Le syndrome de Jérusalem(1) PDF


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Le syndrome de Jérusalem

Parmi la foule des voyageurs, pèlerins ou touristes qui se pressent à Jérusalem depuis des
siècles, un petit nombre est victime de ce que les spécialistes appellent le syndrome de
Jérusalem, sorte de bouffée délirante issue d’un choc émotionnel non maîtrisable lié à la
proximité des Lieux saints. Chaque année, une quarantaine de personnes seraient hospitalisés
à Jérusalem pour ce type de symptômes. Certains se prennent pour le Messie ou pour des
personnages bibliques, haranguent les foules ou adoptent des comportements peu
conventionnels, comme cette Anglaise qui, dans les années 1930, était convaincue du retour
imminent du Christ et qui montait régulièrement sur le mont Scopus pour accueillir sa venue
avec une tasse de thé.
Les médecins de Jérusalem sont habitués à recevoir dans leurs services d’urgences de faux
messies et nombre d’illuminés attirés par l’aura mystique de la Ville sainte. À l’approche de
l’an 2000, la police de Jérusalem renforça d’ailleurs sa surveillance près des Lieux saints et
Israël mobilisa ses psychiatres et psychologues pour faire face à une pandémie de ce genre.
Même si une demi-douzaine de "faux messies" ont répondu à l’appel le 1er janvier 2000, il y
eut en fait beaucoup moins de syndromes que prévu.
Les spécialistes de l’hôpital psychiatrique de Kfar Shaul à Jérusalem ont publié en août 2000
dans leBritish Journal of Psychiatry une étude qui fait le point sur ce syndrome :

Introduction

Jérusalem, une ville qui combine le sens du sacré, de l’histoire et du paradis, exerce une
attraction sans égal pour les croyants de plusieurs religions du monde - en particulier les juifs,
les chrétiens et les musulmans. Quand les gens rêvent de Jérusalem, ils ne voient pas la
Jérusalem moderne et politiquement controversée, mais plutôt la ville sainte religieuse et
biblique. Depuis 1980, les psychiatres de Jérusalem ont rencontré un nombre croissant de
touristes qui, en arrivant à Jérusalem, souffrent de décompensation psychotique. En raison de
la fréquence élevée de ce phénomène, il a été décidé de diriger tous ces cas vers un seul
établissement — l’hôpital psychiatrique de Kfar Shaul — pour des conseils psychologiques,
une intervention psychiatrique et, si nécessaire, une admission à l’hôpital. Sur une période
de 13 ans (1980-1993), 1200 touristes avec des problèmes mentaux graves liés à Jérusalem
ont été dirigés vers cet établissement. Parmi ceux-ci, 470 ont été admis à l’hôpital qui voit en
moyenne 100 touristes par an pour cette affection, dont une quarantaine doivent être
hospitalisés.
Sur la base de l’expérience clinique, nous avons identifié trois types principaux de patients
affectés du syndrome de Jérusalem :
Raison de la venue à
Type
Jérusalem

Type
1

Idéation religieuse
psychiatrique, Besoi
n d'accomplir une
mission

Mode de
voyage

Maladie mentale
préexistante

Généralemen Passé
t seul
psychiatrique
connu :
schizophrénie ou
maladie bipolaire

Sous-types

1a : Identification à un
des personnages de la
Bible

1b : Identification à
des idées politiques ou
religieuses
1c : Idées magiques
concernant les
possibilités de
guérison/santé/maladi
e liées à Jérusalem
1d : Problèmes
familiaux
Type 2 Curiosité et pensés
étranges (non
psychotiques) ou
de mission

Généralemen Désordres
2a : Apparaît dans les
t en groupe, mentaux non
groupes
parfois seul
psychotiques :
désordres de la
personnalité, idée
fixe
2b : Individuel

Type 3 Syndrome de
Jérusalem de type

discret
Touristes
Avec des
normaux (élevés dans amis ou de la
un contexte religieux) famille,
souvent dans
le cadre d'un
voyage
organisé

Pas de passé
psychiatrique ou
de
psychopathologie
s connus

Pas de sous-types:
tous les cas sont
caractérisés par sept
étapes cliniques.

Type 1: Le syndrome de Jérusalem sur fond de maladies psychotiques préexistantes
Le type 1 concerne les individus pour lesquels une psychose a déjà été diagnostiquée avant
leur visite en Israël. Leur motivation pour venir en Israël est directement liée à leur
état mental et à l’influence d’idées religieuses, allant souvent jusqu’à l’aveuglement, les
contraignant à venir à Jérusalem pour y faire ‘quelque chose’. Le type 1 peut être subdivisé
dans les quatre sous-types suivants.
Sous-type 1a: identification psychotique à des personnages de la Bible
Les individus de ce sous-type s’identifient fortement à des personnages de l’Ancien ou
du Nouveau Testament ou sont convaincus qu’ils sont eux-mêmes un de ces personnages.
Leur conviction atteint des dimensions psychotiques. Les touristes juifs s’identifient
généralement à des personnages de l’Ancien Testament et les touristes chrétiens à
des personnages du Nouveau Testament ; dans la même veine, les hommes et des femmes
s’identifient généralement à des personnalités masculines et féminines respectivement.
Exemple : Un touriste américain âgé d’une quarantaine d’années, souffrant de schizophrénie
paranoïde, avait été admis à l’hôpital et traité durant plusieurs années aux Etats-Unis. Il a
commencé à travailler sur son image corporelle, en faisant du sport et de l’haltérophilie, dans
le cadre d’un programme de réadaptation. Avec le temps, il commença à s’identifier avec
le personnage biblique de Samson. Finalement, il fut submergé par une compulsion pour venir
en Israël afin de déplacer un des blocs de pierre géants formant le Mur Occidental (Mur des
Lamentations) qui, selon lui, n’était pas à la bonne place. En parvenant au Mur Occidental, il
essaya de déplacer une des pierres. Ses actions ont déclenché un émoi épouvantable,
nécessitant l’intervention de la police et son placement à l’hôpital psychiatrique de Kfar
Shaul.
Contrairement à l’usage, le psychiatre de permanence contredit les idées illusoires du patient,
lui disant qu’il ne pouvait pas être Samson et que, selon la Bible, Samson n’avait jamais été à
Jérusalem. Le patient réagit à cela avec colère, devint agressif, cassa une vitre et s’échappa
par la fenêtre. On fit sortir une équipe pour le chercher et une élève-infirmière le trouva
debout à un arrêt d’autobus. En faisant preuve d’une sagesse remarquable, elle lui dit qu’il
avait prouvé qu’il possédait des qualités semblables à celles de Samson et qu’il pourrait
maintenant retourner à l’hôpital, ce qu’il fit de son propre chef. Un examen hospitalier montra
qu’il était dans un état psychotique aigu : il était convaincu qu’il était Samson et qu’il avait
une mission à accomplir. Après avoir reçu une médication antipsychotique, il se calma et
revint en état de retourner chez lui en avion, escorté par son père.

Sous-type 1b: identification psychotique à une idée
Les individus de ce sous-type s’identifient fortement à une idée (habituellement de nature
religieuse, parfois de nature politique) et arrivent à Jérusalem pour agir selon cette idée.
Exemple :Un Protestant d’Amérique du Sud conçut un plan pour détruire les Lieux saints
islamiques afin de les remplacer par des Lieux saints juifs. La deuxième étape de son plan
était ensuite de les détruire afin de commencer la guerre de Gog et Magog pour que
l’Antéchrist se révèle, après quoi, le Christ réapparaîtrait. Le patient réussit à détériorer une
des mosquées les plus saintes de Jérusalem. Le tribunal ordonna un examen psychiatrique et
on diagnostiqua son incapacité à différencier le bien du mal, l’irresponsabilité de ses actes et
donc l’impossibilité de le faire passer en justice. Il fut admis dans une institution
psychiatrique locale et transféré plus tard dans une institution psychiatrique de son propre
pays.
Sous-type 1c : ‘idées magiques’ concernant le lien entre la santé et les Lieux saints
Ce sous-type concerne les patients ayant des ‘idées magiques’ en relation avec la maladie, la
santé et les possibilités de guérison liées à Jérusalem. Il est intéressant de noter que le
célèbre auteur russe Gogol, après que la psychose eut mis fin à ses activités d’écrivain, eut
une révélation suggérant qu’il ferait bien de visiter Jérusalem et de réciter des prières
spéciales aux Lieux saints d’enterrement pour se remettre de sa maladie et redevenir à
nouveau capable d’écrire. Gogol se rendit en Israël en 1848, mais ne guérit pas et
mourut quatre ans plus tard.

Sous-type 1d : problèmes familiaux débouchant sur une psychose à Jérusalem
Ce sous-type comprend des individus dont la perturbation mentale s’exprime en termes de
problèmes familiaux. Ce sous-type est problématique parce que, sous l’influence de la
psychose, il est habituellement impossible d’identifier la signification centrale de Jérusalem
pour le patient en association avec la psychose, ou le motif de son voyage à Jérusalem.
Toutefois, ces individus choisissent de venir à plusieurs reprises à Jérusalem et développent
pendant leur séjour une psychose insigne.
Exemple :Un homme d’origine sud-africaine, souffrant de désordre affectif bipolaire et ayant
séjourné à plusieurs reprises à hôpital dans son pays, visita Jérusalem en quatre occasions,
chacune après un épisode maniaque débouchant sur son admission à l’hôpital. Selon cet
homme, il était venu à Jérusalem pour tuer un homme qui avait violé sa fille. Sa famille
avertissait toujours les autorités sanitaires israéliennes de ses visites et, par conséquent, il fut
admis à l’hôpital immédiatement à son arrivée à Jérusalem. Après avoir reçu un traitement, il
avait d’habitude la capacité de montrer un certain degré de compréhension, et de noter que
lorsqu’il devenait maniaque, il était bouleversé par le mari de sa fille. Pendant une période
de rémission, il put admettre le caractère pathologique de son comportement et admettre
également qu’en vérité, il admirait et respectait son gendre. Les psychologues qui l’ont traité
ont décrit son désordre comme un complexe d’Å’dipe inversé qui était manifeste pendant les
phases maniaques. Son rapport avec Jérusalem n’est pas clair; pas plus que n’est claire la
raison pour laquelle il est attiré à Jérusalem dans la recherche d’une solution au problème
imaginaire créé par ses processus de pensée pathologiquement déformés.

Type 2 : Le syndrome de Jérusalem compliqué par des idéations idiosyncratiques
Le sous-groupe de type 2 concerne les personnes ayant des désordres mentaux comme des
désordres de la personnalité ou une obsession avec une idée fixe, mais n’ayant pas de maladie
mentale claire ; leurs pensées et idées bizarres ne répondent pas aux dimensions illusoires ou
psychotiques. Le type 2 peut être divisé en deux sous-types : le sous-type 2a s’applique aux
individus appartenant à un groupe ; le sous-type 2b qui est moins fréquent, s’applique aux
individus
isolés.
Le type 2 comprend probablement un grand nombre des victimes du syndrome de Jérusalem.
Dans les groupes, ils sont fortement visibles ; ils apparaissent dans les lieux publics,
spécialement les Lieux saints. On en parle parfois dans les médias, mais ils ne sont
généralement pas connus des services psychiatriques professionnels.
Sous-type 2a : individus appartenant à un groupe
Exemple : Divers groupes chrétiens hors du courant dominant des églises établies,
s’installent à Jérusalem pour, par exemple, provoquer la résurrection des morts ou la
réapparition de Jésus Christ. De tels groupes ne comptent habituellement pas plus d’une
vingtaine membres. Un groupe, précédemment situé à Jérusalem, est maintenant installé près
de Jéricho, un autre dans la Forêt de Jérusalem et un autre encore est basé dans le centre de
Jérusalem. Les membres de ces groupes portent des vêtements distinctifs qui, selon eux,
ressemblent
à
ceux
portés
à
l’époque
du
Christ.
Divers groupes juifs divers ont aussi des idées et des intentions peu communes quant à
Jérusalem. Nous connaissons trois groupes essayant actuellement de ‘créer’ une génisse
rouge selon des textes contenus dans l’Ancien Testament (Nombres, XIX). Dans la Bible, la
génisse rouge devait être sacrifiée et ses cendres utilisées pour des rituels de purification avant
l’entrée au temple. Aujourd’hui, apparemment, toucher simplement la génisse rouge suffira.
Le problème est qu’une génisse parfaite, impeccable, complètement rouge doit encore être
conçue.
Les membres de ces groupes ne subissent pas d’habitude d’examen psychiatrique parce qu’ils
nne suscitent pas de problèmes, mettent en danger d’autres personnes ou enfreignent la loi.
Seulement trois individus de tels groupes ont été examinés, suite à une décision judiciaire
après une confrontation violente avec des voisins ; tous les trois ont été diagnostiqués comme
subissant des désordres de la personnalité.
Sous-type 2b : individus isolés
Exemple : Un Allemand célibataire de 45 ans, travaillant dans un emploi
universitaire, considéré comme sain et sans aucun problème identifiable, est obsédé, sans être
capable d’expliquer pourquoi, par le besoin de trouver la ‘vraie’ religion. Il a passé cinq ans à
étudier les divers courants du Christianisme et également du temps à étudier les religions
ésotériques de la Perse antique, de la Chine et du Japon, et il arriva à la conclusion qu’aucune
d’entre elles ne pouvait être qualifiée de ‘vraie’ religion. Il s’est alors mis en congé de son
travail, est venu à Jérusalem et a commencé à étudier le Judaïsme dans une université et dans
une Yeshiva (un séminaire religieux). Cependant, le Judaïsme a aussi été rejeté. Finalement,

cet homme a décidé que la seule vraie religion était, selon ses mots, "le Christianisme primitif
- la religion de Jésus avant que Pierre et Paul ne l’aient ruinée".
Il sentit alors qu’il devait absolument apporter ce message aux gens de Jérusalem et se mettre
à le prêcher à chaque occasion. Un jour, en visite à l’église du Saint-Sépulcre dans la Vieille
Ville de Jérusalem, il succomba à une attaque d’agitation psychomotrice et commença à crier
vers les prêtres, les accusant d’être des païens et des barbares et d’adorer des image
gravées. La confrontation dégénéra en une lutte violente ; finalement, le sujet commença à
détruire des statues et des peintures. La justice ordonna son admission à l’hôpital de Kfar
Shaul pour observation et évaluation psychiatrique. Cependant, l’examen par des psychiatres
expérimentés, y compris le psychiatre du district de Jérusalem, ne révéla aucune
psychopathologie, pas même le moindre désordre de personnalité, tout ce qu’ils purent
trouver fut l’obsession par l’idée fixe évoquée précédemment. Un suivi trois ans plus tard ne
parvint pas à indiquer des troubles psychiques et le sujet continue à travailler dans son emploi
universitaire, à croire en la même religion et à étendre son message, regrettant seulement de
n’avoir pas pu le faire à Jérusalem.
Type 3 : syndrome de Jérusalem - forme discrète, non parasitée par des
psychopathologies antérieures
Le troisième type du syndrome de Jérusalem est peut-être le plus fascinant, en ceci qu’il décrit
des individus sans antécédents de maladie mentale, qui sont victimes d’un épisode
psychotique alors qu’ils sont en Israël (et particulièrement à Jérusalem), se remettent assez
spontanément et ensuite, après le départ du pays, se comportent apparemment normalement.
De ce fait, le type 3 n’est pas lié à d’autres psychopathologies et peut être décrit comme la
forme ‘pure’ou ‘non parasitée’ du syndrome. Numériquement, le type 3 est une catégorie
assez petite : entre 1980 et1993, il y eut 42 cas répondant aux trois principaux critères de
diagnostic établis ci-dessous.
Principaux critères de diagnostic pour le type 3
Critère n°1 : les sujets n’ont aucun antécédent de maladie psychiatrique - aucun épisode
psychotique antérieur, aucun problème significatif quant au travail ou à la famille et aucune
utilisation de drogue. Autrement dit, les sujets peuvent être définis comme sains et exempts de
tout
trouble
psychique.
Critère n°2 :les sujets arrivent à Jérusalem comme des touristes normaux, sans mission
spéciale ou but spécifique dans la tête. Ils arrivent d’habitude avec des amis ou des membres
de leur famille, faisant souvent partie d’un groupe plus important en voyage organisé dans
les pays
de
la
Méditerranée.
Critère n°3 : en arrivant à Jérusalem, les sujets ont une réaction psychotique aiguë qui se
développe dans un ordre caractéristique de sept étapes cliniques identifiables.
Les sept étapes cliniques du type 3 :



Inquiétude, agitation, nervosité et tension, ainsi que d’autres réactions non spécifiées.
Expression du désir de se détacher du groupe ou de la famille et de visiter Jérusalem
seul. Des guides touristiques conscients du syndrome de Jérusalem et de la
signification de telles déclarations peuvent à ce moment-là adresser le touriste à notre








institution pour une évaluation psychiatrique afin d’agir en anticipation des étapes
suivantes du syndrome. Sans surveillance, ces étapes sont d’habitude inévitables.
Le besoin d’être propre et pur : obsession avec prise de bains et douches; taille
compulsive des ongles de mains et de pieds.
La préparation, souvent à l’aide des draps de lit d’hôtel, d’une robe ressemblant à une
toge, descendant jusqu’à la cheville et qui est toujours blanche.
Le besoin de crier, de hurler ou de chanter à haute voix des psaumes, des versets de la
Bible, des hymnes religieux ou des negro spirituals. Les manifestations de ce type
servent d’avertissement au personnel d’hôtel et aux guides touristiques, qui devraient
alors essayer de faire prendre le touriste en charge par des professionnels pour un
traitement. À défaut, les deux dernières étapes se développeront.
Une procession ou une marche vers un des Lieux saints de Jérusalem.
La déclamation d’un ‘sermon’ dans un Lieu saint. Le sermon est d’habitude très
confus et fondé sur un appel peu réaliste à l’humanité d’adopter un mode de vie plus
sain, moral et simple.

Traitement et rétablissement
Le type 3 n’implique pas habituellement d’hallucinations visuelles ou auditives. Les patients
savent qui ils sont et ne prétendent pas être quelqu’un d’autre. Si on les interroge, ils
s’identifient par leur vrai nom. Cependant, ils demandent à ne pas être dérangés dans
l’achèvement de leur mission. Leur comportement revient d’habitude à la normale en 5 à 7
jours ; autrement dit, un épisode de courte durée suivi d’un rétablissement complet. Ces
individus ont clairement besoin d’un traitement et en reçoivent souvent un, mais le
rétablissement est assez souvent spontané et pas nécessairement dû au traitement.
L’expérience nous a appris que l’amélioration est facilitée par, ou dépendend de,
l’éloignement physique du patient de Jérusalem et de ses Lieux saints. Dans l’ensemble, une
intervention médicale importante n’est pas souhaitable; des tranquillisants mineurs ou de la
mélatonine (comme dans les cas de psychose de fatigue due au décalage horaire) suffisent.
Notre principale stratégie de traitement est de faciliter le retour au groupe ou le
renouvellement de liens familiaux (y compris avec la famille à l’étranger), ou, si cela
semble approprié, l’accès à un prêtre. La psychothérapie d’intervention de crise joue un
rôle important
dans
le
processus
de
rétablissement.
Après leur rétablissement, les patients se rappelent généralement chaque détail de leur
comportement anormal. Ils ont inévitablement honte de la plupart de leurs actions et estiment
qu’ils se sont comportés sottement ou naïvement. Ils décrivent parfois leur conduite comme
étant apparentée à celle d’un ‘clown’ ou d’un ‘drogué’. Cependant, dans la plupart des cas, ils
sont peu disposés à parler de l’épisode et il a donc été difficile d’approfondir la
compréhension du phénomène. Ceux qui parlent vraiment après l’épisode parlent souvent de
la sensation de "quelque chose qui s’ouvre à l’intérieur d’eux", leurs mouvements corporels
suggérant une disposition extérieure. Après cette sensation, ils se sentent obligés
d’effectuer certaines
actions
ou
de transmettre
leur
message.
Exemple : un avocat suisse arriva à Jérusalem dans le cadre d’un voyage organisé au MoyenOrient qui incluait une semaine en Grèce, une semaine en Israël et une semaine en Egypte. Il
avait été en parfaite santé jusqu’au moment du voyage et avait passé une semaine agréable en
Grèce. Le début de type 3 du syndrome se manifesta lors de sa première nuit à Jérusalem. Le
sujet remplit parfaitement les trois critères diagnostiques et le développement du
syndrome suivit fidèlement les sept étapes caractéristiques. Le processus entier a pris sept

jours, après quoi le syndrome disparut. Le sujet rejoignit le voyage organisé, apprécia sa visite
en Égypte
et
rentra
à
la
maison
en
bonne
santé.
En recherchant des éléments distinctifs de contexte pour les patients de type 3, nous avons
constaté que, des 42 cas, 40 étaient des protestants, un était catholique et un était un Juif qui
avait vécu caché comme un Protestant pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les 40
protestants étaient originaires de ce qui peut être décrit comme des ‘familles ultra-religieuses’.
La Bible était le livre le plus important pour ces familles, qui le lisaient ensemble au moins
une fois par semaine. La Bible servait également de source pour répondre à des problèmes
apparemment insolubles - particulièrement pour le père, en tant que chef de la famille. Pour
les croyants fondamentalistes de ce type, Jérusalem possédait la plus haute signification : de
telles personnes possèdent une image subconsciente idéaliste de Jérusalem, des Lieux saints et
de la vie et la mort de Jésus. Il semble, cependant, que ceux qui succombent au type 3 du
syndrome de Jérusalem sont incapable d’accepter la réalité concrète de la Jérusalem
d’aujourd’hui - un fossé apparaît entre leur image idéaliste subconsciente de Jérusalem et la
ville telle qu’elle apparaît en réalité. On pourrait voir leur état psychotique et en particulier le
besoin de prêcher leur message universel comme une tentative de combler le fossé existant
entre
ces
deux
représentations
de
Jérusalem.
Pour tenter de parvenir à une base empirique plus large, nous avons envoyé des questionnaires
à nos 42 patients de type 3, mais nous n’avons reçu des réponses que de quatre d’entre eux et ceux-ci ont simplement déclaré qu’ils se sentaient bien et nous ont remerciés pour notre
traitement, sans commentaires supplémentaires. Personne n’a répondu au questionnaire. Les
tentatives d’obtenir de l’information par entrevue téléphonique ont produit le même résultat
décevant ; les ex-patients ont insisté sur le fait qu’ils se sentaient bien et qu’ils ne voulaient
pas parler de leur expérience du syndrome de Jérusalem.
Discussion
‘Lieux connus’ et syndrome du voyageur
La première question qui se pose en discutant du syndrome de Jérusalem — et, en particulier,
le type 3 — est de savoir s’il est unique à Jérusalem, ou si d’autres Lieux saints induisent des
syndromes similaires. Les manifestations hystériques ou psychotiques liées aux Lieux saints
— comme celles qui apparaissent à La Mecque, dans les lieux saints en Inde, dans les lieux
saints chrétiens où l’on vénère la Vierge Marie, ainsi que lors des rassemblements
évangéliques — ressemblent assez à notre description ; cependant, le syndrome de Jérusalem
décrit ici demeure un phénomène unique qui mérite une évaluation complète.
Plusieurs explications ont été avancées pour expliquer la dépression psychotique parmi les
voyageurs. Certaines de ces explications suggèrent que le changement d’habitudes impliqué
par le voyage influence l’état mental jusqu’à un degré considérable. Flinn et Singh
recensent un certain nombre de facteurs tels que des environnements peu familiers, la
proximité des étrangers, l’inactivité, un sens de l’isolement et le choc culturel. Les facteurs de
ce type, ajoutés à la signification spéciale de Jérusalem pour les juifs, chrétiens et musulmans,
peuvent servir à déclencher un épisode psychotique aigu. Selon Cohen, le mode ‘existentiel’
du voyage (un des cinq modes du tourisme ; ce mode se rapporte à des voyages vers un centre
spirituel)
constitue
une
métamorphose
moderne
du
pélerinage.
Il faut noter que Freud a rapporté avoir éprouvé un sens de déréalisation en visitant

l’Acropole. La possibilité que d’autres syndromes liés à des lieux spécifiques et le syndrome
de Jérusalem puissent partager un dénominateur commun quoiqu’ils semblent être
fondamentalement différents ne devrait pas être écartée. Par exemple, dans le cas des ‘errants
d’aéroports’ ou du ‘syndrome d’aéroport’, un comportement que l’on retrouve parmi les
touristes qui se perdent et qui éprouvent des épisodes psychotiques dans les aéroports, il a été
suggéré que les aéroports accentuent symboliquement des problèmes préexistants. Cependant,
à la différence des victimes du syndrome de Jérusalem, les personnes qui développent le
syndrome d’aéroport oublient leur identité, ignorent d’où ils viennent et où ils vont, et ils
bousculent d’autres gens. Le rétablissement est habituellement spontané après une aide
minimale, parfois une boisson ou un bref repos.
Le syndrome de Stendhal
Le comportement qui ressemble le plus étroitement au syndrome de Jérusalem est le
syndrome de Stendhal identifié par Magherini, qui décrit une réaction psychotique aiguë
particulière surgissant parmi les touristes amateurs d’art visitant Florence. Le syndrome est
baptisé du nom de l’auteur français Stendhal, qui a décrit les sentiments du déjà vu et
d’inquiétude après avoir admiré des œuvres d’art à Florence. Magherini, dans son
livre Sindrome di Stendhal, a présenté les variables statistiques, socio-démographiques,
cliniques et liées au voyage de 106 touristes qui ont été admis à l’hôpital à Florence entre
1977 et 1986. Elle a décrit les cas dans lesquels un petit détail dans une peinture ou une
sculpture célèbre a déclenché un accès d’inquiétude atteignant des dimensions psychotiques.
Selon elle, de telles réactions sont habituellement associées à une perturbation mentale ou
psychiatrique latente qui se manifeste en réaction aux peintures des batailles ou d’autres
chefs-d’œuvre et aboutit au véritable syndrome de Florence ou de Stendhal.
Vers le millénaire
Au moment de mettre sous presse, nous avons reçu des rapports à l’approche du nouveau
millénaire, selon lesquels divers communautés et rassemblements projettent de venir à
Jérusalem et d’y séjourner de Pâques 1999 jusqu’à Pâques 2000 en prévision d’événements
miraculeux. Des candidats de type 1 et 2 se dirigent vers Jérusalem afin d’y accomplir
quelque chose. Pour de telles personnes, Jérusalem peut être vu comme un aimant qui les
attire et les pousse à effectuer certaines actions. Les candidats de type 3 seront victimes du
syndrome indépendamment de leur motivation initiale pour visiter Jérusalem.
En conclusion, nous voudrions souligner que cette analyse est fondée principalement sur des
données phénoménologiques incluant l’expérience clinique d’une équipe multidisciplinaire.
Comme mentionné ci–dessus, des tentatives d’ancrer l’analyse sur des données obtenues par
une recherche empirique systématique ont été contrecarrées par l’hésitation des ex–patients à
coopérer. Une recherche plus détaillée serait donc nécessaire afin d’arriver à une meilleure
compréhension du syndrome de Jérusalem en général, et en particulier de sa version plus
intrigante, la version &lsquo ;pure et non parasitée’ de type 3.
Conséquences cliniques et limites
Conséquences cliniques


Le syndrome de Jérusalem est un phénomène psychiatrique unique qui apparaît chez
quelques touristes en visite à Jérusalem.





L’identification des désordres psychiatriques liés à la religion et associés à la
proximité des Lieux saints est importante parce que la détection précoce et une
intervention peuvent arrêter la progression de tels épisodes.
Une connaissance complète du contexte religieux et des croyances des patients est une
partie essentielle pour l’interposition au moment de la crise.

Limites




Ce travail est fondé sur une description phénoménologique et n’est pas une étude de
recherches.
L’étude manque d’information sur le suivi.
L’étude ne tient pas compte des changements de circonstances liés à l’afflux prévu des
touristes pour l’année 2000.

Références
Bar–El, I., Witztum, E., Kalian, M., et al (1991a) Psychiatric hospitalization of tourists in
Jerusalem. Comprehensive
Psychiatry, 32,
238
–244.
Bar–El, Kalian, M. & ; Eisenberg, B. (1991b) Tourists and psychiatric hospitalization with
reference to ethical aspects concerning management and treatment. Psychiatry, 10, 487 –492.
Cohen, E. (1979) A phenomenology of tourist experience. Sociology, 13, 179 –201.
Flinn, D. B. (1962) Transient psychotic reactions during travel. American Journal of
Psychiatry, 119,
173
–174.
Freud, S. (1936) A disturbance of memory on the Acropolis. Reprinted (1953–1974) in
theStandard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud (trans. and ed. J.
Strachey),
vol.
22,
p.
239.
London :
Hogarth
Press.
Magherini,
G.
(1992) Syndrome
di
Stendhal.
Milan :
Fettrinelli.
Nabokov, V. (1971) Gogol. Reprinted in Hebrew (1997) (trans. D. Frenz). Tel Aviv : Yedioth
Ahronoth.
Shapiro, S. (1982) Airport wandering as a psychotic symptom. Psychiatria Clinica, 15, 173 –
176.
Singh, H. A. (1961) A case of psychosis precipitated by confinement in long distance travel
by train. American Journal of Psychiatry, 117, 936 –937.
Traduction d’un article publié en août 1999 dans le British Journal of Psychiatry par
Yair Bar–El, Rimona Durst, Gregory Katz, Josef Zislin, Ziva Strauss et Haim Y. Knobler
et dont la version originale en anglais est disponible à l’adresse suivante : Jerusalem
syndrome
© 2000 The Royal College of Psychiatrists


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