
d’Ivoire, il faut, autour des villes,
se concentrer sur l’agroforesterie.

L’étendue de la destruction de ce
patrimoine forestier est considérable. En Côte d’Ivoire et au Ghana,
90 % de la forêt a disparu. Le
grand problème à l’heure actuelle
est que la forêt est mitée, et quand
ce mitage de la canopée atteint 40
%, la forêt ne se régénère pas. Or
ce mitage concerne à l’heure actuelle 40 à 70 % de la forêt. Heureusement, la forêt primaire au Gabon et au Congo Brazzaville est
relativement éloignée de la côte et
les difficultés d’évacuation la rendent plus facile à préserver, avec
des concessions de 200 à 500 000
ha où il est possible d’élaborer un
plan d’aménagement avec une gestion durable.
Cela suppose des hommes formés
aux compétences qui sont nécessaires sur le terrain : prospecteurs, abatteurs, géographes, activités de transformation. Ce problème de la formation est d’une
importance capitale si on songe
que l’Afrique comptera à terme
50 % de la population mondiale
et qu’elle est confrontée à un
sous-emploi massif.
page 3

Le point sur les négociations dans
le cadre de COP21.
Stéphane Gompertz, Ambassadeur itinérant pour la COP21, en
charge de l’Afrique et du MoyenOrient, ancien Ambassadeur de
France en Ethiopie et Directeur
Afrique et Océan Indien au Quai
d’Orsay, est chargé, autour de Laurence Toubiana, d’expliquer comment la France conçoit son rôle de
présidence et d’écouter les points
de vue de ses partenaires. Il fait
montre d’un certain optimisme sur
l’avenir des négociations.
1) Le climat général est assez favorable et devrait permettre de surmonter les écueils de Copenhague.
2) La préparation est bien avancée.
3) L’Afrique a de très gros atouts.
Les facteurs favorables : engagement
du
secteur
privé
(responsabilité environnementale et
sociale au sein du CIAN) ; baisse
du prix des énergies nouvelles renouvelables, devenues ainsi compétitives par rapport aux combustibles
fossiles ; changement d’attitude des
deux principaux pollueurs. La Chine (25 % des émissions mondiales)
s’est engagée à atteindre un pic de
ses émissions en 2030, et si possible plus tôt, et ensuite à les abaisser. Elle a décidé d’unifier ses marchés régionaux du Carbone. C’est
un pas vers un marché mondial du
Carbone qui a du mal à se faire.
D’autre part les villes chinoises ont
lancé une alliance des villes chinoises pour le climat. Les USA (15 %
des émissions mondiales), qui ont

contribué à faire échouer le protocole de Kyoto puisqu’ils ne l’ont
jamais ratifié, se sont engagés à
réduire de 28 % leurs émissions
entre 2015 et 2025. Cet engagement
est suivi par un certain nombre
d’entreprises américaines qui investiront des sommes importantes (140
Milliards $) dans la recherche sur
les énergies non polluantes. Ces
engagements sont significatifs et
autorisent un certain optimisme.
Les préparatifs de la conférence de
Paris sont bien avancés. L’idée est
de ne pas tout faire à Paris. Le but
que se donne la communauté internationale est de limiter l’augmentation globale de température à 2 °C
d’ici la fin du siècle. Les experts
prévoient que si on ne fait rien, cette augmentation serait de 4 à 6 °C
ce qui aurait pour conséquence une
élévation du niveau des mers de 1
mètre. Un certain nombre de villes
et d’îles disparaîtrait. Pour cela, il
faut limiter les gaz à effet de serre
et il a été demandé aux États ou
groupes d’États de préciser les engagements qu’ils prendront de manière totalement libre. C’est une
approche totalement différente de
celle des années précédentes car
auparavant, on se tournait uniquement vers les pays industrialisés.
L’enjeu est de conclure un accord qui
succèdera au protocole de Kyoto et
qui sera valable à partir de 2020 et de
préparer ce qui va se passer dans les
cinq prochaines années.
Un autre progrès conceptuel a été
fait : c’est l’ouverture d’un deuxième volet tout aussi important que
l’atténuation, c’est l’adaptation,
c’est-à-dire l’ensemble des actions
menées pour aider les populations,
les villages, les communautés, les
entreprises à vivre avec les conséquences du changement climatique
dont beaucoup sont déjà là mais qui
vont s’aggraver. Les systèmes d’alerte sont un facteur d’adaptabilité.
La France y tient beaucoup. S.
Gompertz a vu des exemples tout à

La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

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fait remarquables, au Zimbabwe, au
Rwanda et en Ouganda, mis en place à l’initiative des gouvernements
ou des ONG. En coopération avec
la météorologie locale, les données
météorologiques sont envoyées
dans les villages et, dans certains
cas les paysans les reçoivent directement sur leur smartphone ce qui
leur permet de prendre des décisions à temps. Cette adaptation qui
était souhaitée par les Africains,
mais pas prise au sérieux par les
pays industrialisés, fait maintenant
partie de la négociation.
Les finances sont un enjeu essentiel
de la COP 21. L’objectif est de mobiliser 100 milliards de dollars par
an d’ici 2020 pour couvrir non seulement les besoins de développement, mais aussi les mécanismes
d’assurance, les prêts publics ou
privés, les investissements. Cela a
été difficile à faire admettre aux
pays en voie de développement qui,
au départ, étaient très méfiants vis-à
-vis du secteur privé. L’aide public
est un catalyseur mais ne peut tout
couvrir. S. Gompertz cite l’exemple
de cette ferme solaire d’Éthiopie de
120 mégawatts construite par une
société française dont l’AFD n’a
assuré que 10 % du financement ;
mais son intervention a servi de
levier.
Le Fonds Vert pour le climat a été
créé avec un capital promis de 10,2
milliards $. La moitié des actions
de ce fonds ira à l’adaptation. Les
premiers projets doivent être adoptés en novembre et certains d’entre
eux concernent l’Afrique. Les projets doivent être soumis par l’intermédiaire d’entités accréditées, comme la Banque Mondiale, le PNUE,
la BAD, l’AFD et trois organismes
africains : un au Sénégal, un au
Rwanda et un en Namibie. D’autres
pays suivront. Il faut éviter de reproduire les failles des mécanismes
de développement propre pris à la
suite du protocole de Kyoto dont
l’Afrique n’a bénéficié qu’à hauteur
de 3 %. Un auditeur de la société
civile sénégalaise impliquée dans la

COP 21 conteste le chiffre de 10,2
milliards, en s’appuyant sur des déclarations de la directrice du Fonds
Vert qui annoncerait un capital de 30
milliards à destination du tiers monde.

Les Africains se sont préoccupés des
questions climatiques dès 1999 lorsqu’ils ont créé à Yaoundé la Commission pour les Forêts de l’Afrique
Centrale (COMIFAC). L’objectif
était de mettre en place des politiques en matière d’aménagement, de
fiscalité, pour sauvegarder le patrimoine forestier commun. Par la suite, des mécanismes financiers ont été
créés et des partenariats engagés au
niveau du bassin du Congo avec la
Banque Mondiale, l’Allemagne, la
France, les USA.

Pour S. Gompertz, ce chiffre n’a pas
de réalité. Les mécanismes de ce
fonds seront discutés lors du second
panel de la conférence. Cependant
des inconnues subsistent sur son financement : manque de fonds dans
les pays du Nord, incertitudes sur les
taxes sur les transactions financières
dont la France est un des principaux
promoteurs, sur la mise en place L. Pambou a cependant l’impression
d’un marché Carbone.
que l’on met en place de nouveaux
modèles qui ne sont pas maîtrisés
par les Africains. Il reconnait qu’il y
L’Afrique : acteur à part entière
a de nombreux obstacles côté afriLucien Pambou, économiste, uni- cain : la mauvaise gouvernance, des
versitaire, livre sa perception des initiatives sont prises qui ne sont pas
questions soulevées par le change- poursuivies jusqu’au bout ; les guerment climatique. Il a le sentiment res civiles, dans le bassin du Congo ;
que la COP 21 ne concerne pas di- l’insuffisance des ressources budgérectement les Africains et souhaite- taires ; la corruption. Les pays afrirait que ceux-ci soient considérés cains ont pris acte que le monde a
comme de véritables partenaires et changé mais, pour L. Pambou, ils se
non comme des demandeurs d’aide. comportent comme des acteurs passifs en s’assujettissant au partenaire
qui détient les financements et les
connaissances. Il faudrait que les
Africains dépassent les postures déclamatoires, et mettent en place des
outils conceptuels, de financement et
renégocient leur dette auprès du
FMI.

Face au changement climatique, la
question est, pour lui, non pas tant
de l’atténuer que de s’adapter : apprendre à vivre avec le changement
climatique et adapter les modèles
économiques à ce changement. A la
croissance à tout prix, il préconise
un modèle de croissance durable
mais regrette de voir celui-ci remplacé par la notion d’économie verte. Il
relève des lacunes dans les négociations, récemment évoquées par le
quotidien « Le Monde » : les problèmes de transition énergétique et d’alimentation, ne sont en effet pas soulevés.

S. Gompertz conteste la passivité des
Africains. Malgré d’évidentes lacunes, les Africains commencent à se
mobiliser, qu’il s’agisse des gouvernements, de la société civile ou des
ONG. Il en donne quelques preuves,
comme ces réchauds améliorés qui
permettent d’économiser 30 % des
capacités énergétiques, entièrement
conçus, fabriqués et commercialisés
au Togo, ou la création de parcs nationaux où la biodiversité est préservée. Certaines choses peuvent être
améliorées comme au Togo qui impose 40 % de taxes douanières aux
importations, sans distinction, et qui
s’appliquent donc aux lampes à panneaux solaires.

La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

S. Gompertz a saisi ses interlocuteurs de ce problème et un débat
s’est instauré entre le Ministère des
finances et celui de l’environnement.
Dans certains pays, il n’y a pas de
législation permettant aux entreprises d’investir dans des domaines
prometteurs ; il conviendrait d’en
élaborer pour sécuriser les investissements des opérateurs disposés à
s’engager dans le solaire. Au total,
les pays africains ne se portent pas si
mal puisqu’ils affichent des taux de
croissance compris entre 5 et 6 %.
Pour L. Pambou, il y a des taux de
croissance appauvrissant. Pour lui,
ces taux élevés profitent essentiellement aux multinationales qui rapatrient leurs bénéfices au Nord. Il
souhaiterait que dans les mécanismes coopératifs, l’Afrique s’investisse comme acteur à part entière avec
des exigences à l’image de celles de
la Chine qui exige de ses partenaires
des transferts de technologie en
contrepartie de l’ouverture de ses
marchés.

Deuxième table ronde
Roland Portella, président de la
Cade, ouvre cette seconde table ronde consacrée aux initiatives endogènes que l’Afrique est en mesure de
prendre pour faire face aux perturbations climatiques.

Elle en a déjà prises mais celles-ci
n’ont pas suffisamment été mises en
lumière. C’est ce que la Cade se propose de faire en mettant en avant les
solutions apportées en particulier
pour l’avenir de la jeunesse africaine. Il remercie Hamed Paraiso, rédacteur à Télésud, d’avoir accepté
d’animer cette table ronde.

page 5

Hamed Paraiso en présente le découpage. Fabrice Le Saché présentera le Mécanisme de Développement Propre qu’il préside ; Emile H.
Malet, directeur du Forum Mondial
du Développement Durable présentera l’Atlas du Lac Tchad dont il a
dirigé la publication ;
Claire Fehrenbach, directrice générale d’OXFAM France, traitera des
questions soulevées par le Fonds
Vert.
Une Afrique pleinement engagée
dans la lutte contre le réchauffement climatique
Fabrice Le Saché démontre d’abord
par quelques exemples que l’Afrique
n’est pas « passive », comme cela a
été dit.

Au contraire elle possède des entreprises extrêmement dynamiques. Qui
sait que la Compagnie Sucrière, au
Sénégal, utilise les déchets de bagasse pour faire de la régénération et de
l’électricité verte ? Qui sait que la
SOCOCIM au Sénégal est en train
de remplacer son charbon par de
l’huile de Jatropha ? Qui sait que le
groupe SIFCA en Côte d’Ivoire est
en train de construire une des plus
grandes centrales à biomasse de l’Afrique à partir de résidus de palmiers
à huile ? Qui sait qu’au Cameroun,
ISACA, le premier collecteur de déchets, a installé à ses propres frais
deux centrales de captage de biogaz,
évitant que le méthane s’échappe
dans l’atmosphère. L’Afrique, telle
que F. Le Saché la voit, est l’Afrique
des entreprises pleinement engagées
dans la lutte contre le réchauffement
climatique car elle y perçoit une opportunité économique.

Malgré ses vertus, F. Le Saché s’étonne que le débat public soit mobilisé par le Fonds Vert. Depuis 10
ans, les entreprises privées travaillent sur la mise en place du Mécanisme de Développement Propre
(MDP) qui est entré en vigueur avec
le protocole de Kyoto et qui était
destiné aux pays du Sud pour favoriser le transfert de technologies vertes. Ce mécanisme est très simple :
tout porteur de projet, collectivité,
entreprise privée, qui engage une
activité qui réduit les gaz à effet de
serre (projets d’énergie renouvelable, d’efficacité énergétique, de
substitution de combustible), enregistre son projet auprès de l’ONU et
se voit octroyer pour les tonnes de
CO2 que son projet évite, des crédits
Carbone qu’il peut valoriser financièrement en les commercialisant
auprès d’entités des pays industrialisés, des États, des entreprises, qui les
utilisent pour respecter à moindre
coût leurs obligations de plafonnement de leurs émissions de CO2 . Ce
marché a très bien fonctionné puisque 8 000 projets ont ainsi été crédités dont certains concernent l’Afrique. Cinq pays ont été particulièrement actifs : le Maroc, l’Afrique du
Sud, l’Égypte, l’Ouganda, le Nigeria. Aujourd’hui, tous les pays africains ont enregistré au moins un
projet.

tonne de Carbone à 50 centimes
d’Euro, ne sont plus en mesure de
rembourser leurs emprunts. F. Le
Saché pense qu’avant de parler du
Fonds Vert, il conviendrait de remettre sur les rails un mécanisme qui a
fait ses preuves mais qui dysfonctionne du fait de facteurs macroéconomiques. Contrairement au Fonds
Vert dont les ressources mettront du
temps à se mettre en place, le MDP
peut être utilisé tout de suite.

La difficulté est que les prix se sont
effondrés, car le principal pôle d’achat de crédits Carbone est l’espace
européen qui a subi une grave crise
économique. Le secteur industriel
ayant baissé sa production est moins
émetteur et a donc moins besoin de
crédits Carbone. Par ailleurs, le marché est structurellement déséquilibré
car il y a une offre massive de crédits Carbone générés par des projets
chinois, indiens et brésiliens. Le dynamisme africain et son émergence
sur les marchés a été brisé, la baisse
des cours du Carbone n’étant plus
incitatif pour les porteurs de projets.

Le Fonds Vert procède d’une démarche complètement différente. Il
concourt à financer des projets en
phase amont pour qu’ils se déploient. Le MDP pourrait les déployer si on valorise les crédits Carbone : l’infrastructure du MDP existe jusqu’en 2020 et il y a tout un personnel qui travaille à Bonn sur ce
mécanisme qui n’aura plus aucune
réalité puisqu’à 50 centimes la tonne de Carbone, personne ne déposera
de projet. La COP 21 n’aura d’effet
qu’entre 2020 et 2030. Que fait-on
d’ici 2020 ? Ce que demande F. Le
Saché, c’est 2,5 milliards d’Euros
pour payer 500 millions de crédits de
Carbone africain par an d’ici 2020 à
5 Euros la tonne. Il y a en Afrique de
nombreuses opportunités de réduction des émissions de CO2 : la sé-

Les effets ont été catastrophiques
pour les entreprises pionnières qui
ne généraient que des crédits Carbone comme revenus, et qui, avec une

La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

F. Le Saché propose donc d’instituer
un système simple consistant à fixer
un prix minimum garanti pour les
crédits Carbone générés par des projets africains. Un prix de 5 Euros la
tonne de Carbone serait suffisamment incitatif notamment pour des
technologies dites de basse intensité : foyers améliorés qui économisent le charbon de bois, kits solaires
photovoltaïques, filtres à eau, toutes
technologies qui bénéficient aux populations et qui auraient un impact
positif sur le taux de rentabilité des
porteurs de projets. On ne demande
pas à la communauté internationale
de financer les projets, mais de payer
les crédits de Carbone qui ont été
effectivement délivrés. Les entreprises privées, les porteurs de projets,
avec un prix onusien stable dans le
temps, pourront facilement mobiliser
des financements.

page 6

questration du carbone, les énergies
renouvelables, l’électrification décentralisée, rurale. Ce potentiel devrait permettre de générer de nombreux projets en Afrique.
Hamed Paraiso demande à Etienne
H. Malet de parler de l’Atlas du lac
Tchad qui constitue un enjeu considérable pour les populations riveraines du lac Tchad et au-delà, du fait
de ses réactions au changement climatique. Ce lac est en effet un marqueur climatique et son évolution
ces derniers millénaires témoigne de
sa grande vulnérabilité.
L’Atlas du Lac Tchad : « objet
géographique…insaisissable, étonnant et changeant » *
Emile H. Malet rassure l’auditoire,
le lac Tchad n’est pas mort et il ne
va pas mourir, mais sa sauvegarde
est menacée. Il fait trois remarques
préliminaires que lui inspirent le débat qui précède.

1) Les Africains sont-ils sujets ou
objets des politiques de développement dans le cadre du changement
climatique ? Il regrette que l’Afrique
ne parle pas suffisamment dans les
grandes institutions. Or, c’est celui
qui parle qui remporte l’adhésion.
2) Lors du Forum global du Développement Durable organisé de 2008
à 2010 à la demande des Présidents
Denis Sassou Nguesso, Campaoré et
Déby, à Brazzaville, Ouagadougou
et N’Djamena, la parole des Africains était non seulement intéressante mais elle a ensemencé le débat sur
le développement durable en lui
donnant du sens et de la chair. Ces
débats privés de l’empreinte africaine seraient incomplets et inopérants

pour l’ensemble de la planète.

Les connaissances les plus récentes
sur le lac proviennent d’une vingtaine d’images satellitaires de la CIA
mais des recherches approfondies
ont été effectuées ces dernières décennies, en particulier par l’IRD, sur
l’ensemble de son bassin, qui ont
pris en compte son évolution dans le
temps long, les particularités du
fonctionnement hydro-chimique et
biologique du lac, ses ressources et
les populations qui vivent à sa périphérie. Il a semblé importants aux
promoteurs de cet Atlas d’inscrire
dans le marbre de l’écrit un lac constamment en mouvement et donc insaisissable car dépendant entièrement des caprices du climat.

3) La question énergétique est au
cœur du développement aujourd’hui
et la transition énergétique, au cœur
du développement durable et de la
lutte contre le réchauffement climatique. Si on ne favorise pas la transition énergétique sur le continent africain, on ne pourra pas obtenir que ce
continent prenne en charge une politique contre le réchauffement climatique. Il faut donc des investissements massifs pour que l’Afrique
rattrape son retard dans ce domaine
et les 10 milliards du Fonds Vert
sont peu de choses si on les rapporte
au volume des flux financiers. Or
l’Afrique est particulièrement bien
dotée au plan des énergies renouve- Les fluctuations du lac mettent en
lables, hydrauliques, et même nu- cause la viabilité de l’espace dans
cléaires dans certains pays.
lequel il s’inscrit et pénalisent les
activités, qu’il s’agisse d’activités
Dans le débat sur le réchauffement agricoles, de pêche ou d’élevage, à
climatique, le lac Tchad est un sym- quoi s’ajoute l’absence d’infrastrucbole. Il est au programme des dis- tures. Trois millions d’habitants occussions de la COP 21 et donne lieu cupent la périphérie du lac Tchad de
à la préparation d’évènements entre manière permanente, mais de milla BM et la Commission du Bassin liers de personnes sont en transit,
du Lac Tchad (CBLT) ou entre la navigant entre les quatre pays riverevue « Passages » et l’IRD qui a rains : Cameroun, Niger, Nigeria et
produit l’Atlas du Lac Tchad qui Tchad, originaires de pays plus éloitraite des questions de sciences hu- gnés comme le Sénégal ou l’Egypte,
maines et sociales, paléogéographi- ce qui produit un « patchwork ethniques et physico-chimiques qui font que complexe et mouvant » **.
la singularité de ce lac. Mais le lac
Tchad est également considéré du Si ce carrefour d’incubation éconopoint de vue de sa position géopoliti- mique, humain et social fonctionne,
que et de son rayonnement régional. ce sera une zone d’excellence qui
rayonnera à travers toute l’Afrique.
Le Lac Tchad n’est pas mort, com- Sont traités dans cet Atlas les système on le dit souvent, mais il faut le mes hydrologiques, les écosystèmes
sauvegarder, c’est une « urgence et la biodiversité, les activités prohumanitaire » comme le dit Idriss ductives, les infrastructures et les
Déby. Il est très vulnérable et on le territoires, à quoi il faut ajouter un
perçoit lorsque sa superficie se ré- autre facteur de vulnérabilité : l’inséduit considérablement en cas de curité due à Boko Aram dont les
grande sécheresse. L’Atlas du Lac États ne sont pas responsables.
Tchad est une commande du président tchadien faite au Forum Mon- * Gérard Magrin, Jacques Lemoalle, Rodial du Développement Durable, que land Pourtier, Atlas du Lac Tchad, 2015
la revue « Passages » s’est chargée
de réaliser avec une direction scien- ** Christian Seignobos, Atlas du Lac
tifique et un panel de chercheurs Tchad, 2015
africains et européens. Cet Atlas est
édité en trois langues et comporte Trois défis sont à relever aujourd’hui.
une composante cartographique ori1) le défi de la civilisation : il faut
ginale.

La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 7

sauver le Lac Tchad, berceau de
l’humanité comme le montre la découverte des fossiles des plus anciens hominidés, Abel et Toumaï.

Le Fonds vert pour le climat a déjà
enregistré 10 milliards de dollars de
promesses, dont 5 milliards ont été
versés. Il reste beaucoup de chemin
à parcourir, puisque les pays indus2) Le défi des populations ; en Afri- trialisés se sont engagés pour un fique, un des grands problèmes est le nancement d’au moins 100 milliards
tribalisme qui fait obstacle à la dé- par an d’ici 2020 !
mocratie et favorise les éruptions
nationalistes. Faire vivre ensemble
ces populations diverses serait une
grande réussite humaine.
3) Le défi hydrique : le lac est une
énorme flaque capricieuse alimentée par les pluies directes et par les
tributaires dont le principal est le
Chari. Ces soixante dernières années, la superficie du lac a oscillé
entre 2 000 et 25 000 km2.
Le Fonds vert a été créé en 2009 afin
d'aider les pays pauvres à lutter
En conclusion, Emile H. Malet don- contre le réchauffement climatique.
ne les raisons pour lesquelles le pro- Il doit répondre à l’adaptation aux
blème climatique rend la situation du changements, qui auront un impact
Lac Tchad extrêmement périlleuse. énorme sur les récoltes. Avec les
inondations, les sécheresses et un
1) Parce qu’il manque des infrastruc- climat complètement erratique, la
tures pour délimiter les activités et production d’aliments va être drastipermettre aux populations d’avoir quement réduite, si bien que les prix
conscience de l’espace qu’elles habi- des denrées de base, comme le riz, le
blé ou le maïs, pourraient doubler.
tent.
2) Parce que le bassin du Lac Tchad On estime que huit cent millions de
est soumis à de grandes variations de personnes sont en état d’insécurité
alimentaire, auxquelles pourraient
précipitations et d’évaporation.
3) Parce qu’il manque de biens pu- s’ajouter 50 millions de personnes
blics essentiels : eau potable, électrici- d’ici 2030, si l’on ne prend pas plus
de mesures.
té, éducation, santé.
4) Parce qu’il manque d’application
concrète d’une transition énergéti- Chez OXFAM, on fait un travail de
mobilisation citoyenne et d’influenque.
5) Du fait de la mal-gouvernance et ce pour que les règles du jeu soient
davantage en faveur des populations
de l’insécurité.
les plus vulnérables. On travaille à la
Ce qui est valable pour le Lac Tchad fois sur les questions d’atténuation
l’est à un autre niveau pour l’Afrique du changement et de l’adaptation à
en général. Toute variation climati- ce changement.
que brutale aura des conséquences On se concentre principalement sur le
partout dans le monde, mais sera charbon, pour que les financements
plus dramatique dans une région qui soient orientés vers les énergies reaccumule les handicaps.
nouvelables et surtout pas au charbon,
qui est la source la plus climaticide
qui soit.
Philippe Mathieu
Cela se fait avec des entreprises
françaises
telles
qu’Engie
Claire Fehrenbach, directrice géné- (anciennement GDF Suez) et Électrirale d’OXFAM France : le finance- cité de France (EDF). Cela se fait
ment
également par des financements de
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

banques françaises pour des projets
charbon, au point que la France est
le quatrième financeur charbon au
monde.
L’adaptation au changement climatique est un défi supplémentaire auquel il faut faire face. Les financements doivent être additionnels aux
financements habituels.
La taxe sur les transactions financières est un bon moyen, qui ne coûte
rien au contribuable et qui pourrait
s’élever à 30 milliards d’euros par
an, ce qui est considérable. Elle
pourrait être en partie reversée au
Fonds Vert. Cela permettrait d’avoir
un impact sur le monde de la finance
et d’apporter des fonds complémentaires pour l’adaptation. La France
est le pays moteur sur cette taxe et il
convient de déterminer à quelle hauteur et sur quels produits elle sera
appliquée.
Les fonds seront-ils des dons ou des
prêts ? Si ce sont des dons, les pays
les plus fragiles pourront en bénéficier. Si ce sont des prêts, ils risquent
d’être attribués en priorité à des pays
plus solvables.
Une enveloppe supplémentaire de 2
milliards d’euros a été annoncée récemment par le Président de la République. Il s’agit de savoir comment seront attribués les fonds et
quelle sera la nature des financements, s’il s’agit de prêts ou de dons
et à quel moment cela apparaîtra
dans le budget. Pour le Fonds Vert,
il n’y a pas encore d’accords précis
sur la façon dont seront calculées et
comptabilisées les ressources. Cette
question doit être clarifiée rapidement.

LE DEBAT
Questions
- Monsieur Le Saché a parlé du marché Carbone. Quant à moi, je pense
que le marché du Carbone est une
fausse solution. S’agissant du gaz de
page 8

schiste, il ne doit pas être exploité et
il a vocation à rester sous la terre.
- Il faudrait penser le climat dans un
cadre de développement et ne pas
traiter les deux questions séparément.
- Les populations africaines ne font
que subir et l’on ne parle ni des
guerres ni de la pêche industrielle
qui appauvrit les mers. Est-ce que
les négociations qui vont se tenir
sont des négociations pour favoriser
des intérêts particuliers ou pour
amener une certaine éthique dans la
gestion du monde ?
- Le niveau micro a été oublié et je
voudrais savoir ce que l’on fait des
perceptions que les populations
agricoles et paysannes africaines ont
du changement climatique. Or, ces
populations pensent que les changements sont liés à la présence des
dieux. Il aurait été intéressant d’avoir l’opinion d’un sociologue pour
analyser cet aspect.

Réponses
- Claire Fehrenbach précise que le
« Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat » (GIEC) estime que, pour maintenir à 2 degrés la hausse de la température liée au réchauffement climatique, il faudrait que 80 % des
énergies fossiles restent sous le sol,
ce qui implique une transformation
drastique de notre mode de vie.
S’agissant du développement versus
climat, des études ont démontré que
les énergies renouvelables étaient
plus accessibles et plus efficaces que
les centrales à charbon. Ainsi, les
prix de l’électricité en Afrique du
Sud ont été multipliés par cinq pour
financer les centrales à charbon.
L’industrie et le secteur minier y
accaparent 60 % de l’énergie produite et le prix de l’électricité est sept
fois inférieur pour ce secteur à celui
qui est proposé aux populations !
Développement et climat sont donc
intimement liés et il ne faut pas scinder les deux problématiques.
- Fabrice Le Saché indique que son

groupe est actionnaire de la société
qui distribue les foyers améliorés.
Ceux-ci réduisent entre 2 et 3 tonnes
d’équivalent d’émission de dioxyde
de carbone par an. Les avantages des
fours de cuisson ne se limitent pas à
la seule réduction de CO2, mais ils
donnent aussi un gain de pouvoir
d’achat aux ménages, avec une réduction de la consommation de charbon de bois jusqu’à 60 % !

bois pour le chauffage ou comme marqueur foncier. Il faut aller au fond des
choses et se rapprocher des gens.
Il faut préciser que le Fonds Vert
n’est qu’un instrument parmi d’autres et qu’il est incapable de réunir, à
lui seul, les 100 milliards de dollars
annuels attendus.

Quant à la question du charbon, les
institutions publiques françaises ne
financent plus le charbon nulle part au
Il précise que sa société ne fait que monde, pour les excellentes raisons
des pertes et que la seule source de données par madame Fehrenbach.
profit provient des crédits Carbone.
Au Togo, c’est la société Eneco, le La pêche abusive est bien un grave
troisième producteur d’énergie verte problème et il est vrai qu’il y a une
en Hollande, qui s’est porté acqué- violation des règles, notamment de
reur des crédits Carbone et c’est grâ- la part des Chinois dans le golfe de
ce à l’engagement d’Eneco sur 7 ans Guinée, qui bénéficient de compliciqu’on peut faire financer ce pro- tés locales, y compris parfois au nigramme.
veau ministériel.
Sur la relation entre climat et développement, il s’avère que l’accès à Les dégâts provoqués par la guerre
l’énergie des populations qui en sont sont incontestables, comme on le
privées est bien un facteur de déve- voit en République Démocratique du
loppement.
Congo, où ce sont les mouvements
rebelles dans l’Est et dans la région
- Emile H. Malet regrette la suren- du Kivu qui sont les principaux reschère qui consiste à multiplier les ponsables de la déforestation.
taxations dans le domaine de la transition énergétique. Il faut renverser - Jean-Jacques Landrot explique
le paradigme, car si l’énergie rappor- qu’il ne faut pas faire de contresens
te de l’argent, on est dans une écolo- quand on parle de déforestation. Le
gie gagnante et qui rapporte. Si l’on prélèvement forestier est surtout caumet les grands énergéticiens à sé par le brûlis agricole et le brûlis
contribution en leur demandant de villageois pour la cuisine.
développer l’Afrique sur cet aspectlà, ils seront gagnants et l’Afrique Le cycle économique de la forêt est
sera gagnante. Il faut jouer sur une entre 20 ans et 150 ans pour les esécologie gagnante et une écologie pèces nobles, alors que celui du riz
qui rapporte.
est de deux, voire trois, récoltes par
S’agissant des gaz de schiste, il n’est an. Le président Lula qui prônait une
pas question d’en juger ici, mais il politique verte, ainsi que ses succesfaut savoir que l’économie américai- seurs, n’ont pas pu empêcher la forêt
ne a été redressée grâce au gaz de amazonienne de partir en fumée.
schiste.
Il en va de même en Indonésie. Un seul
Comme il a été remarqué, la dimen- hectare pour nourrir toute une famille
sion anthropologique est essentielle dans des pays qui comptent des millions
et il nous manque un Levy-Strauss, de gens vivant sous le seuil de pauvreté,
car la parole africaine n’est pas la c’est un problème ! Au Brésil, l’achat
même que la parole européenne ou d’un veau coûte 50 dollars et, 2 ans
que la parole américaine.
après, quand vous avez mis le feu à la
forêt, il se vendra 500 dollars. Votre in- Stéphane Gompertz rappelle qu’il est vestissement a été multiplié par dix ! Ce
difficile de changer les habitudes an- sont des chiffres qu’il faut comprendre
cestrales, comme celle de couper du quand on parle de déforestation.

La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 9

Nouvelles questions
- On a un véritable problème de
« concernement » et de comportement individuel. Le problème de pollution est gravissime en Afrique, où
les gens s’empoisonnent tous les
jours dans leur consommation. Un
producteur de charbon de bois ne
sait même pas quelle essence il détruit.
- Il n’y a pas que la gestion de la
forêt, il faut aussi se préoccuper de
la gestion des côtes. C’est ainsi
qu’au Sénégal, on détruit complètement la barrière de filaos longue de
100 kilomètres qui protège le littoral. Ceci se fait au profit du Zircon,
exploité par une société australienne. Or, le Zircon s’extrait en filtrant
le sable et, pour ce faire, il faut détruire cette barrière de filaos qui
maintient le sable. Existe-t-il un organisme qui serait capable d’empêcher ça ?
- Pour quelqu’un comme moi qui
travaille au service d’une communauté villageoise au Mali, la question est de savoir comment décider
une population à choisir plus de solaire que de thermique pour construire une adduction d’eau.
- Il y a des choses qui marchent en
Afrique. Il y a un Sahel vert qui
fonctionne et un Sahel qui innove. Il
faut savoir écouter la parole africaine et associer les populations locales, sur leur territoire, aux diverses
politiques qui leur sont offertes. Que
proposez-vous pour qu’on puisse le
faire ?
- L’eau est au cœur des enjeux climatiques et, pour le Sahel, le stress
hydrique est préoccupant. Il faut
traiter ensemble les problèmes du
climat et ceux du développement.
C’est la stratégie du « gagnantgagnant » qu’il convient de mettre
en œuvre. L’approche économique
n’est pas la seule et l’on touche ici à
des enjeux stratégiques et l’on ne
doit pas oublier le développement.

s’il rentre dans la pratique des gens
et que l’acquisition des connaissances ne vienne pas assécher leur propre connaissance, mais enrichir la
connaissance en général. C’est l’éducation, notamment l’éducation à
l’environnement, qui permettra la
diffusion de la connaissance, parce
que c’est elle qui permet la responsabilité.

sénégalais déclarent vouloir réagir,
mais encore faudra-t-il qu’ils le fassent !
Il est étonnant qu’on n’ait pas parlé
des femmes dans ce débat, bien
qu’elles jouent un rôle fondamental
dans ce processus d’éducation des
populations. Il faut aussi développer
la microfinance, pour permettre aux
plus pauvres d’acheter les produits
dont ils ont besoin, par exemple pour
acheter des petites bonbonnes de
gaz.
S’agissant de l’eau, il faut apprendre
une nouvelle gestion de l’eau. La
désalinisation de l’eau de mer est
aussi une solution, encore qu’il faille
disposer de moyens importants,
comme c’est le cas de l’Arabie saoudite.

- Claire Fehrenbach indique que le
bon sens paysan ne suffit pas à régler les problèmes. Il faut discuter et
parfois dénoncer certains comportements, comme le fait OXFAM. Ainsi, même si les émissions de charbon
sont quasi nulles en France, celle-ci
pollue autant que l’Autriche toute
entière, par le jeu des comportements d’EDF et d’Engie, qui développent d’importants investissements Avant de clore la séance, le présien charbon à l’international.
dent Portella donne quelques informations :
- Fabrice Le Saché insiste sur le fait
qu’il faut offrir des produits et des - La CADE va migrer vers un véritaservices qui correspondent à l’attente ble centre d’analyse. Elle aura beéconomique des populations. C’est soin de contributions pour enrichir
le cas de la « success story » de ses réflexions, sachant que la CADE
Mobisol, une entreprise allemande, dispose d’un site sur internet et puqui propose des kits solaires photo- blie une lettre trimestrielle.
voltaïques prépayés et reçoit des
paiements mensuels par téléphonie - Monsieur Seyni Nafo, négociateur
mobile. Elle a déjà vendu plus de et porte-parole du Groupe Afrique à
200 000 kits solaires en Afrique de la COP 21, est désolé de ne pas
l’Est. Plusieurs start-up françaises avoir pu participer à ce débat, mais
sont également actives en Afrique il a été appelé en Afrique du Sud
dans le financement participatif, pour une réunion importante sur le
dans l’accès à l’énergie, comme dans climat.
le secteur de la transition énergéti- - La CADE sera associée, en fin noque. Il convient de soutenir ces jeu- vembre-début décembre, à une rénes entreprises innovantes, qui ré- union au Grand Palais. Il y aura un
pondent aux besoins des populations. chapiteau Afrique, où la CADE participera, en invitant des entrepre- Jean-Jacques Landrot plaide pour neurs et des représentants des comle développement écologique, mais munautés locales pour monter des
il pense qu’il n’est pas la priorité solutions endogènes.
du quotidien dans l’Afrique
- La lettre trimestrielle publiera des
d’aujourd’hui, car, la priorité, c’est recommandations suite à cette réle développement économique.
union et il est recommandé d’interagir sur ces recommandations ;
- Stéphane Gompertz indique qu’il - La CADE produit également difféest vrai que la destruction de la bar- rents documents, comme c’est le cas
rière de filaos sur les côtes du Séné- du DVD sur le « forum industriel »
gal est un grave problème. De même qu’elle a récemment organisé.
Réponses
la mangrove, qui joue un rôle essentiel dans la biodiversité, disparait
Jean Roch
- Emile Malet rappelle que le déveégalement en Afrique. Les dirigeants
loppement durable n’a de sens que
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 10

Les 11 recommandations de la CADE pour un positionnement fort et équitable de
l’Afrique face au changement climatique. De la COP 21 à la COP 22

A

la suite de cette conférence, la
Cade a rédigé des recommandations
en se basant sur les lignes de force
des interventions et sur les expériences professionnelles de certains de
ses membres.
Les recommandations de la CADE
1) De meilleures politiques d’exploitation responsable et de gestion durable des forêts, développer et professionnaliser l’agroforesterie
Pour permettre aux forêts de continuer à séquestrer du carbone, l’exploitation des entreprises forestières
doit être liée automatiquement à la
mise en place d’une régénération.
Les Etas africains doivent investir
dans les instruments et techniques de
surveillance scientifique de la santé
globale de leurs forêts. Les populations locales doivent être des parties
prenantes actives à la protection de
l’environnement et à l’aménagement
du territoire, comme tous les acteurs
de la filière bois, et en retirer des
bénéfices en matière de santé et de
sources de revenus. Les Etats doivent notamment imposer le respect
scrupuleux des règles de traçabilité
des produits bois, permettant aux
consommateurs finaux d’acheter des
produits labellisés « responsables ».
Le développement de parcs nationaux, d’élaborations de plans d’aménagement avec une gestion durable
doit s’accentuer. Un développement
et une organisation des compétences
de terrain s’imposent : prospecteurs,
abatteurs, géographes, activités de
transformation.
La mise en place d’une agroforesterie doit permettre un mieux-être des
populations qui sont appelées à en
être les acteurs, que ce soit en zone
forestière où la densité de population
l’exige ou en zone sèche pour pallier

la faiblesse du couvert végétal existant, tout en améliorant les rendements agricoles.

4) Mettre en relief les initiatives de
l’Afrique alliant adaptation et atténuation climatiques, opportunités économiques et destructions
2) Les pays africains doivent met- créatrices
tre en place de vraies politiques et
stratégies de développement et de Deux exemples :
transition énergétique, nationales Le groupe SIFCA en Côte d’Ivoire
met en construction d’une des plus
et régionales
grandes centrales à biomasse de l’AL’Afrique ne valorise qu’environ 5 à frique à partir de résidus de palmiers
7 % de son potentiel d’énergies re- à huile. ISACA, le premier collecnouvelables, pour produire de l’élec- teur de déchets, a installé à ses protricité et du carburant propre. Les pres frais deux centrales de captage
politiques de valorisation ne doivent de biogaz, évitant que le méthane
se réaliser qu’en fonction des straté- s’échappe dans l’atmosphère.
gies de leur propre développement,
puis éventuellement de possibilités 5) Revaloriser et restructurer le
d’exportation. L’une des raisons de Mécanisme de Développement
l’échec actuel du projet Désertec au Propre
Sahara tient à celà. La Commission
de l’UEMOA a mis en place un Contrairement au Fonds Vert dont
fonds de facilité et de structuration les ressources mettront du temps à se
des projets d’énergies durables de 80 mettre en place, le MDP peut être
millions d’€. Cet instrument sert de utilisé tout de suite. Il faut revalorimise à niveau et de catalyseur, afin ser les crédits Carbone : l’infrastrucd’attirer par la suite de futurs gros ture du MDP existe jusqu’en 2020 et
investissements. Mais ce montant est les décisions qui seront prises à la
très faible au regard des enjeux.
COP 21 n’auront d’effet qu’entre
2020 et 2030. D’ici 2020 c’est 2,5
3) Fonds Vert pour le Climat : milliards d’ € que l’on peut mobiliorientation stratégique, modèle de ser pour payer 500 millions par an
mobilisation de capitaux, décentrali- de crédits de Carbone africain à 5
Euros la tonne. Il y a en Afrique de
sation de labellisation de projets
nombreuses opportunités de réducLe Fonds Vert doit être un instru- tion des émissions de CO2 : la sément favorisant la justice climatique questration du carbone, les énergies
et le développement technologique, renouvelables, l’électrification déles articulations entre les politiques centralisée, rurale.
publiques et les initiatives concrètes
des communautés locales et des en- 6) Transformer la vulnérabilité
treprises. Si actuellement les projets climatique du lac Tchad en zone
doivent être soumis par l’intermé- d’incubation
socio-économique
diaire d’entités accréditées, tels quel opposée au risque d’accentuer
la Banque Mondiale, le PNUE, la l’insécurité alimentaire
BAD, l’AFD, il vaut mieux éviter de
reproduire les failles des mécanis- Un travail de convergence des intémes de développement propre pris à rêts des pays riverains du lac Tchad
la suite du protocole de Kyoto dont doit être entrepris afin de rendre efl’Afrique n’a bénéficié qu’à hauteur fectives une politique et une stratéde 3 %.
gie de transformation des vulnérabilités actuelles en un carrefour

La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 11

d’incubation
socio-économique
doté d’infrastructures adaptées,
faisant de cette région une zone
d’excellence. Ce qui implique la sauvegarde des systèmes hydrologiques,
des écosystèmes, de la biodiversité,
des activités agricoles de cette zone,
évitant ainsi les migrations climatiques propices à l’insécurité et l’incorporation des jeunes de cette zone
dans les mouvements terroristes.

Sud ont été multipliés par cinq pour
financer les centrales à charbon.
L’industrie et le secteur minier y
accaparent 60 % de l’énergie produite et le prix de l’électricité est sept
fois inférieur pour ce secteur à celui
qui est proposé aux populations !
Développement et climat sont donc
intimement liés et il ne faut pas scinder les deux problématiques.

9) Adapter les produits et services
7) Généraliser et développer la taxe d’énergies renouvelables aux cirsur les transactions financières
constances endogènes, en plus des
gros investissements dans les inLa taxe sur les transactions financiè- frastructures de production et de
res est un bon moyen, qui ne coûte distribution d’énergies
rien au contribuable et qui pourrait
s’élever à 30 milliards d’euros par L’offre des produits et des services
an, ce qui est considérable. Elle est appelée à correspondre à l’attente
pourrait être en partie reversée au économique des populations. CertaiFonds Vert. Cela permettrait d’avoir nes entreprises africaines et étrangèun impact sur le monde de la finance res proposent des kits solaires photoet d’apporter des fonds complémen- voltaïques prépayés, remboursés par
taires pour l’adaptation. Il convient des paiements mensuels par téléphode déterminer à quelle hauteur et sur nie mobile.
quels produits elle sera appliquée.
10) Savoir négocier les transferts et
8) Concilier l’industrialisation des échanges de technologies et de sapays en développement et l’exigen- voir-faire à la COP 21 et à la COP
ce de transition énergétique
22, en mobilisant au préalable ses
propres compétences et savoirs
S’agissant du développement versus
climat, des études ont démontré que Les synergies entre échanges de
les énergies renouvelables étaient technologies et formation profesplus accessibles et plus efficaces que sionnelle doivent être prioritaires, en
les centrales à charbon. Ainsi, les capitalisant au préalable les savoirprix de l’électricité en Afrique du faire locaux. Le paradigme selon

lequel les uns possèdent des technologies et les autres ne sont que des
consommateurs et acheteurs des
technologies, car incapables par euxmêmes d’en produire, doit disparaître. Il existe en Afrique des ingénieurs et des innovateurs de haute
facture, des pays comme l’Éthiopie
ou le Maroc qui font déjà preuve
d’une certaine maîtrise des technologies bas carbone, s’engagent même
dans des investissements de R&D.
Ce qui manque en Afrique, d’une
manière générale, ce sont des écosystèmes d’innovation, des laboratoires industriels, des clusters énergétiques de plus grande échelle et de
plus haut niveau.
11) Les 16 milliards de dollars de la
Banque Mondiale, les 2 milliards
d’€ de la France, promis à l’Afrique
pour l’adaptation climatique doivent être affectés en priorité à des
écosystèmes d’innovation, de compétences, combinés à des ressources
financières africaines
La formation professionnelle est à
nos yeux la priorité des priorités. La
création d’infrastructures d’innovations technologiques et sociales intégrées dans des économies circulaires, prenant en compte aussi les savoir-faire locaux, permettra aux pays
africains de préparer leurs
« autonomies techniques ».

La Cade au Sénat, le 5 novembre 2015

C

’est sur l’invitation de l’AFD
que la CADE, en la personne
de Roland Portella, son président,
fait entendre sa voix et le travail entrepris depuis une vingtaine d’années par les membres et sympathisants proches de l’association.
Gérard Larcher, président du Sénat
introduit cette rencontre. Celle-ci
s’inscrivait dans la perspective de la
tenue imminente de la Conférence
Paris Climat 2015.

Trois piliers sont mis en avant par le
Président Larcher :
1) L’énergie et les efforts des pays
émergents (bien qu’ils ne soient pas
les producteurs) pour réduire les gaz
à effet de serre qui sont néfastes
pour le climat, comme les espoirs
suscités par la Chine ;
2) L’agriculture et les défis pour
nourrir les populations tout en apportant des réponses aux besoins de
changements dans les pratiques de
production et de transformation,

La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

pour répondre aux enjeux climatiques ;
3) Les besoins sociétaux, à travers
l’accès à l’énergie des populations
des pays émergents,
La première table ronde porte sur
les « Défis liés à l’agriculture et à la
gestion de la ressource forestière. »
« Comment concilier la croissance
économique, la gestion durable des
forêts et la préservation des vies des
page 12

populations et les savoir-faire ancestraux ? Comment adapter sur le long
terme, l’agriculture et l’agroforesterie pour nourrir les populations,
assurer la sécurité alimentaire,
transformer les pratiques de production et de transformation ? »

Synthèse du constat
La question du «climat » n’est pas
un fait nouveau, mais prend, aujourd’hui, encore plus de sens, comme un éveil de la conscience pour
trouver de nouveaux modèles de
croissance qui soient adaptés aux
réalités de l’Afrique. De cette prise
de conscience dépendra l’avenir, qui
se construit au présent, car les effets
du changement climatique touchent
tous les secteurs et tous les pays.
C’est de nos droits universels d’humains d’accès à l’eau, droits à se
nourrir, d’avoir un habitat salubre,
d’être en sécurité,… dont il s’agit.
D’Afrique, la ministre de l’agriculture et des forêts de Guinée, de même
que de nombreux experts en Europe
le constatent et nous interpellent sur
les faits : la diminution des cycles
agricoles, la montée du niveau et de
la mer qui entraîne l’érosion des côtes, le déplacement des populations
vivant à proximité des rivages qui
vivent de l’exploitation des rizières,
comme en Guinée, (380 000 hectares
de rizières dont 140 000 pris sur la
mangrove, qui font vivre le quart de
la population) ou de la forêt, comme
au Congo.

sans prendre en considération les
savoir-faire ancestraux et ce qu’elles
pratiquent depuis des décennies,
alors même qu’elles subissent, par
ailleurs, les effets de la déforestation.
La forêt, nous dit-il, représente 6 %
du PIB africain avec une progression
sur les 30 années à venir si la valorisation de ce capital est exploitée. Au
Congo, seulement 5 millions d’hectares sur 200 font l’objet d’une politique d’aménagement et de gestion
durable de la forêt. Il faut tenir
compte des 40 millions de personnes
qui vivent dans la forêt et les accompagner.
Le Gabon, le Ghana, la Côte d’Ivoire, sont ou ont été des pays leaders
en exploitation de bois. La déforestation est principalement due à une
politique d’expansion des agricultures intensives de cacao et de café
comme en Côte d’Ivoire. La
confrontation entre le monde paysan
et le monde industriel entraîne, nous
dit Roland Portella, de nombreux
conflits concernant le traitement des
problèmes de santé et crée un climat
d’insécurité. Ce dernier point
conduit d’ailleurs à préconiser un
statut de ministère régalien à l’administration concernée. Les diverses
parties prenantes veulent faire entendre leur voix dans la construction
d’un dialogue avec l’Etat, participer
à la mise en œuvre stratégique de
l’action et ainsi contribuer à la bonne
gouvernance des ressources foncières locales.
Selon lui, les plans d’aménagement
permettent de gérer durablement les
forêts, mais sont peu utilisés comme,
par exemple, au Congo (deuxième
poumon écologique de la planète)
avec des capacités de puits de carbone conséquentes.

clarté et de stratégie des États, face
aux filières bois et forêts où la pénurie de compétences se fait sentir pour
relever les défis que suscitent l’exploitation et la gestion durable des
forêts. Les équipements de formation font défaut. Les concessions
sont transmises à des entreprises
asiatiques qui n’apportent pas de
réponse au chômage des jeunes qui
veulent travailler dans ce secteur, car
celles-ci arrivent avec leurs ouvriers
pour couper le bois et parfois commencer à le transformer.
Le président Portella apporte, à l’issue de son intervention, quelques
perspectives sous forme de préconisations qui pourraient contribuer à la
réflexion stratégique des décideurs
africains :
La forêt, comme capital naturel, est à
préserver sur le long terme. De nombreuses personnalités politiques tentent de mettre en place des techniques agro-forestières pour inciter
les paysans et les entreprises forestières à planter des arbres chaque
fois que l’on défriche.
Des moyens financiers sont nécessaires, selon Roland Portella, par
exemple 200 millions de dollars seraient nécessaires au CongoBrazzaville pour appuyer ses plans
de reboisement.
La création de centre(s) de formation technique pour la formation
des jeunes dans le secteur de l’agroforesterie pour répondre aux besoins
structurels du développement de la
mécanisation et de la transformation
dans les filières bois et apporter ainsi
un début de réponse au chômage des
jeunes.

Le président Portella, seul représentant de la société civile de la table
ronde, présente la CADE. Il introduit
sa démonstration par des anecdotes
pour illustrer son propos. Celle d’entrepreneurs qui viennent à la renAccompagner les partenariats stracontre des communautés pygmées
pour organiser la gestion de la forêt Cependant, il relève le manque de tégiques pour développer l’expertise
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 13

des décideurs sur la gestion des ressources naturelles et, notamment,
l’eau, la forêt.
Accompagner, co-animer les partenariats stratégiques avec les parties prenantes sur le droit des populations et faciliter le dialogue.
Christine Courty
Consultante pour IDEA’NIM
©, membre de la CADE
Le lien suivant vous conduit à la retranscription intégrale des deux tables rondes
de la rencontre du 5 novembre au Sénat :
« L’Afrique les défis de l’Afrique face
au changement climatique »

http://www.senat.fr/ga/ga130 ga1301.html

Table ronde 2 - Les défis liés à l’énerTable ronde 1 - Les Défis liés à l’agri- gie : production et accès :
culture et à la gestion de la ressource
M. Mohamed Salem Ould Bechir,
forestière :
Ministre du Pétrole, de l'énergie et des
Mme Jacqueline Sultan, Ministre de mines de Mauritanie, Président du
l'Agriculture de Guinée.
Conseil des ministres de l'Organisation
pour la Mise en valeur du fleuve SénéM. Roland Portella, Président de la gal.
Coordination pour l'Afrique de demain.
Mme Rima Le Coguic, Responsable de
M. Yvon Collin, Sénateur du Tarn-et- la division Transports et énergies duraGaronne, co-auteur avec Mme Fabienne bles à l'Agence française de développeKeller, du rapport d'information au nom ment.
de la commission des finances du Sénat
sur les financements en matière de lutte M. Gilles Vermot Desroches, Directeur
contre le changement climatique en fa- du développement durable de Schneider
veur des pays les moins avancés.
Electric.
M. Jean-Luc François, Chef de la divi- M. Quentin Sauzay, Chargé de mission
sion Agriculture, développement rural, auprès du Premier ministre du Bénin.
biodiversité à l'Agence française de développement

Point de vue de terrain

Face au changement climatique, perceptions et stratégies d’adaptation
des agriculteurs en Côte d’Ivoire
En Afrique, l’impact du changement climatique se présente avec une certaine acuité qui menace la croissance
et le développement durable. Les principales activités
génératrices de revenus y sont essentiellement rurales
(agriculture, élevage, pêche, etc.). Ces activités dépendent et sont à la limite tributaire des facteurs climatiques. 75 % de l'agriculture en Afrique subsaharienne est
basée sur la pluie. Hausse des températures, chute des
précipitations, irrégularité des pluies, déplacement des
saisons, désertification, perte de récolte en sont les principaux effets annoncés sur le secteur agricole africain.
L'Afrique se positionne au rang des régions les plus
vulnérables en raison de sa dépendance de l’agriculture
qui reste assujettie au climat. Outre la menace qu’il
exerce sur les ressources naturelles, le changement climatique exacerbe, par conséquent, l’insécurité alimentaire, particulièrement en Côte d’Ivoire. Ces bouleversements provoquent une grande désorganisation des agriculteurs qui se trouvent davantage vulnérabilisés, conséquence de la perte de leurs anciens repères saisonniers,
de l'accroissement des pertes de récoltes et des menaces
sur la sécurité alimentaire. Au regard de leur vulnérabilité face aux changements climatiques, la population
paysanne commence à donner des significations à ce qui
leur arrive.
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

Le changement climatique conséquence de la
régression du temps ?
Quoiqu’observant les principaux effets du changement
climatique notamment la hausse des températures et
subséquemment la modification du zonage climatique
ivoirien, la rareté des précipitations demeure auprès des
agriculteurs sa caractéristique principale probante. « Il
n’a pas plu » qui est l’expression couramment employée représente tant l’irrégularité des pluies (« la
pluie n’est pas venue au moment où les cultures en
avaient le plus besoin c'est-à-dire avant les semis, pendant ou juste avant la récolte des cultures »), que sa
variabilité locale (quantité insuffisante) ainsi qu’elle en
décrit les conséquences négatives sur les cultures.
Le manque de pluie aurait ainsi pour source une régression du temps. À la différence du temps passé caractéristique d’abondance et de clémence de la nature tout
autant que des génies protecteurs des villageois, du fait
que la nature était vénérée et méritait le respect des
hommes pour ses bienfaits, l’époque moderne se caractérise par la transgression tous azimuts des préceptes
coutumiers.

page 14

suffisamment mais depuis qu’il y a eu la crise, les pluies
ont beaucoup diminué. Le sang est trop versé, les tueries sont trop et l’Éternel n’est pas content de nous,
c’est pourquoi il ne pleut plus comme par le passé."

Des pratiques adaptatives aux résultats mitigés
Les pratiques d’adaptation dans les sociétés rurales ivoiriennes restent encore aujourd’hui à dominante cultuelle
et culturelle. Elles renvoient principalement aux rituels
de demande de la pluie qui, selon la région, sont constitués d’adoration et offrandes aux ancêtres ainsi que de
Cabosses de cacao atteintes de la maladie de la pourriture brune du
danses expiatoires de femmes badigeonnées de kaolin.
cacao
Chronologiquement, l’adoration des rivières et des terres sacrées représentent les premiers rituels pratiqués.
Ils sont exécutés individuellement en fonction de la relation que chacun entretien avec la nature. Le recours
aux mesures non rationnelles semble donc prédominer
dans les pratiques adaptatives des communautés rurales.
Toutefois, ces pratiques traditionnelles ont désormais
très peu d’influence sur la productivité agricole ; inefficacité liée à l’incapacité des paysans à offrir des cérémonies fastes et des offrandes conséquentes aux génies.
Cabosses de cacao atteintes de la maladie de la pourriture brune du
cacao

Champ de riz détruit par le prolongement de l'ensoleillement dans
l’ouest montagneux ivoirien

À cet effet, déforestation, non-respect des coutumes par
la jeunesse, irrévérence des nouvelles églises protestantes, etc. en sont localement responsables. Mais pas seulement.

Conséquence de la perte du pouvoir d’achat des agriculteurs, les génies protecteurs ont également perdu leur
pouvoir de venir en aide aux humains. Plutôt que d’offrir en sacrifice des bœufs et moutons comme par le
passé, les paysans n’arrivent à offrir aujourd’hui que
des poules que les génies protecteurs n’affectionneraient
pas. Selon les anciens, la résilience cultuelle qui a donné des résultats probants par le passé est désormais aujourd’hui inefficace. Même s’ils aboutissent toujours à
la tombée de la pluie, celle-ci se produit généralement
au mauvais moment sans tenir compte du calendrier
agricole paysan. Les rituels d’appel à la pluie produisent
ainsi désormais des résultats mitigés.

Des pratiques agricoles en mutation
Si le changement climatique a produit des impacts négatifs sur le système agricole ivoirien, il a par ailleurs eu
pour mérite de faire évoluer rapidement les pratiques
agricoles pour s’y adapter. Ainsi aujourd’hui, la diversification culturale, la rotation des cultures et l’usage de
semences adaptées permettent de faire face adéquatement aux changements climatiques tant ces pratiques
minimisent les risques liés au climat. Dans ce contexte,
le calendrier agricole s’en trouve repensé par des aménagements favorisant de bonnes récoltes. Dans ce sens,
le principe de rotation des cultures permet le semis selon la présence ou l’absence de la pluie passant des
cultures moins exigeantes en eau à la culture exigeant
beaucoup d’eau et vice-versa.

Tant les deux principales crises de 2002 et 2010 ont
engendré de nombreuses tueries et de sang versé en Côte d’Ivoire, elles sont également évoquées comme responsables de la chute des précipitations. D’autant plus
qu’elles ont souillé le sol pur du pays, elles ont, en
conséquence, provoqué le courroux des dieux tant animistes que chrétiens et musulmans sur le peuple de Côte
d’Ivoire. C’est dans cette optique que les villageois tant
du Nord (Sénoufo) que de l’Ouest (Man) affirment que L'augmentation de la productivité nécessitant l'utilisa"Il y a un grand changement parce qu’avant il pleuvait tion de variétés améliorées, les semences traditionnelles
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 15

* Le nerica mis au point à l'origine par des chercheurs de
l'Association pour le développement de la riziculture en
Afrique de l'Ouest (ADRAO), un centre intergouvernemental de recherche sur le riz. Issu du croisement d'une
ancienne variété africaine très résistante et d'une variété
asiatique à haut rendement. il allie les caractéristiques de
ces deux variétés : la résistance aux agressions extérieures
que sont la sécheresse et les maladies courantes du riz et
Sadia Chérif
Socio-anthropologue, les parasites, des rendements supérieurs même avec peu
Spécialiste de l’adaptation au changement climatique d'irrigation ou d'engrais et une teneur en protéines plus
élevée que les autres variétés de riz et un cycle de croisUniversité Alassane Ouattara – Côte d’Ivoire
sance réduit.
Tél : +33 6 65353921
cherif.sadia@yahoo.fr

étant inadaptées aux nouvelles conditions pluviométriques, il est certain que les semences améliorées le soient
mieux. Les paysans Dan et Senoufo pratiquent la culture de riz pluviale (nerica)* à cycle court (3 mois) en
substitution de la variété traditionnelle villageoise à cycle long (6 mois).

Transition énergétique et modèles de financement des énergies
renouvelables pour l'Afrique.
La problématique de l’accès à l’électricité.

A

fin de répondre à la demande d’énergie et d’électricité des Etats africains, plusieurs questions se
posent et méritent d’être développées :
Quelle est la cartographie des problématiques et des enjeux énergétiques actuellement en Afrique ? Les Etats
africains doivent-ils investir massivement dans la transition énergétique et la production d’énergies renouvelables ? Quelles sont les stratégies à développer, les types
et modèles de financement à mettre en place ? …
I Cartographie des problématiques et des enjeux
énergétiques
L’insuffisance de disponibilité constante de production
et d’infrastructures électriques en Afrique fait perdre au
continent 2 à 3 point de croissance du PIB annuel, freine
la véritable réalisation des potentiels de croissance sociale et de développement humain.
L’article « L’énergie en Afrique subsaharienne » de
Jean Roch (ancien chercheur au CIRAD et à l’IRD)
dans la Lettre de la Cade n°146/147, page 13, contient
une figure de la situation.

« transition énergétique » s’ils ne jouent qu’un rôle mineur dans les émissions mondiales de carbone. Tout
dépend des situations politiques et des potentiels de
valorisation des ressources énergétiques que possède
un pays. N’est-ce pas l’Afrique du Sud, qui va réinvestir dans les centrales électriques alimentées au
charbon, pour assurer sa production électrique ?
Les dirigeants de cet Etat estiment prioritaire de
contrecarrer les risques de recul industriel et de contenir les tensions sociales venant des populations les
plus vulnérables. Certains pays d’Afrique de l’Ouest,
non producteurs de pétrole ou de gaz, possèdent des
sources énergétiques à dominante de biomasse telles
que le bois, charbon de bois et déchets végétaux.
Mais leurs usages affectent l’équilibre de la biodiversité, en dégradant des écosystèmes forestiers. Le Sénégal opte actuellement pour une politique énergétique permettant d’assurer l’accès à l’énergie pour 50
% de la population qui en est privée et de tripler le
taux d’électrification dans les zones rurales de 2014 à
2016. Cette politique est basée sur la « diversification
énergétique » en satisfaisant 20 % de ses besoins en
électricité par des énergies renouvelables.

II L’Afrique doit-elle investir massivement dans la
« transition » énergétique alors que la plupart de ces Nécessité de politiques régionales et sous régionales
pays dit « en développement » n’ont pas encore atteint un niveau suffisant d’industrialisation ?
La plupart des pays africains ont adopté ces 20 dernières années des politiques plutôt individuelles en
Les choix politiques
matière de développement énergétique. Selon nous,
l’engagement dans la transition énergétique devrait
Certains Etats africains pourraient se poser la question passer par des politiques régionales ou du moins sous
des choix entre une politique de « simple développement -régionales, tout en gardant pour chaque Etat un pan
énergétique » car ils n’ont pas encore atteint un niveau
de souveraineté énergétique et électrique.
d’industrialisation suffisant et une politique de
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 16

En effet les défis d’accès constant et de distribution
de l’électricité étant énormes, il faut des politiques de
convergence énergétique dans la production d’énergies renouvelables, notamment par des harmonisations réglementaires, fiscales et l’interconnexion des
systèmes électriques.
Ceci permettrait à des investisseurs privés de production et de distribution d’électricité à base d’énergies
renouvelables de réaliser des économies d’échelle, les
marchés intérieurs nationaux pouvant être trop
étroits.

Les stratégies de développement à adopter
Les États africains, face à ces potentiels d’investissement, doivent rigoureusement adopter des politique et
stratégies d’investissement des énergies renouvelables, endogènes et non extraverties. Il est impératif de
tenir compte des graves erreurs du passé des politiques de rente, basées sur les simples extractions et
exportations des matières premières et ressources naturelles, qui n’ont que faiblement produit emplois et
technologies.

Ainsi en Afrique de l’Ouest, le Centre Régional de la
CDEAO pour les Energies Renouvelables, a mis en Valorisation et transformation industrielle
place en 2013 des programmes d’harmonisation des
cadres institutionnels et de promotion des énergies Quelles que soient les situations particulières de chaque pays, l’une des lignes stratégiques communes
renouvelables pour ses pays membres et au-delà.
doit être de transformer les politiques d’efficacité
énergétique en opportunités réelles d’investissements
III Comment bâtir des stratégies de développe- et de création de richesses. Selon nous, les stratégies
ment des énergies renouvelables, quels types de de transition énergétique doivent permettre la création
d’emplois productifs, la montée en compétence techfinancement déployer ?
nique et maîtrise des technologies. Cela peut permettre une industrialisation en Afrique des infrastructuLe potentiel d’investissement dans les énergies re- res, des systèmes, des produits et consommables à
base d’énergies renouvelables. Cette industrialisation
nouvelables
des énergies renouvelables peut permettre une indéLe continent africain possède d’abondantes ressour- pendance énergétique des villes, territoires et commuces en énergies renouvelables avec des potentiels en nautés locales par des productions et systèmes décenhydraulique, de géothermie, de biomasse, de solaire tralisés d’électricité.
et d’éolien, encore assez peu valorisés. L’ensoleillement est de 5 à 7 kwh/m2/jour. Le potentiel en hydroélectricité n’est exploité qu’à hauteur de 5 %. Les Chaînes de valeurs et structuration des filières
raisons de ces insuffisances d’exploitation tiennent,
en dehors des politiques nationales et régionales en- Les stratégies de développement doivent se baser auscore peu incitatives à l’investissement, à des insuffi- si sur l’organisation des différentes filières et le posisances de stratégies de développement. De 2014 à tionnement dans les chaînes de valeurs régionales,
2020 la part des énergies vertes dans la production mondiales des énergies renouvelables. Chaque pays
d’électricité devrait progresser de 45 %. Si l’on croise doit établir la cartographie de ses potentiels de resles différentes analyses et prospectives des organis- sources naturelles et énergétiques renouvelables, de
mes internationaux en charge de l’énergie, des ban- ses capacités en compétences et en technologies,
ques d’investissement, de fédérations industrielles, fournissant ainsi son évaluation en compétitivité dans
l’Afrique pourrait drainer près de 700 milliards de la production, distribution des énergies renouvelables
dollars d’ici 2025, en raison de tout son potentiel en et d’électricité. L’accent sera mis dans la montée en
ressources énergétiques. A titre de comparaison, sur gamme par les pays africains dans la fabrication inla même période, le potentiel d’investissement dans dustrielle de centrales et mini centrales, de stockage,
le secteur des biens de consommation est de 1 100 de distribution, de transports, interconnexions de distribution et de transport d’électricité.
milliards de dollars.
L’échec du grand projet Désertec
Comment analyser l’échec actuel du grand projet Desertec ?
Un projet évalué à 400 milliards d’€, qui avait pour
ambition de produire de l’énergie solaire au Sahara
pour fournir de l’électricité à l’Europe. D’un consortium de plus de 50 entreprises industrielles et finanLa Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 17

cières, dont les trois-quarts étrangères, il ne resterait à
ce jour que 7 partenaires. Les raisons de l’échec, outre les coûts supplémentaires que le projet engendrerait notamment dans les lignes de distribution et de
stockage, sont que les acteurs politiques et industriels
nationaux et locaux d’Afrique du Nord estiment que
le projet est extraverti et peu inclusif, peu intégrateur
de technologies locales, et la véritable orientation
stratégique doit prioriser l’électrification de l’Afrique
afin de soutenir sa croissance économique et sociale,
plutôt que ravitailler en électricité l’Europe.

claires et adaptées aux consommateurs ; prise en
compte des chaînes de valeurs et une détection des
filières les plus porteuses ; mutualisation des intérêts
et de partage des risques d’investissements entre secteur public et secteur privé ; répartition nette de prise
en charges des investissements structurels en infrastructures / systèmes de production des énergies renouvelables et production industrielle / distribution /
commercialisation).
Les types de financement pour soutenir la transition énergétique et les énergies renouvelables

Faire émerger des entreprises et des entreprePlusieurs types et sources de financement existent
neurs locaux face aux firmes internationales
déjà en Afrique, notamment des financements des
Afin d’assurer un équilibre dans le paysage des entre- bailleurs de fond internationaux et africains par des
prises du secteur des énergies renouvelables en Afri- prêts à taux bonifiés, par des aides publiques au déveque, il est impératif que des entreprises locales, des loppement notamment pour financer les politiques et
grandes entreprises ou des PME, se créent et se déve- programmes de développement des énergies renouveloppement, face aux firmes internationales. Le nom- lables ou de lutte contre la fracture énergétique. La
bre d’entreprises africaines en la matière reste généra- Banque Africaine de Développement a créé un fonds
lement faible à l’exception des pays comme le Maroc de 100 millions de dollars pour favoriser la producet l’Afrique du Sud qui ont quelques champions na- tion d’énergies renouvelables, le Fonds Africain des
tionaux. Qui sait par exemple qu’un entrepreneur ca- Énergies renouvelables. Ce montant est extrêmement
merounais, Guy Tchuilieu Tchouanga, ingénieur en faible au regard des défis et des enjeux.
électromécanique, DG de Ecosun Solutions, détenteur de plusieurs brevets, fut l’un des tous premiers L’avenir et le véritable challenge sont la mobilisation
Africains à se lancer et à entrer en compétition en de capitaux de plus grande ampleur pour créer en
Afrique avec la grande entreprise chinoise Suntech ? Afrique plusieurs fonds structurels favorisant les proEcosun Solutions a développé des systèmes aussi grammes, l’organisation et la structuration des filièbien en énergie thermique (chaleur) qu’en photovol- res, des écosystèmes de production et d’innovation de
taïque (électricité)*.
technologies vertes, d’instituts de formation professionnelle pour préparer les compétences d’avenir. Ces
fonds structurels pourront servir de levier pour attirer
les sources de financements privés en capital venant
Les modèles d’investissement
des fonds de private equity pour les entreprises évoLe secteur énergétique est très capitalistique. D’où la luant dans le domaine des énergies vertes et de l’effinécessité, pour la transition énergétique, en sus des cacité énergétique. Puisque la production et le busiinvestissements publics à long terme, de faire interve- ness d’énergies renouvelables peuvent être décentralinir des acteurs nationaux et internationaux du secteur sés, les financements décentralisés, participatifs et de
privé qui maitrisent les technologies. Pour que des proximité pourront intéresser des épargnants et invesmodèles d’investissement et de financement adéquat tisseurs des territoires, des diasporas qui veulent inpuissent se pérenniser, il est impératif pour les États vestir dans leurs territoires d’origine.
africains de remplacer les incohérences stratégiques
par de véritables stratégies de développement. Une
harmonisation des politiques publiques énergétiques
Roland Portella
Administrateur et développeur d’entreprises
est nécessaire. L’exemple palpable est l’inefficience
Président de la CADE
du barrage hydraulique d’Inga qui en est à son projet
III, et qui a déjà coûté plus de 40 milliards de dollars,
alors qu’à peine 20 % de son potentiel en hydroélec* Pour en savoir plus voire son portrait sur le site de la CADE : http://
tricité est exploité.
www.afrique-demain.org/portraits-dentrepreneurs.
Les modèles d’investissement pour une montée en
gamme des politiques de transition énergétiques sont Extraits d’un article publié in-extenso dans « Géopolitique africaine » de
diverses en fonction des besoins de chaque État et des décembre 2015 sous le titre : « Un énorme potentiel dans la transition
différentes demandes de contreparties (structuration énergétique en Afrique. »
des projets d’investissement ; politiques tarifaires
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

page 18

L A PA G E E C O N O M I Q U E
« Sauver le lac Tchad !»
L’assèchement
Le lac Tchad est une cuvette dotée d’une nappe d’eau
peu profonde. Il s’inscrit dans un bassin hydrographique
peuplé par 47 millions d’habitants, à cheval sur quatre
pays, le Niger, le Tchad, le Nigeria et le Cameroun.
Le lac s’est beaucoup asséché, au point que sa superficie
n’atteint plus aujourd’hui que 2 500 km², soit dix fois
moins que dans les années 1960 ! La nature n’est pas la
seule en cause, comme l’a rappelé le ministre de l’hydraulique du Niger : « Il y a quelques années, c'était
seulement un drame écologique. Aujourd'hui, c'est devenu un drame humain ». Faute d’amélioration des conditions de vie des riverains du lac, les jeunes vont migrer
vers le sud ou ils seront tentés * de rejoindre les rangs
de « Boko Haram » **, qui est à l’origine du déplacement de près de 1.4 million de personnes du Nord du
Nigeria.

Les dommages causés par l’assèchement du lac et
l’insécurité
L’assèchement du lac Tchad, alimenté par les fleuves
Chari et Logone, est dû à la surexploitation et à la baisse
du débit de ses affluents. Ce phénomène a entrainé
d’importants changements sociaux, auxquels s’ajoute le
renforcement de la menace terroriste.
- La situation sanitaire s’est aggravée, comme l’a indiqué une jeune fille peul au cours d’un récent colloque :
« Les lacs se tarissent et le manque d’eau est un vrai
problème. De nouvelles maladies apparaissent comme
le choléra ou la typhoïde »
- Boko Haram : « une prédation agricole totale » ***
La région sert de repaire aux membres de la secte. Ils y
raflent du bétail et des récoltes. « Ils contrôlent la pêche et sa transformation. Et prélèvent des taxes sur ce
marché du poisson séché, produit de base de l’alimentation locale.» Ils confisquent du poisson fumé et séché
(carpes et silures), revendu à des commerçants véreux
qui les écoulent au Nigeria. Des dividendes, des vivres
ou du carburant seront ensuite reversés aux insurgés
côté Nigeria.
Le gouvernorat de Diffa **** vient d’interdire temporairement le commerce du poivron et du poisson fumé,
ce qui « entraînera sans doute des pertes de revenus
pour des foyers du Sud-Est du Niger, mais c’est le prix à
payer pour assécher Boko Haram ».
La secte aurait besoin «environ de 2 millions de dollars
de recettes mensuelles» et la ressource du lac assurerait
une bonne part de son financement.

Comment améliorer la situation ?
Les climatologues pensent que les longues années de
La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

sécheresses suivies de fortes inondations dans la zone
sont un effet du réchauffement climatique. Par contre,
L’Institut de recherche pour le développement (IRD) a
publié en 2014 une étude qui n’établit pas un lien direct
entre l’augmentation ou la baisse de la pluviométrie et la
disparition de l’eau du lac. Les chercheurs avancent que
l’exondation du lac accroit l’offre de terres arables et de
pâturages et que la pêche reste productive. Ils notent que
« l’un des problèmes clefs qui se posera, c’est celui de
l’accès et des règles d’accès aux ressources naturelles…Il faut en effet pouvoir garantir que certaines populations, comme les migrants, les cadets sociaux ou les
éleveurs ne soient pas exclus ».
- S’agissant des mesures à prendre pour améliorer la
situation, la Commission du bassin du lac Tchad
(CBLT) a présenté un plan d’action pour aider la zone à
s’adapter au changement climatique. Son coût est estimé
à 916 millions de dollars pour la période de 2016 à
2025. Il est notamment prévu de construire des routes,
pour aider au commerce et améliorer la qualité et le niveau d’eau dans le lac.
Par ailleurs, un projet pharaonique est proposé pour sauver le lac Tchad. Il consisterait à construire un canal de
plusieurs centaines de kilomètres de l’Oubangui vers le
Chari qui alimente le lac. Non seulement très coûteux,
ce projet est contesté par certains scientifiques, qui
considèrent que l’assèchement du lac est un phénomène cyclique et qu’il faut renoncer au projet.
Quelques propositions, plus raisonnables, viennent d’être faites dans le cadre des rencontres de la conférence
de Paris sur le climat (COP21)
- Le président Hollande a annoncé que la France triplera
ses engagements en faveur de la lutte contre la désertification, pour atteindre en 2020 une aide bilatérale de 1
milliard d’euros par an. Une part des financements sera
affectée à la protection du lac Tchad.
- La Banque Mondiale apportera son aide à la préparation des dossiers de financements liés à la région ainsi
qu’une réorientation des plans nationaux d’aides des
pays frontaliers.
Il faut attendre la signature de l’accord de la COP21
pour savoir quels moyens seront accordés à l’Afrique
pour lutter contre le réchauffement climatique et quelle
sera l’envergure des programmes consacrés à l’amélioration des conditions de vie des riverains du lac Tchad.
Jean Roch
* Le mouvement terroriste leur offre une rémunération et, souvent, une fiancée captive.
** Boko Haram signifie « le livre est un péché » en langue haoussa.
*** Journal Libération, 19 novembre 2015.**** La province de
Diffa est frontalière avec le Nord-Est du Nigeria, le fief des insurgés.
page 19

tés civiles, pour l’intérêt général des populations ?
Un état des lieux justifiant un travail préparatoire
de longue haleine devrait permettre d’identifier
clairement les cibles : les populations les plus fragilisées, les zones à risques d’inondation ou de submersion, de sécheresse extrême, les forêts à préserver, les besoins de formation pour accompagner les
processus d’adaptation et les bonnes pratiques en
matière d’économie d’énergie. Un recensement des
pratiques et des compétences endogènes est un préalable indispensable pour faire des populations africaines les acteurs de leur adaptation au changement
climatique et de leur développement.
On lira ci-dessous* que l’Afrique ne manque pas
d’initiatives pour développer des entreprises « bas
carbone ». Elle a en main, pourvu qu’elle soit soutenue par la communauté internationale, mais aussi
par une volonté politique localement affirmée, des
atouts considérables pour s’industrialiser et se développer sans passer par l’étape des énergies carbonées, comme l’ont fait les pays actuellement industrialisés, tant l’inventivité des citoyens, peuples et
innovateurs africains est source de progrès possible. Dans ce processus de développement durable
où l’Afrique doit s’engager, celle-ci ne doit pas
continuer d’attendre l’aumône des pays riches, attitude psychologiquement désastreuse, mais montrer
son exigence de relations partenariales équilibrées.

Jean Brice Simonin, vice-président
Philippe Mathieu, administrateur

* cf : l’article « La Cade au Sénat » et le lien sur la
conférence-débat du 5 novembre « Les défis de
l’Afrique face au changement climatique » à laquelle la Cade a participé.

Agenda de la CADE
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Coordination pour l’Afrique de Demain
(CADE)
Association Loi 1901
Président : Roland Portella
Président d’honneur : Michel Levallois
Vice-présidents : Raymond Césaire, Jean Brice Simonin,
Secrétaire générale : Claudie Lasserre-Rasoazanamanana
Trésorier : Gaylord Lukanga Feza
La Lettre de la CADE
Directeur de publication : Roland Portella
Comité de rédaction : Jean-Loïc Baudet , Raymond Césaire,
Michel Levallois, Philippe Mathieu, Jean Roch, Henri Senghor,
Jean Brice Simonin.
Iconographie, mise en page et maquette :
Urmine Gounongbé
Crédits photos RD : Jean Brice Simonin / CADE

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La Lettre de la CADE n° 174 – premier trimestre 2016

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