D Pringuey Pourquoi la Guerre Cercle Polémologie Juin 2016 PDF


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Pringuey 2016 Pourquoi la guerre

Conférence au Cercle René Girard de Polémologie du Sud Est - La Napoule -16 Juin 2016

Pourquoi la Guerre ?
D. Pringuey*
*

Professeur de Psychiatrie de l’Adulte. Département de Phénoménologie Médicale et Psychiatrie Psychopathologique. Faculté
de Médecine de Nice UNSA 28 Av Valombrose 06107 Nice cedex 1 / pringuey@unice.fr

Résumé
L’actualité violente surprend la modernité oublieuse des alertes constantes depuis les
présocratiques et ramenée à une question encore largement irrésolue : Pourquoi la guerre ? Ce qu’une
correspondance célèbre entre Einstein et Freud dans les années 30 titrait, l’un interrogeant la soif de
pouvoir des élites, l’autre la soumission de l’homme à la pulsion de mort. Depuis toujours la guerre,
elle rythme la vie des hommes et anime leur inventivité : les modernes y voient qui « une continuation
de la politique par d’autres moyens », qui une « torsion à la règle symbolique de l’échange », qui un
« échec du mécanisme sacrificiel ». Si l’homme partage avec l’animal un dispositif instinctuel en faveur
de la conservation de l‘espèce, de la survie, de la reproduction et de la défense territoriale, il s’en
distingue singulièrement par sa cruauté et la régression sociale dans le retour du tribal violent. On
ressent avec inquiétude que la modalité intersubjective radicale qui vise à tuer l’autre ressort d’un
sentiment de haine, racine vivante de la colère. L’expérience du ressentiment lié à une humiliation
nourrit le composite d’une humeur sthénique, d’émotions négatives et d’un projet de vengeance. Un
regard existentiel porté sur la montée aux extrêmes terroristes dévoile une quête héroïque mais
illusoire des besoins fondamentaux de liberté, de reconnaissance et d’identité ouvrant à une nouvelle
anthropologie sensible à la question religieuse.
Mots clefs : haine, émotions, identité, phénoménologie, approche existentielle
---------------------------------On peut s’étonner qu’un psychiatre s’interroge sur une problématique pour l’essentiel
politique, même si des raisons personnelles indépendantes de ses motivations professionnelles l’y
conduisent, même s’il reprend simplement une exclamation inquiète tirée de la Bible1 et passée dans le
langage courant face à des décideurs très imprudents : « Ils sont devenus fous !», surtout lorsqu’est
posée la question de la santé mentale d’assassins sanguinaires fanatiques2.
« Guerre impitoyable ... totale... » annoncent nos édiles au lendemain des attentats de Paris ce
13 Novembre 2015 : 129 morts et 352 blessés, au Bataclan 89 morts, massacre qui fait suite à l’explosion
de l’airbus russe du Sinaï, 224 victimes, aux attentats de Beyrouth 44 morts, d’Ammam 5 morts, de
Charlie hebdo en Janvier.... mais guerre qui date depuis au moins 30 ans...
Sous le coup de l’attentat, ce n’est plus que terreur, larmes, recueillement, prières, offrandes,
célébrations du deuil et requiem. Cette situation extrême pour toute personne mélange violence,
destruction, mort... Elle est la source d’un vécu d’horreur, d’effroi, d’épouvante, de panique,
d’apocalypse. Le sujet y vit la perte de son monde, dans l’angoisse qui est perte de la confiance,
fracture de la liberté. Dans la sidération, son impuissance totale est disparition de la capacité à l’action
1
2

Romains 1-22 Version Louis Segond 1910
Elbogen EB, Johnson SC. The Intricate Link Between Violence and Mental Disorder. Arch Gen Psychiatry 2009 ; 66, 2 :152-161

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et de la possibilité de recours à la créativité. C’est un arrêt du temps, l’urgence d’un immédiat transi,
un espace figé dans un surplace terrifié ou une fuite désordonnée et parfois dangereuse. C’est une crise
majeure de l’identité humaine où se délient le corps pétrifié ou agité et le soi éclaté. Cet état de choc
recoupe les descriptions des pathologies psychiatriques et peut y conduire.
Depuis le Vème siècle av J-C, les présocratiques nous avaient prévenus. Le « Maître de vérité »
d’Agrigente, Empédocle suggère de façon inspirée et poétique l’antagonisme fondateur de l’amour et
de la haine, conception dont on sait le cours et le succès ultérieur. Héraclite, l’obscur, avance la
primauté du jeu alternatif des contraires qui engendre le couple vainqueur-vaincu, schéma de portée
cosmologique. Il pose le conflit comme source de tout progrès : « La guerre est le père de toutes
choses, de toutes le roi ; et les uns, elle les porte à la lumière comme dieux, les autres comme
hommes ; les uns, elle les fait esclaves, les autres, libres » 3
Principe universel de mouvement et de génération de toute chose, la guerre, tout comme le
conflit, la querelle, la discorde, l’antagonisme..., est la loi de l’être qui n’est pas immobile dans
l’identité du même mais en mouvement dans l’opposition du même et de l’autre, principe de genèse et
de maintien dans l’existence, feu sous sa forme matérielle et polemos sous forme figurée. Il se
caractérise par sa nécessité et son éternité. « Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l’a
fait, mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s’allumant en mesure et s’éteignant en
mesure ». Il est la vie dans son affirmation innocente et l’harmonie résultant à l’échelle du tout de la
confrontation et de l’ajustement des contraires.4
Pourquoi la guerre ?
Warum Krieg ? 5 Why war ? Pourquoi la guerre ?
C’est le titre en trois langues d’un document célèbre issu de la commande de la Société des
Nations et de son Institut International de Coopération Intellectuelle à Albert Einstein en Juillet 1932
qui s’est montré « heureux d’être invité à un libre échange de vues avec une personne de (son) choix
sur un sujet désigné à (son gré). Il interrogeait alors Sigmund Freud : « Existe-t-il un moyen
d’affranchir les hommes de la menace de la guerre ? » Freud répondra en Septembre 326. L’Europe et
plus particulièrement Paris à cette époque manifestent l’inquiétude des états nations au lendemain de
1918, dans les suites de la crise de 1929, face aux progrès de la technique et sensibles au souci de
subordination du droit à la force. Pour répondre à cette question suffit-il d’opposer savoir et pensée,
comprendre et expliquer ?
Dans son adresse à Freud en Juillet 1832, Albert Einstein relève plusieurs constatations. Il lui
semble que « l'appétit de pouvoir que manifeste la classe régnante d'un État contrecarre une limitation
de ses droits de souveraineté ». Cet appétit politique de puissance répond le plus souvent de
prétentions économiques matérielles, et il voit « un groupe au sein de chaque peuple, peu nombreux
mais décidé, qui a main sur l’école, la presse et les organisations religieuses, peu soucieux des facteurs
sociaux, pour qui la guerre, la fabrication et le trafic des armes n’est qu'une occasion de retirer des
avantages particuliers, d'élargir le champ de leur pouvoir personnel ».
De plus, pour lui « l‘homme a en lui un besoin de haine et de destruction à l’état latent en
temps ordinaire (l’agressivité humaine) et qui s’exprime dans diverses circonstances particulières »...

3

4
5
6

Marcel Conche. Héraclite, Fragments. PUF, 1986, p. 437 à 440.
Pr Simone Manon : http://www.philolog.fr/heraclite-polemos-est-le-pere-de-toutes-choses/
Albert Einstein, Sigmund Freud. Pourquoi la guerre ? Warum Krieg 1933 Trad. Blaise Briot. Ed Rivages Poche Paris 2005 pp65
Pourquoi la guerre ? A Eistein, S Freud. Traduction Blaise Briod, Ed Rivages Poche Petite Bibliothèque 2005, pp65

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et il est inquiet de constater que la soi-disant « intelligence » humaine, proie la plus facile des funestes
suggestions collectives, n’a pas coutume de puiser aux sources de l’expérience vécue...
Sigmund Freud en Septembre 32 lui répond dans le souci d’une« sauvegarde de la paix à la
lumière de l’examen psychologique ». Il rappelle l’importance de la création d’une instance
internationale d’arbitrage mais préfère parler de violence et non de force ; de violence au sens d’un
règlement « animal » des conflits d’intérêt qui fonde l’antinomie droit et violence.
Face au cycle de la vengeance et à la séquence dominer-asservir-tuer, il oppose l’idée que
l’union fait la force, et considère que l’union stable et durable fonde le droit, force de la communauté,
au travers d’attaches sentimentales et d’identifications. Il rapporte aussi les échecs historiques des
grecs, de la paix romaine, des états chrétiens, des idéologies (bolchéviques....) aux effets de la loi des
instincts, à la pulsion agressive, destructrice, liée à l’instinct de conservation mais aussi à une pulsion
de mort.
A son avis, seule la culture peut barrer la route à la guerre. Elle promeut la valorisation de la
pulsion de conservation, rappelant le commandement « Aime ton prochain comme toi-même » et
permettrait l’affermissement de l’intellect, la répression de l’agressivité et de la tentation aux
dégradations esthétiques.
Les raisons de la guerre
De fait, la guerre tient de motifs divers. En premier lieu, l’adage prophylactique obligé de
Végèce : « Si tu veux la paix, prépare la guerre » (Si vis pacem, para bellum7) lie l’une à l’autre. Carl von
Clausewitz (en 1831)8 a défini la guerre comme la « continuation de la politique par d’autres moyens »
et plus récemment on l’a rapportée au « ressentiment animant l’emballement mimétique qui depuis le
duel, l’action réciproque violente, monte aux extrêmes » (René Girard 2007) 9.
La guerre relève aussi de l’échec de l’organisation supra étatique à prévenir et régler les conflits
géopolitiques et économiques touchant les ressources énergétiques telles le pétrole, et à réfréner
l’abus de pouvoir d’une souveraineté et sa transgression des règles du droit international (Guerre du
golfe en 2003). Plusieurs motifs fréquemment convergent, comme à l’origine de la guerre d’Irak : la
vengeance du « 9/11 », la capture pétrolière, l’implantation géostratégique, les fausses alertes de
l’espion Cuberval ( Rafid Ahmed Alwan al-Janabi ), les soumissions politiques et politiciennes... 10.
Si de fait la guerre possède de nombreuses déterminations, il convient de reconnaître le rôle de
l’humiliation où la torsion de la règle symbolique de l’échange nourrit la « haine de ceux à qui on a
tout donné sans qu’ils puissent le rendre » (Jean Baudrillard11), blessure narcissique violente et échec
du mécanisme sacrificiel qui libère la violence et fonde l’institution (René Girard12).
Faut-il se souvenir aussi du conflit bien connu des classiques. Thomas Hobbes pour qui
l’homme est mauvais de nature, ce qui justifie son contrôle par l’état (Le Léviathan (1651)13 s’oppose à
Jean Jacques Rousseau pour qui l’homme est bon de nature et a été perverti par la civilisation : il est le
« bon sauvage » (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755). 14
7

Végèce.Epitoma Rei Militaris (fin IVème S
Carl von Clausewitz. Vom Krieg 1831 . De la guerre. Traduction Nicolas Waquet. Rivages Poche Paris Réed. 2014 pp363
9
René Girard. Achever Clausewitz. Ed Carnets Nords Paris, 2007
8

10

Le Figaro Actualités internationales le 20/03/2013
Jean Baudrillard, Jacques Derrida Pourquoi la guerre aujourd’hui ? Lignes Paris 2015 pp91
René Girard. La violence et le sacré Ed Grasset 1972 pp451
13
Thomas Hobbes Le Léviathan, 1651
14
Jean Jacques ROUSSEAU Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755). Voir Texte et Commentaire
Géradine Lepan Ed Ellipse Marketing, Paris 2015, pp 64
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La préhistoire de la guerre
Mais nous savons la triste fin des bons sauvages. La guerre est de tous les temps, tout le temps
et depuis tout le temps comme l’a recensé le Centre des Etudes Stratégiques de la Hague15.
Nous connaissons mieux aujourd’hui le visage de la violence préhistorique découvert sur « Le
sentier de la guerre ». Guilaine J & Zammit J16 au Seuil colligent les vestiges témoignant d’atrocités
perpétrées dans les temps très anciens. On peut débuter par Homo Antecessor au paléolithique
inférieur (v 400.000 av J-C) en Espagne à Atapuerca.
On célèbre la guerre sur l’étendard d’Ur en pays de Sumer (v 2500 av J-C), sur une fresque de
Pylos en Grèce mycénienne (v 1200 av J-C)... L’Archéologie des guerres préhistoriques a donné lieu à
des reconstitutions significatives tel un Homo sapiens neanderthalensis dégustant la cervelle d’un
ennemi (V 130.000 av J-C) à Krapina en Croatie. On retrouve en Ligurie (Grimaldi) une pointe de silex
dans la vertèbre d’un jeune enfant de 2 ans (v 22.000 av J-C), au Soudan (Jebel Sahaba – site 117 - v
12.000 av J-C) les squelettes de 24 hommes, femmes et enfants massacrés, des projectiles retrouvés
dans les corps. A Bergheim en Alsace (v 4000 av J-C) un charnier d’hommes, femmes et enfants
massacrés...
Nous connaissons des dispositifs défensifs préhistoriques très sophistiqués datant du
néolithique, par exemple en Grèce, en Thessalie à Sesklo, les restes d’un village protégé, en Hongrie,
une ferme fortifiée de la culture Koros (v 5500 av J-C)... Des inscriptions néolithiques figurent des
batailles, par exemple un combat d’archers aux Dogues en Espagne, données conformes au spectacle
d’une des toutes dernières batailles primitive du Monde qui s’est déroulée entre deux clans Dani en
Nouvelle Guinée en 1960.
Plus tard on évoque massacres, pillages et dévastations qui élaborent le modèle des génocides
tribaux : il s’agit de détruire les autres en tant qu’entité. On cite l’invective d’un chef Maori à la tête
d’un chef ennemi qu’il a vaincu (XIX°siècle) : « Tu voulais t’enfuir n’est-ce pas ? Mais ma massue t’a
rattrapé !- Tu as été cuisiné et tu es devenu ma nourriture ! - Et où est ton père ? Il a été cuisiné ! - Et
où est ton frère ? Il a été mangé !- Et où est ta femme ? Elle est là ! Maintenant c’est une de mes
femmes ! - Et où sont tes enfants ? Les voilà ! Ils travaillent pour moi ! Ce sont mes esclaves ! ».
La guerre, une nécessité organique
La guerre répond de nécessités diverses visant à dominer, à se défendre, à se venger ; on la fait
pour l’honneur, le prestige, le territoire, le butin. L’animal aussi fait la guerre et son observation peut
nous aider à comprendre les mécanismes belliqueux humains, ce qui est le cas du chimpanzé en
Afrique, issu de notre ancêtre commun d’il y a 7 millions d’années.
Le singe exhibe divers comportements finalisés que l’on retrouve chez l’homme 17. La guerre
chez l’animal vise à acquérir de nouveaux territoires18, de nouvelles ressources 19(guerre étrangère), à
dissiper la tension sociale dans les groupes et régler le combat des chefs (guerre civile), à redéfinir la
hiérarchie entre mâles participant à l’organisation du groupe (prestige social), à renforcer la
coopération entre mâles (chasse), à conquérir de nouvelles femelles (nouvelles possibilités de sexe,
survie de la lignée, brassage génétique), à se nourrir et festoyer couronnant l’attrait consommatoire de
15

Centre des Etudes Stratégiques de la Hague
« Le sentier de la guerre ». Guilaine J & Zammit J Seuil Paris 2000, pp371. Et version téléchargeable :
https://www.google.com/fusiontables/DataSource?docid=1EX2CeR6OrfMmxUWBXgmaLoB9ChDwnVGC3pfE-1XZ#rows:id=1
17
Frans de Waal. Le singe en nous Ed Fayard. Collection. Le temps des sciences. Paris 2006 pp 326
18
http://www.bbc.com/earth/story/20150811-do-animals-fight-wars
19
Wilson ML et all. Lethal aggression in Pan is better explained by adaptive strategies than human impacts. Nature. 2014; 513(7518):414-7.
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la viande (cannibalisme). En revanche n’apparait que très rarement chez l’animal des signes traduisant
le plaisir de tuer et de torturer (le sadisme) ; l’ « overkill » semble seulement un ajustement adaptatif
utile au partage en bon ordre de la victime pour le groupe.
La guerre chez le singe comporte une séquence fonctionnelle significative : patrouille aux
frontières du territoire, phase de guets et surveillance du territoire ennemi, menaces diverses, passage
à l’attaque en nombre, stratégies de combat variées, souvent « overkill » de l’ennemi, cannibalisme...
L’homme, lui, dispose d’un vaste potentiel d’intimidation, de menaces, d’insultes capables de
déclencher le conflit. Ses différentes étapes sont assurées par une technologie sans précédent : de
nouveaux patrouilleurs tels le Drone MQ-1 Predator, bientôt armé d’un rayon laser, ou encore le
Neuron, un Ucav (Unmanned Combat Aerial Vehicle) développé par Dassault Aviation et la DGA. Nos
commandos ultraspécialisés et toujours plus lourdement harnachés de technologies de pointe20,
engagent raids, embuscades, destructions massives, massacres.
A l’attaque, nous lançons de nouvelles et puissantes machines de guerre comme le char BMTP
T-91 russe, le destroyer furtif USS Zumwalt, avec canon électromagnétique, l’hélicoptère de combat notre Eurocopter Tigre est 3ème au Top 10 des machines 21, des rockets, des orgues de missiles, des
missiles balistiques portés par des sous-marins ou des bombardiers lourds, des missiles
intercontinentaux, des radars et systèmes défensifs...
Les dimensions positives et négatives de la guerre
Chez l’animal, la chasse assure la réaffirmation alimentaire des structures sociales. L’irrésistible
attrait de la viande garantit le partage social, la hiérarchie, et promeut un renforcement des liens
sociaux. Chez l’homme, la guerre peut être vue comme une chasse aux bêtes ce dont témoigne l’enjeu
des trophées. On sait l’indémodable passion des têtes que l’on partage avec le règne animal. Par la
guillotine, le peuple de France a pu exposer au Monde les principes de la démocratie comme
découlant des progrès philosophiques du siècle des lumières (1793). Les décapitations remontent au
temps anciens comme en atteste la reconstitution de la statue gauloise d’Entremont et ses 6 têtes (v
III°siècle av J-C), mode traditionnelle reprise par les djihadistes actuels.
Il faut compter avec le goût de l’aventure et des exploits, de l’acquisition de biens de prestige
nécessaires aux élites sous le couvert d’une casuistique de la « guerre juste », d’une ascension sociale
parfois majeure, depuis les temps les plus anciens : telles celles du paysan Hongwu, devenu empereur
(fou) des Ming de 1328 à 1398 ac J-C comme Liu Bang Empereur Gaozu de 256 à 195 av J-C, progression
dont l’histoire de France regorge d’exemples.
On pratique l’asservissement, et à l’esclavage musculaire des hommes et des enfants s’ajoute la
soumission sexuelle des femmes, traite africaine, vente d’européens en Afrique. Les femmes, souci de
l’homme, constituent un trésor capable de valoriser par la dot la propriété et d’accroitre le clan en
acceptant de changer de nom. Trésor précieux car propre à augmenter le potentiel de fils, futurs
guerriers. Chez les modernes en retour, la guerre est médiatisée comme une entreprise humanitaire...
La guerre sert, chez l’animal aussi, à réduire l’excédent de population, et l’on s’y aide par des
exécutions sommaires comme celle représentée par Goya de résistants espagnols exécutés par les
soldats français (Tres de Mayo 1808, Prado Madrid), le massacre des enfants en bas âge... Malheur aux
vaincus ! L’« overkill » des ennemis est aussi ancien que les conflits. On se souvient de l’applique
présentant Achille trainant avec son char le corps d’Hector vaincu (1183 av J-C), comme l’image du

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Patrick Clervoy Dix semaines à Kaboul Ed Steinkis Paris 2012 pp296
https://www.youtube.com/watch?v=5gkM83Q8ovg

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corps criblé sous la torture Cheyenne du Sergent Frederick Wyllyams, 7e Cavalerie 1867. Les Gazaouis
du Hamas trainant un ‘’traître’’ derrière leur mobylette n’ont rien inventé.
La guerre, c’est les viols et massacres de civils sans défense, la torture et le supplice sadique des
prisonniers de guerre, comme ces images insupportables qui ont tourné en boucle montrant les
sévices pratiqués par les soldats américains torturant des prisonniers irakiens en 2004, comme le
massacre filmé de 7 soldats syriens loyalistes par les djihadistes en 2012, massacre médiatique de
prisonniers de guerre « inutiles ». Le cannibalisme souvent rituel, décrit notamment aux îles Fidji en
1869, fait l’objet de controverses nourries par un scepticisme post moderne qui en dénie la réalité, ce
qui est peu crédible quand on sait qu’il est question d’ingérer l’esprit et la force vitale de l’autre.
Mais le cœur des motifs belliqueux chez l’homme ne tient-il pas en dernière analyse de
facteurs psychologiques individuels amplifiés – structurés devrait-on dire - par l’effet de groupe ? La
question est alors : Pourquoi tant de haine ?
La haine
Pour l’approche phénoménologique existentielle, l’enjeu de la vie humaine répond de
l’équilibration des antinomies existentielles fondamentales : la liberté au prix de la nécessité, la
créativité à la mesure du conformisme et l’unique de l’identité humaine dans sa proportion avec le
même, ces équilibres relevant de l’articulation harmonieuse des assises affectives émotionnelles
formant le socle de la dynamique vitale et de son lien à l’environnement. .
« La haine, je la connais, le l’ai éprouvée, je l’ai rencontrée ». Elle se définit classiquement
comme « une hostilité très profonde, une exécration et une aversion intenses envers quelqu'un ou
quelque chose. Calculée, froide et systématique, la haine se distingue de la simple inimitié, plus
spontanée, impulsive et affective ». De structure complexe, elle connote une humeur dysphorique,
maussade et froide, un composite d’émotions négatives mêlant colère, tristesse, dégout et peur, et se
trouve souvent associée à une énergie sthénique, un sentiment de frustration, d’injustice, de jalousie,
de mépris, de trahison, qui forment le socle d’un thème de revanche et de vengeance, et animent un
comportement d’évitement puis de violence.
Ces traits mêlés d’humeur, d’émotions et de sentiments motivent la reprise d’une
phénoménologie de la vie affective émotionnelle qui d’abord entend par affectivité la « faculté d’êtreaffecté-par ... » (Tatossian 1979) 22et par affect, un état psychique minimal qui caractérise le sens des
réactions de l’agréable (plaisir) au désagréable (douleur).
La vie affective résulte de la composition de trois dimensions distinctes intriquées 13, l’humeur,
assise basale, autonome, portant des variations lentes, de tonalité passive en épaisse toile de fond de
l’expérience (être de bonne ou de mauvaise humeur), le sentiment, affectivité-conflit et relationnelle,
qui prend la forme significative d’une action du moi, attachée à un objet particulier, une personne ou
le Soi, et déroule le temps d’une action avec un début, une acmé et une terminaison, amour, respect,
honneur, compassion... et l’émotion, réactivité affective, sensibilité aigue et ponctuelle, réponse non
spécifique à l’événement mais qui vaut pour un appui fort du lien relationnel dans le message
corporel, réaction significative à expression faciale simple (Paul Ekman (1969)23
Mais la haine plus qu’un visage, est un regard, une posture qui peut être agressive, menaçante,
raide, tendue, une humeur rageuse, glaciale, coléreuse, une menace, dans le geste, la provocation, les
insultes, la malédiction, la vengeance, les menaces de mort, un passage à l’acte, la violence, le crime...
22

Tatossian A. Phénoménologie des psychoses. Ed Masson Paris 1979, Rééd Art du Comprendre Vrin Paris 2011

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Ekman P, Sorenson, ER, Friesen WV. Pancultural elements in facial displays of emotion. Science, 1969; 164(3875), 86-88.

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D’un point de vue descriptif, l’expérience de la haine signifie une désarticulation entre les
assises affectives émotionnelles elles-mêmes, l’émancipation douloureuse de la colère, de la peur, du
dégout et de la tristesse mélangées, émotions négatives en rupture de leur lien proportionnel habituel
et détachées de la confiance et du sentiment basal de sécurité. On craint leur recomposition habituelle
sous la forme d’un bloc émotionnel avec la dimension positive sthénique exaltée.
Alors l’énergie vitale et l’exaltation combinée aux émotions négatives réduisent le projet
humain à la quête solitaire, violente et illusoire d’une sauvegarde de la liberté, engagent la dynamique
et l’énergie du sujet dans un unique principe de survie, et animent une dangereuse protestation
identitaire. Alors il faudra savoir saisir de la profondeur biographique le début du trouble émotionnel
et y déceler les racines de la colère, la genèse intersubjective à l’origine de son exigence.
Un témoignage criant d’un tel chaos émotionnel où se risque le pire est par exemple celui des
excès du monde du football. Affichages insultant le partenaire ennemi devenu, tel joueur, son club,
son pays.. Les violences et dégradations par des ultras transforment le jeu en conflit guerrier. Le social
régresse au tribal, reprend les auto-ethnonymies (Nous sommes les meilleurs, les vrais, parfaits..).
L’adhésion à un nouveau groupe d’appartenance par rapport au groupe d’origine rejeté (et rejetant)
marque l’incapacité de l’individu à l’autonomie et sa nécessaire soumission à un ordre tribal, affichant
une tension dangereuse entre la singularité de la personne et le noyau social que forme le groupe
comme tribu.
Haïr, c’est vouloir la mort de l’autre.
Haïr, c’est le refus de toute détermination et donc de l’autre, « simple » possibilité, certes
extrême mais d’une facilité, d’une « banalité » étranges qui surlignent l’effort éthique de la paix et du
renoncement à la réciprocité (Girard 2007). Après l’échec du processus d’externalisation diabolique
qui fut certes utile, la haine apparait comme la tentative ultime d’une projection du mal sur l’autre, et
devient le motif du combat contre « l’axe du mal ». Elle est enfin un échec définitif en ce que la liberté
de l’autre est fondamentalement inaccessible.
« Homo homini lupus est » ! l’assertion « l'homme est un loup pour l'homme » serait la
réponse ironique de Plaute vers 195 av. J.C dans Asinaria, La Comédie des Ânes, à Cæcilius Statius pour
qui « l'homme est un dieu pour l'homme, s'il connaît son propre devoir » Fabula incognita, v. 265.
Mais pourquoi tuer l’autre ? « Je te tue avant que tu me tues » ..., pour que je vive et que
j’assure ma descendance, mais je ne le sais pas. Je te tue pour faire vivre et assurer le meilleur pour
l’humanité à venir : de l’étude populationnelle des haplotypes Y on évoque souvent ici l’atout d’un
brassage génétique adaptatif par acquisition des femmes des vaincus (Haak 2015)24.
Thomas Hobbes pour qui l'homme n’est pas sociable par nature mais par nécessité, redevient à
la mode. « C'est par crainte de la mort violente que (l’homme) fait société avec ses semblables » (De
cive 1642). L'égalité naturelle, soit le désir d’appropriation, fait peser sur la vie de tous une menace
permanente. L’état de nature est un état de « guerre de tous contre tous » (Bellum omnium contra
omnes), un état sans loi, sans juge et sans police, un état fondamentalement mauvais ne permettant
pas la prospérité, le commerce, la science, les arts, la société. C’est seulement par contrat civil que
l’homme garantit ce qui ne l’était pas dans l’état de nature : sa liberté, sa sécurité et l’espoir de bien
vivre. Selon son bon vouloir et l’air du temps.
24

Haak W, Lazaridis I, Patterson N et al. Massive migration from the steppe was a source for Indo-European languages in Europe. Nature
2015 ; 522, 207–211

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L’argument philosophique
Hegel dans sa « Phénoménologie de l’esprit » (1807 25) considère que c’est en vue d’une
reconnaissance mutuelle que toute conscience poursuit inéluctablement la mort de l’autre. Si les
hommes sont engagés dans une lutte à mort les uns avec les autres, c’est afin de se faire reconnaître
comme hommes, de s’élever au dessus de la vie animale, de s’affirmer en tant que conscience de soi,
d’accéder à la conscience de leur propre autonomie. Cette reconnaissance mutuelle par le combat avec
l’autre assure les droits de l’être singulier et préserve la différence au sein de l’unité. Cette thèse de la
reconnaissance sera reprise sur d’autres bases dans le contexte de la philosophie sociale par Axel
Honneth (2008 26).
JP Sartre (194327) dans « L’être et le néant* » propose un véritable « traité » des relations
concrètes avec autrui et entreprend une analyse phénoménologique fine de la haine, du sadisme et de
la honte (p401) Il voit dans le désir une émotion d’appropriation de la chair d’autrui : la conscience se
fait corps et fait l’expérience d’un trouble. Le sadisme manifeste l’échec du désir ; il est refus de la chair
et du trouble, pure conscience, pure liberté d’asservir l’autre devenu un simple objet. La haine vaut
pour un double échec car elle devient désir d’annihilation de l’altérité et de l’autre. Elle consiste à
vouloir la mort de l’autre pour se libérer totalement de son aliénation. Guerre contre l’autre en
général, la haine réclame elle-même d’être haie.
De fait, l'autre constitue mon être même et j’ai besoin de l’autre pour la constitution de mon
moi : je ne suis un être pour soi qu’à travers l’autre. Mais l’autre est aussi essentiellement celui qui me
regarde et qui limite ma liberté : je m'éprouve dès le départ dans la rencontre comme "possédé" par
l’autre. Etre vu par l'autre est ma honte, une passivité, une décentration de mon monde. Je hais le
pouvoir que l’autre a sur moi. Je hais l’autre en entier, son existence, sa liberté. Et je hais tous les
autres en un seul. Et je leur fais la guerre...
La guerre est finie, retour à la terreur.
Mais « la guerre est finie ! » titre Frédéric Gros en 2006 dans son travail intitulé « Etats de
violence »28. De fait, comme conflit armé, public et juste 29 la guerre qui vise à la mise en forme du
chaos dans un horizon régulateur n’est plus. Elle reposait jadis sur la tension éthique d’un échange de
morts dans le contexte de l’honneur, du courage et du sacrifice; elle avait pour objectif l’unité
politique de la Cité, de l’Etat ou de l’Empire; elle possédait un cadre juridique au titre de la « poursuite
armée de la justice » qui se résumait dans une cause. La configuration terroriste dans l’assassinat
aléatoire de civils démunis, l’attaque d’individus vulnérables, une surenchère d’atrocités portées dans
la Cité, le spectacle du malheur nu, télévisé, en ligne, tout cela signe de fait la venue – le retour ? - des
« états de violence ».
La guerre consistait à risquer sa peau pour sauver des vies et, qu’on la gagne ou qu’on la perde,
assurer l’avenir et la paix. Elle instaurait une rupture dans l’histoire. Le terroriste vise en se tuant à
tuer le maximum de personnes et à détruire le passé, dans la perpétuation indéfinie d’un cauchemar
continu au sein d’un monde global régulé par les systèmes de sécurité et les interventions.
De fait la guerre est finie, disparus ses honneurs et ses atrocités. La venue des états de violence
diligente mesures sécuritaires, vigilance continue, et impose un vivre composant avec la violence
25

Hegel Phénoménologie de l’esprit. 1807 Ed Gallimard NRF Paris 1993

26

Yannick Courtel. La lutte pour la reconnaissance dans la philosophie sociale d’Axel Honneth. Revue des sciences religieuses 2008, En ligne
: rsr.622-la-lutte-pour-la-reconnaissance-dans-la-philosophie-sociale-d-axel-honneth1.pdf
27

Sartre JP L’être et le néant.Ed Gallimard Paris, 1943 pp 604

28

Gros F. Etats de violence. Essai sur la fin de la guerre. Ed Gallimard HRF Essais Paris 2006

29

Alberico Gentillis, De jure belli 1597 livre I, chapitre II)

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devenue le sentiment de « vulnérabilité d’un vivant soumis aux dangers de causes extérieures :
attentats aussi bien que maladies, accidents, catastrophe naturelle, conflits civils ou crimes de droit
commun.. ». (Gros 2006).
Si nous revenons à l’étude des motivations à l’engagement terroriste (Bouzar 2014)30, on relève
diverses configurations psycho-sociales peu ou prou centrées sur un vécu de haine. Dans un contexte
socio-historique propice, l’expérience du ressentiment valide le principe de la vengeance et de sa
réciprocité (Girard 2007). Sur l’horizon relationnel matriciel, pour divers motifs indépendants de la
question sociale, religieuse ou politique, père, mère et proches familiaux n’ont pas permis de
surmonter une « crise de l’adolescence », barrant l’accès du sujet à une autonomie harmonieuse. Cet
échec motive alors la quête effrénée d’une identité, favorisant l’émancipation d’un projet radical.
Les besoins fondamentaux
Reprenant le plus haut de la pyramide des besoins humains qu’Abraham Maslow a proposé
dans les années 40, l’approche phénoménologique relie cette quête identitaire au comblement de trois
besoins vitaux fondamentaux articulés entre eux : un besoin de signification, un besoin de
reconnaissance et un besoin d’identité.
Le besoin de signification, vigoureusement porté au cœur du XXème siècle par Karl Jaspers31 et
Victor Emile Frankl32, correspond au souci de donner un sens à sa vie, à la vie, et de savoir gagner sa
liberté face à la nécessité, jusqu’à la défendre dans certaines conditions au risque d’en mourir.
Le besoin de reconnaissance étayé par Axel Honneth (2008), définit trois sphères
interdépendantes : celle de l’intime, de l’amour, où est reconnue la valeur de l’être et qui fonde la
confiance en soi, celle des activités coopératives du travail et de la vie de famille où est reconnue la
valeur de la contribution sociale de l’individu, son utilité sociale, et qui fonde l’estime de soi, et la
sphère juridique et politique où est reconnue la valeur de la liberté de l’individu et les droits qui la
garantissent, qui fonde le respect de soi. Lorsque ni son partenaire, ni ses proches ni le corps social ne
permettent pas d’en disposer, on peut gagner cette reconnaissance d’une relation interpersonnelle «
située », soutenue par une « appartenance » groupale nouvelle de substitut.
Enfin, et il s’agit bien d’une issue de la reconnaissance, le besoin d’identité que Paul Ricoeur 33,
après d’autres, a inscrit comme un enjeu existentiel majeur où, depuis l’autre, le Soi se construit. Il
s’agit d’être l’auteur de cette construction qui articule l’identité et le corps en vue d’équilibrer le même
(identité Idem) et l’unique (Identité Ipse), et en continu d’ajuster l’autre que Soi à l’autre de Soi, et son
inverse.
Or pour le combattant, la guerre a valeur de tenir au moins cinq configurations éthiques
élémentaires (Gros 2006). A la guerre, il s’agit de se dépasser : c’est l’éthique chevaleresque, le défi des
héros, un code d’honneur, l’affirmation de soi. Il faut tenir bon et manifester courage, endurance et
maîtrise de soi. Il convient d’obéir, simple rationalisation de l’art de la guerre où l’on devra savoir se
sacrifier, mourir pour une cause qui nous dépasse, un idéal. Il est nécessaire d’en finir, soit d’anéantir
l’autre jusqu’au désastre et à l’armistice. Ces configurations portent le parfait construit de l’identité
héroïque où la mise en jeu de sa propre vie vise à gagner une liberté perdue, à obtenir enfin une
reconnaissance et à assumer une identité durement acquise.
30

Bouzar D., Caupenne Ch., Valsan S. La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes Novembre 2014.
http://www.bouzar-expertises.fr/metamorphose
31
Jaspers K. Introduction à la philosophie. Ed Bibliothèque Paris 2001
32

Frankl V.E. Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie. Éditions de l'Homme, Paris 1988, Réedition J’ai lu, Paris 2013

33

Ricoeur P. Soi-même comme un autre. Ed. Seuil, Paris 1990.

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Et il est des situations de vie plus propice à la montée aux extrêmes, reportant la question à son
origine, ce que les classiques ont approché dans le concept de ressentiment, ce que Freud et
l’anthropologie ont vu dans le meurtre du père, ce que la phénoménologie pourrait retenir comme une
récapitulation de l’être confronté à une finitude perdue et réifiée en don du corps où le vaniteux le
dispute à l’absurde.
Conclusion
En contrepoint de la conclusion de Jean Paul Sartre à son œuvre princeps « L’être et le néant »
où il déplore que « L’homme (est) une passion inutile » p662, nous proposons de reprendre
l’énigmatique déclaration de Martin Heidegger faite au cours d’un entretien télévisé en 1966 et publié
au Spiegel en 197634 pour qui « seulement un Dieu peut encore nous sauver », un Dieu « advenant de
nouveau dans « la lumière de l’Etre » et venant nous sauver « de l’emprise du nihilisme»(Sichère
200235). L’interprétation de cette assertion depuis son grand œuvre suggérerait trois sources de salut
possibles : « des retrouvailles avec la parole des Grecs et les dieux de la Grèce..., la reprise d’un
dialogue passionné avec Nietzsche et avec le mot de Nietzsche : ‘’ Dieu est mort ’’, et l’entente de la
parole du poète Hölderlin : « Proche et difficile à saisir est le Dieu » (Sichère 2002).
On a fait dire à André Malraux que « le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas » ce qu’il a
récusé plusieurs fois. Questionné dans les années 50 sur le fondement religieux de la morale, Malraux
répondait : « Depuis cinquante ans, la psychologie réintègre les démons dans l’homme. Tel est le bilan
sérieux de la psychanalyse. Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace
qu’ait connu l’humanité, va être d’y réintroduire les dieux. » « Le problème capital de la fin du siècle
sera le problème religieux sous une forme aussi différente de celle que nous connaissons, que le
christianisme le fut des religions antiques. ». Pour signifier que le « retour du religieux » auquel nous
assistons, notamment sous sa forme fondamentaliste et terroriste, est aux antipodes du religieux qu’il
appelait : un événement spirituel majeur capable de sortir l’homme de l’abîme dans lequel il s’est
plongé au cours du XXe siècle, l’avènement d’une « nouvelle spiritualité aux couleurs de l’homme »...
étouffée en ce début de siècle par la fureur du choc des identités religieuses traditionnelles » (Lenoir
200536).
La question religieuse qui fait issue de cette réflexion motiverait de reprendre sous son
enseigne notre développement où nous sommes de fait rendus au problème psychopathologique de la
distinction entre croyances et délire qui, pour être familier à la discipline, ne s’est jamais résout
aisément.
Nice le 17 Juin 2016

Pr D Pringuey

34

Heidegger M. « Seulement un Dieu peut encore nous sauver ». Entretien au « Der Spiegel “ le 23 Septembre 1966

35

Sichère B. Seul un dieu peut encore nous sauver. Le nihilisme et son envers. Ed Desclée de Brouwer, Paris, 2002

36

Lenoir F. Malraux et le religieux. Le Monde des religions, septembre-octobre 2005, n°13

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